Le bâtiment qui abrite l'aréna du club de hockey Donbass, à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, n'est plus qu'une carcasse de murs noircis. L'incendie a commencé au milieu d'une nuit ponctuée de détonations sourdes. À qui la faute?

Un photographe local croisé sur les lieux assure que ce sont les rebelles séparatistes qui ont mis le feu. Les voisins qui observent la scène, eux, blâment plutôt l'armée ukrainienne.

«Cette nuit, on a entendu des avions tourner au-dessus du quartier», dit l'un d'entre eux. Il est furieux contre le gouvernement de Kiev et le nouveau président, Petro Porochenko, qui s'est engagé à reprendre le contrôle de la région du Donbass, contrôlée en grande partie par les rebelles prorusses.

«Nous n'avons pas voté pour eux, et maintenant ils nous tuent, ces bandits!», tonne-t-il, avant de me demander d'où je viens. «Canadienne? Alors dites à votre gouvernement qu'il a lui aussi du sang sur les mains.»

Un homme en treillis militaire claudique devant les urgences de l'hôpital Kalinina, à Donetsk. Il a marché toute la nuit, depuis l'aéroport jusqu'à l'hôpital. Son visage est plein d'égratignures.

Il faisait partie du bataillon qui a tenté de prendre le contrôle de l'aéroport, dans la nuit qui a suivi l'élection présidentielle. Une bataille féroce a suivi et, hier, le ministre de l'Intérieur Arsen Avakov a annoncé que l'armée avait repris l'aéroport.

Le combattant séparatiste a tout juste le temps de nous dire que la confrontation avait été terrible, puis cinq hommes armés s'approchent des urgences. L'entrevue est terminée.

Un des combattants armés se place devant l'entrée, son AK-47 pointé vers le sol. Pas question d'aller voir les blessés. Un de ses compagnons finit par laisser tomber qu'il a passé la nuit à amener des corps à l'hôpital. La veille, l'armée ukrainienne a frappé un camion d'insurgés prorusses près d'un pont, sur la route de l'aéroport. «Il y avait des bras, des jambes, de la viande, écrivez-le dans votre journal.»

Selon notre traducteur, il parle avec un fort accent moscovite. Tout comme le blessé qui boite.

Clairement, les urgences de l'hôpital Kalinina sont occupées par les rebelles. Et ils ne viennent pas tous du Donbass.

À la sortie, nous abordons une patiente. «C'est terrible, ils tuent nos enfants, il n'y a plus que la Russie pour nous aider.»

Un passant hoche la tête: «Mais ce sont tous des bandits», dit-il, en parlant des séparatistes. «Cette guerre se préparait depuis 15 ans, les gens ne comprennent rien.»

Plus loin, des journalistes attendent de pouvoir visiter la morgue. Il y a trente corps et demi, nous précise un rebelle masqué. À l'intérieur, impossible de compter les corps qui forment un amoncellement de chair sanguinolente.

Ce sont les victimes d'une frappe aérienne de l'armée, qui a touché un camion transportant des rebelles, près de l'aéroport. «Certains avaient un obus planté dans le corps», précise un type masqué qui répond aux questions des journalistes.

La bataille de l'aéroport a fait au moins 35 morts, tous du côté rebelle, selon Kiev. Notre interlocuteur masqué jure que malgré ces pertes, il ira jusqu'au bout. «Nous irons jusqu'à Kiev.»

À l'intersection de la route de Kiev et de la voie des Partisans, les rebelles dressent une nouvelle barricade. Ils se préparent à accueillir l'armée, lorsqu'elle poursuivra son offensive vers la ville.

Au loin, on entend des bruits d'explosion. Des combats se poursuivent toujours, et les insurgés sont nerveux.

Une image surréaliste: deux rebelles assis sur le trottoir consultent une carte de la région...

Puis, cette femme en pleurs. Elle s'appelle Tatiana. C'est une infirmière, son fils fait partie des rebelles, il a fait la bataille de l'aéroport. Ce matin, il lui a envoyé un SMS. Un seul mot: vivant.

Malgré l'inquiétude, elle soutient le combat de son fils. «L'armée ukrainienne est entrée chez nous, dans notre maison.» Elle ne croit pas que le nouveau président changera quoi que ce soit à la situation. «Encore un milliardaire, qu'est-ce qu'il comprend à notre vie?»

Oui, mais était-ce une si bonne idée d'essayer de prendre contrôle de l'aéroport? Tatiana croit que oui. Le nouveau président a juré d'intensifier son «opération antiterroriste». Et l'aéroport allait servir à accueillir ses troupes, pense Tatiana. «Il fallait nous protéger.»

Une dernière image de cette deuxième journée de guerre à Donetsk. Cinq kilomètres séparent la gare de l'aéroport. Derrière la gare s'étend un quartier de maisonnettes avec des airs de village.

Nous entrons dans un jardin où fleurissent des ancolies. Une vieille femme pliée en deux nous ouvre la porte. La veille, à 13h55 précisément, elle est sortie prendre de l'eau au puits, quand des hélicoptères de l'armée ont survolé sa maison. Ils volaient très bas et tiraient autour d'eux. «J'ai eu très peur, et je n'avais nulle part où me cacher.»

«Comment peut-on nous faire ça?», demande-t-elle. Puis, cette sombre prophétie: «Vous allez voir, ça n'ira jamais mieux, ici.»

Souhaitons-lui de se tromper.