Tout a commencé il y a un an, quand un groupe combattant pour l'autonomie des Touaregs du Sahel a attaqué des bases militaires dans le nord du Mali. Ces attaques ont produit une réaction en chaîne conduisant ce pays, qui a longtemps illustré ce que l'Afrique avait de meilleur, là où il se trouve maintenant: en pleine guerre.

Il aura suffi de trois mois aux rebelles touaregs pour prendre le contrôle des grandes villes du désert: Tombouctou, Gao et Kidal. Incapable d'empêcher la chute de cet immense pan de son pays, le président Amadou Toumani Touré a dû payer le prix de son impuissance: en mars 2012, il a été évincé du pouvoir par un coup d'État.

Mais les Touaregs n'auront pas profité longtemps de leur victoire. Ils ont été rapidement écartés par des groupes islamistes radicaux qui n'ont que faire de leur rêve national. Et qui ne jurent que par le djihad. Ces groupes comptent de nombreux djihadistes étrangers, dont plusieurs ont combattu en Libye, qu'ils ont quittée après la chute de Khadafi, en emportant leurs armes.

Leur victoire a coupé le Mali en deux. Peu de témoins ont pu se rendre dans les villes du Nord depuis qu'elles vivent sous le joug de leurs nouveaux maîtres: AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) et Ansar Dine. Mais les informations qui filtrent depuis le Grand Nord malien évoquent un régime de terreur, qui a instauré un islam radical, avec son cortège de châtiments corporels, de règles vestimentaires rigoristes et de destruction.

Selon un reportage paru à l'automne dans le magazine marocain Tel Quel, les nouveaux dirigeants du Nord malien essaient aussi d' «acheter» leurs habitants, qui vivent dans un état de pauvreté extrême, en enrôlant les jeunes dans leur armée, moyennant un bon salaire. «Du jour au lendemain, vous pouvez vous retrouver nez à nez avec votre fils ou celui de votre voisin en tenue kaki, avec une kalachnikov en bandoulière», confie un vieil homme au journaliste du magazine. En d'autres mots, plus le temps passe, plus le Nord risque de devenir difficile à reconquérir.

Après de nombreuses tergiversations, l'ONU a voté, en décembre, une résolution qui ouvre la voie à une intervention internationale contre les rebelles maliens. Une intervention qui serait menée par des forces africaines, soutenues par la communauté internationale.

Puis, depuis jeudi dernier, c'est l'escalade. Les djihadistes maliens se sont lancés à l'assaut du Sud. Ils ont atteint la ville de Konna, tout près de Mopti - ce joyau patrimonial qui est aussi le dernier verrou sur la route de la capitale. À l'échelle québécoise, c'est un peu comme si des rebelles ayant pris contrôle du Nunavik avaient atteint Chibougamau et fonçaient vers Saguenay...

Devant cette nouvelle offensive, le président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré, a appelé la France à l'aide. Et la France a dit oui. Elle n'avait pas vraiment le choix.

Même l'organisme International Crisis Group (ICG), qui n'est pas particulièrement va-t'en-guerre, estime que François Hollande a eu raison de voler au secours du Mali. «Compte tenu de la menace qui pesait contre le Sud, il y avait une nécessité d'intervention», dit Gilles Yabi, spécialiste du ICG pour l'Afrique de l'Ouest.

L'intervention militaire était d'autant plus incontournable qu'il est impossible de discuter avec les islamistes qui contrôlent le nord du Mali. L'ex-diplomate canadien Robert Fowler, qui a été l'otage d'AQMI pendant quatre mois, est catégorique: «J'ai connu ces gens, il n'y a pas de négociations possibles avec eux, tout ce qu'ils veulent, c'est établir le domaine de Dieu dans le monde entier.»

Il souligne aussi que l'OTAN, qui a soutenu les rebelles libyens au printemps 2011, a une responsabilité indirecte dans la crise malienne: si les rebelles islamistes maliens sont aussi puissants, c'est grâce aux armes sur lesquelles ils ont mis la main en Libye. Ignorer l'appel du président malien équivaudrait à le laisser seul devant un problème que la France, mais aussi les autres pays membres de l'OTAN, dont le Canada, a contribué à créer.