Quand Ziyad Clot a décidé de s'envoler pour Tel-Aviv, c'était pour visiter le pays d'origine de sa mère, née à Haïfa, avant que cette bourgade côtière de l'ancienne Palestine ne devienne l'une des grandes villes d'Israël.

Mais au-delà du pèlerinage familial, le jeune avocat français espérait surtout contribuer à sa façon à l'avènement d'un État palestinien.

C'était il y a cinq ans, alors que Palestiniens et Israéliens se lançaient dans une énième valse de pourparlers, désignée par le nom de la ville américaine où les discussions cruciales ont eu lieu: Annapolis.

Ce nouveau chapitre du grand roman israélo-palestinien allait connaître, pour l'essentiel, le même sort que ceux qui l'ont précédé: finir en queue de poisson.

Mais au moment où Ziyad Clot achète son billet à destination de l'aéroport Ben Gourion, les termes «négociations de paix» et «solution des deux États» sont encore porteurs d'espoir. À l'aube de la trentaine, le jeune Français pas tout à fait «de souche» veut pousser à la roue...

Ses désillusions ont commencé dès le moment où il s'est présenté à l'aéroport Charles-de-Gaulle, au guichet de la compagnie israélienne El Al, avec ses valises, son passeport français et son prénom arabe. Interrogé, fouillé, palpé et interrogé de nouveau, Ziyad Clot découvre la suspicion - la face sombre de ses origines palestiniennes.

Une fois sur place, il sera recruté par l'Unité de soutien aux négociations - l'équipe «médicale» qui s'agite au chevet du processus de paix. Il aura la charge d'un dossier ultradélicat: celui des réfugiés palestiniens. Et finira même par être intégré au sein de l'équipe de négociations. Encore aujourd'hui, il n'en revient pas.

«Moi, un petit Français de 32 ans, je me suis retrouvé à gérer le dossier des réfugiés. Des Palestiniens avec mes qualifications, il y en a pourtant au moins quelques dizaines. Pourquoi cette responsabilité m'a-t-elle échu?»

La réponse, pour lui, est évidente: parce que les juristes palestiniens prêts à se consacrer à un exercice de négociation qui tourne à vide depuis 20 ans, ça ne court plus les rues.

Ziyad Clot a fini, à son tour, par se joindre aux sceptiques. Il ne croit plus que l'État palestinien puisse encore voir le jour. Quant aux négociations plus ou moins sporadiques qui ponctuent les relations entre Israéliens et Palestiniens, ce n'est, selon lui, qu'une opération de «gestion des risques».

Dans le café montréalais où je l'ai rencontré, la semaine dernière, il résume sa pensée en quelques phrases lapidaires: «Avec Annapolis, je me suis dit qu'enfin, il y avait peut-être une chance. Mais j'ai pris l'absurde en pleine face. Car d'un côté, vous négociez. Mais de l'autre côté, l'objet de votre négociation s'envole en fumée.»

L'objet de la négociation, c'est le territoire d'un éventuel État palestinien, sans cesse grugé par la prolifération des implantations israéliennes.

Deux décennies de négociations qui tournent en rond ont produit leur lot d'effets secondaires, constate Ziyad Clot. «Les Israéliens occupent la Palestine, mais c'est la communauté internationale qui fait les chèques.» Contrecoup secondaire: au lieu de rendre des comptes à leur peuple, les leaders palestiniens font du charme aux grandes capitales.

Résultat: de moins en moins de Palestiniens croient encore à la possibilité de deux États coexistant, en paix, l'un à côté de l'autre. Il reste la solution d'un seul État, abritant «les deux mémoires» sur un seul territoire.

Durant mes derniers voyages au Proche-Orient, j'ai fait le même constat: le scepticisme devant la possibilité de créer une Palestine indépendante et viable est généralisé, chez les futurs citoyens de ce pays virtuel. De plus en plus de Palestiniens croient que le seul moyen d'avoir un jour un pays, c'est d'être annexé à Israël et de partager le territoire de l'État hébreu. Mais l'État binational, c'est le cauchemar des citoyens juifs d'Israël, qui risqueraient de se retrouver rapidement minoritaires au sein de leur propre pays.

Ziyad Clot raconte son séjour au Proche-Orient dans un livre dont le titre résume sa conclusion: Il n'y aura pas d'État palestinien. Mi-journal de voyage, mi-mémoires politiques, le livre a été publié en 2010. Depuis, un ultime élan d'espoir, créé par le célèbre discours de Barack Obama, au Caire, s'est dégonflé à son tour. Rien pour inciter Ziyad Clot à changer le titre de son livre...