Le journal allemand Handelsblatt a publié, hier, une caricature qui montre la chancelière Angela Merkel hurlant d'effroi au milieu du célèbre tableau Le cri, d'Edvard Munch.

Un dessin qui en dit long sur l'ampleur de la gifle électorale subie, dimanche, par l'Union chrétienne-démocrate, parti de Mme Merkel, aux élections régionales de Rhénanie du Nord/Westphalie.

Les électeurs du plus populeux État allemand ont accordé à peine 26% des voix au parti au pouvoir à Berlin - ce qui, selon les médias allemands, équivaut à son pire score depuis la Seconde Guerre mondiale! Les principaux gagnants de ce vote sont les socio-démocrates, avec 39% des voix.

La presse allemande parle de «catastrophe» pour la chancelière allemande. Une déconfiture d'autant plus significative qu'elle survient dans un État regroupant le quart de la population du pays. Et qu'elle pourrait présager de ce qui attend ce parti aux législatives de septembre 2013.

Après la présidentielle française et les législatives grecques, ce scrutin régional est passé en deçà de nos radars médiatiques. Pourtant, la sanction électorale infligée à Mme Merkel s'inscrit dans la lignée des chambardements politiques survenus, une semaine plus tôt, à Paris et à Athènes.

En Rhénanie du Nord, tout comme en France et en Grèce, les électeurs ont fortement rejeté les mesures d'austérité imposées par la chancelière allemande comme unique remède à la crise économique européenne.

Bien sûr, dans chaque pays, des tas d'autres raisons pouvaient motiver les électeurs à cocher telle ou telle case sur leur bulletin de vote. Mais dans les trois cas, la question de fond était la même: la médecine d'austérité imposée aux pays européens les plus endettés n'est-elle pas en train d'achever le malade? Et dans les trois cas, les électeurs ont opté pour un nouveau traitement.

Les électeurs allemands ne sont pas les seuls à nourrir des doutes sur la «médecine Merkel», à laquelle souscrivait également l'ex-président Nicolas Sarkozy.

Il y a des mois que le Prix Nobel de l'économie Paul Krugman dénonce la «débâcle de l'austérité» dans ses chroniques du New York Times. Les compressions draconiennes étranglent l'économie, aggravent le chômage et freinent la relance, martèle-t-il. Or, selon lui, «la politique de l'austérité est un échec».

Depuis la récente cascade de rejets électoraux, de nombreuses voix se sont ajoutées à celle du chroniqueur du New York Times. Celle du quotidien The Guardian, par exemple, qui appelle Mme Merkel à desserrer le corset de l'austérité et à le jumeler à des investissements publics destinés à stimuler la croissance. Il y va, selon l'éditorial du Guardian, de la survie de l'euro.

Les électeurs se sont exprimés on ne peut plus clairement, écrit de son côté The Independent: «Ils ne font plus confiance aux partis qui prônent l'austérité imposée par Berlin.»

Au-delà des mérites mêmes des mesures d'austérité, ce journal avance deux arguments pragmatiques en faveur d'un changement de cap. Premièrement, l'austérité pure et dure a un impact politique néfaste, parce qu'elle refoule les électeurs vers des partis extrémistes, à droite comme à gauche. L'entrée d'un parti néo-nazi au Parlement grec marque une première qui donne froid dans le dos...

Le deuxième argument est encore plus terre-à-terre. Cette politique ne peut pas tenir, écrit le journal, si chaque gouvernement qui s'y accroche perd ses élections! Voilà qui tombe sous le sens, en effet. Le 31 mai prochain, les Irlandais doivent d'ailleurs se prononcer, par référendum, sur le pacte fiscal européen lui-même. Bonne chance, Mme Merkel!

Il y a deux ans, quand leur pays s'était retrouvé au bord de la faillite, les Grecs avaient accepté un plan de compressions draconien. Les salaires et les retraites ont fondu du quart. Des dizaines de milliers de Grecs se sont retrouvés au chômage. Après 24 mois de soins intensifs, la dette de la Grèce n'est toujours pas résorbée. Et son économie exsangue ne donne aucun signe de reprise. Son expulsion de la zone euro est de plus en plus plausible.

Élu, lui aussi, sur un rejet de l'austérité tous azimuts, le président François Hollande doit rencontrer aujourd'hui, pour la première fois, Angela Merkel. Celle-ci sort affaiblie du scrutin régional de dimanche. Son approche est de plus en plus critiquée. Et elle ne pourra peut-être pas faire autrement que de mettre un peu d'eau dans son schnaps.