Lu hier, sur une pancarte brandie au défilé de la fête du Travail, à Toulouse: «Hé, le bling bling, zieute ta Rolex, c'est l'heure de la révolte.»

Plus loin, cette adaptation d'une maxime de Thomas Jefferson: «Quand l'injustice devient loi, l'insurrection devient une obligation.»

L'humeur était à la révolution, hier, au bord de la Garonne. Le ton de la manifestation était franchement bon enfant, sous le soleil qui brillait enfin, après des jours de pluie froide. Mais l'appel au soulèvement des masses opprimées n'en était pas moins omniprésent.

Moi qui ai, dans une autre vie, agité des drapeaux rouges au défilé du 1er Mai de la Pologne communiste, j'ai eu brièvement l'impression de m'être trompée d'époque et de lieu.

Mais une affiche m'a ramenée brutalement en 2012: «La retraite avant l'arthrite», affirmait-elle.

«Les gens qui arrêtent de travailler plus tôt vivent plus longtemps. La preuve, c'est l'espérance de vie élevée en Allemagne de l'Est», m'a dit le propriétaire de l'affiche, pour me convaincre du bien-fondé des retraites hâtives. Mais justement, s'ils vivent plus longtemps, de quoi vivront-ils au juste? La question n'a pas semblé l'intéresser.

Âgé de 30 ans, le jeune homme s'est décrit comme un «chômeur structurel», militant au sein du Front de la gauche de Jean-Luc Mélenchon - le candidat dont la soudaine popularité s'est dégonflée au premier tour du vote présidentiel. Lui qui semblait en voie de dépasser Marine Le Pen a finalement dû se contenter d'à peine 11% des voix.

Ses partisans étaient nombreux sur la place Jeanne-d'Arc où le défilé, organisé par les syndicats, s'est arrêté, hier. Plusieurs m'ont dit s'apprêter à voter pour François Hollande, mais en se pinçant le nez. «C'est seulement pour empêcher que Sarkozy passe», a confié une cliente de la pâtisserie Pain rustique. Son candidat à elle, c'était Mélenchon.

Dans ses discours, celui-ci recourt au même ton révolutionnaire que celui de la fête du Travail.

«Si l'Europe est un volcan, la France est son cratère révolutionnaire», a-t-il lancé dans une de ses allocutions. Son programme a été qualifié d'économiquement irréalisable, notamment par Le Nouvel Observateur: une hausse fulgurante des impôts des plus riches, et une hausse équivalente des dépenses publiques, ce qui placerait la France à des niveaux records pour l'un comme pour l'autre.

Mais devant un pays en crise, et un continent en crise, ce discours donne l'impression que tout est encore possible. Que la débâcle européenne est une pure invention de l'esprit. Comme le clamait une autre affiche, hier: «Votre crise, on n'y croit pas, votre dette, on n'en veut pas.» Remarquez l'emploi du pronom possessif. Votre crise. Pas du tout la nôtre...