Entre guerres civiles, crises humaines et autres carnages, cette chronique ne donne pas beaucoup de raisons de se réjouir. Raison de plus pour souligner les tournants positifs quand ils se présentent.

Le premier de ces tournants s'est produit dimanche, au Sénégal.

Pourtant, tout y était en place pour une explosion. Un vieux président qui s'accrochait au pouvoir. Une population frustrée. Un niveau de vie en chute libre. Des manifestations qui ont dérapé dans la violence au premier tour de la présidentielle.

Puis, miracle: après un deuxième tour tenu dans un calme exemplaire, le président sortant, Abdoulaye Wade, qui dirigeait le pays depuis 12 ans, s'est incliné devant son adversaire Macky Sall, avant même que l'on annonce les résultats officiels du vote.

Ça tranche avec le coup d'État survenu trois jours plus tôt au Mali voisin. Et avec la guerre civile qui avait embrasé la Côte d'Ivoire il y a deux ans, quand le président sortant, Laurent Gbagbo, avait refusé d'admettre sa défaite.

Abdoulaye Wade a été élu en 2000 avec la promesse du changement. Il a fait construire des routes et des écoles, a restauré la magnifique corniche de Dakar. Puis, la machine du changement s'est enrayée. Et son régime a été happé par les démons de la corruption, de la mégalomanie et du népotisme.

Quand il a investi son fils Karim d'une série de portefeuilles ministériels (il est le ministre du Ciel et de la Terre, disait-on par dérision dans les rues de Dakar), tout le monde a compris qu'il le préparait pour la succession.

«Gorgui» (le vieux, en wolof) s'est lancé dans la course électorale à 85 ans, en dépit de la limite de deux mandats imposée par la Constitution. Et non sans essayer de tripoter les lois électorales, pour s'assurer de se qualifier au deuxième tour. Finalement, il a eu l'élégance de concéder la victoire à son adversaire - lequel a su rallier l'opposition sénégalaise, ce qui n'est pas rien non plus.

Macky Sall, géologue âgé de 50 ans, a déjà servi comme premier ministre sous Wade mais était tombé en disgrâce après avoir tenté de convoquer Karim Wade dans une histoire de détournement de fonds.

Élu avec une solide majorité de votes, Macky Sall peut maintenant remettre le Sénégal sur la voie du changement. Il ne manque pas de défis. Le Sénégal est affligé d'un taux d'analphabétisme de 60%, et le chômage y est endémique, surtout chez les jeunes, qui représentent plus de la moitié de la population.

Macky Sall promet de réduire la durée des mandats présidentiels. Il veut s'attaquer à la corruption et rogner le train de vie de l'État. L'histoire dira s'il saura mieux résister aux charmes du pouvoir que ne l'a fait son prédécesseur. Mais en attendant, malgré tous les périls, la démocratie sénégalaise a tenu le coup. Et c'est déjà énorme.

Parlant de démocratie, celle-ci progresse aussi en Birmanie - à tout petits pas et avec beaucoup d'incertitudes, mais elle progresse quand même.

Après un demi-siècle d'une implacable dictature militaire, le pays revient de loin. Théoriquement, la junte s'est dissoute il y a un an. Le vieux tyran, Than Shwe, a quitté son poste. En octobre, le régime a libéré 200 prisonniers politiques. Parallèlement, il a entrepris de privatiser l'économie birmane, étranglée par les sanctions internationales.

Les dirigeants birmans sont-ils vraiment décidés à tourner la page sur 50 années de dictature? Ou se livrent-ils à une mascarade pour faire lever ces sanctions?

Le scrutin permettra d'élire 48 des 664 députés et sénateurs que comptent les deux chambres birmanes. On est loin de la révolution. Mais contrairement aux élections de 2010, l'opposante Aung San Suu Kyi a accepté, cette fois, de se prêter au jeu. Elle mène campagne tambour battant, au point qu'elle a dû suspendre ses activités pour cause d'épuisement...

La Birmanie a tout ce qu'il faut pour devenir le prochain «tigre asiatique», attrayant pour les investisseurs et les touristes. La suite des choses dépend un peu, beaucoup du dénouement du scrutin de dimanche.

PRÉCISION Chantal Havard, citée dans notre dossier «Danse avec les sociétés minières», publié samedi, occupe le poste d'agente de communication et de relations gouvernementales au Conseil canadien pour la coopération internationale, et non de présidente, comme nous l'avons écrit par inadvertance.