Nous voici donc à la veille de nous enliser à nouveau dans un épisode psychotique concernant l’immigration, l’avenir du français et notre poids politique au pays. Allo, docteur !

Et ça pourrait recommencer à puer. On sent qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour que les miasmes écœurants du cloaque xénophobe et raciste ne s’échappent de nouveau.

Pour les amateurs de raccourcis, il est toujours attrayant de patauger dans ce marais crasseux.

Bien sûr, cela n’aide pas qu’au Québec, nous soyons incapables de discuter des questions d’immigration sans virer fous, et se péter la tête contre les murs.

Mais ce n’est pas anormal, dans nos habits de minoritaires. Le sujet est plus existentiel ici qu’ailleurs à cause de notre vulnérabilité culturelle, et ça se comprend.

Mais ce qui désabuse le plus, c’est de constater que ceux qui devraient prendre le problème à bras-le-corps, s’exiger de collaborer et trouver des solutions communes, en fait nos élus, ne le font pas parce qu’ils ont tous avantage à profiter politiquement du magma émotif que vivent les idiots du village que nous sommes, sur cette question.

Ça sent fort l’hypocrisie politique.

Et il n’y a aucune exception à faire entre les quatre partis présents à l’Assemblée nationale.

Toutes les faces actuelles qui y siègent n’y sont que de passage, alors que le problème, lui, aura des conséquences pérennes.

On a l’impression déprimante que ce qu’on appelle le sens de l’État, qui devrait parfois guider nos élus, n’existe plus, et que la politique n’est plus qu’affaire de stratégies de sondages et de communication complètement égocentriques.

Ooooh la belle naïveté !

Cette raison d’État, qui fait que des Bourassa, des Lévesque ou des Parizeau croyaient que la politique exigeait, dans certains dossiers, et à certains moments de notre histoire, que les intérêts supérieurs de la nation québécoise passent devant, quitte à mettre la partisanerie de côté, pour s’élever.

Rêve toujours, mon coco !

C’est de ça qu’on aurait besoin actuellement dans ce dossier épineux de l’immigration. Mais c’est évidemment trop demander.

J’écris cela et je me trouve complètement impubère, nigaud à la limite ! Peut-être que mon absence de l’arène politique m’a rendu amnésique, et a développé inconsciemment chez moi une belle innocence juvénile.

Bien sûr qu’une immigration mal contrôlée et non francisée est un danger pour notre langue française. Cessez de nous le ressasser, on n’est pas cons, on le sait tous !

Maintenant, les élections servent justement à élire des gens pour gérer et organiser les solutions à nos problèmes collectifs, dont celui-là. Alors, qu’est-ce qu’on attend, maudite marde !

Je présume que nous ne sommes pas assez idiots pour ne pas prioriser l’immigration francophone ; pas assez incompétents pour ne pas offrir les services adéquats de francisation pour les autres ; et pas assez déstructurés pour ne pas traiter les dossiers dans un délai raisonnable.

Ça ne se peut pas que nous soyons à ce point inopérants et propres-à-rien.

Et je nous en prie, ne mettons pas la faute sur le fédéral trop vite, le faux-fuyant serait trop facile et crétin.

Tant que nous n’affirmerons pas clairement nos objectifs, appuyés par le plus large consensus possible, nous resterons des poids plume politiques face à Ottawa.

Mais encore faudrait-il qu’il y ait de l’appétit pour le début du commencement d’une espèce d’unisson.

Au premier chef, beaucoup ont compris qu’il ne faut pas se fier au gouvernement de la CAQ, qui donne trop souvent l’impression qu’il a avantage politiquement à tenir les Québécois la patte en l’air, insécures, et d’y aller de solutions, ou apparences de solutions, à la carte.

Il en fait juste assez pour conserver sa position de grand défenseur de notre identité face aux envahisseurs immigrants, tout en restant amant du Canada.

Les libéraux, eux, doivent plaire à leurs clientèles anglophone et allophone. Et cela étant, leur position d’ouverture des écluses en immigration, si on a bien saisi, fait peur. Ils semblent all in, et cela inquiète beaucoup.

Québec solidaire, de son côté, à la recherche d’un nouvel élan, joue à l’équilibriste et semble tenter de profiter de la situation pour gruger une partie du fonds de commerce électoral des libéraux. Bonne chance ! Tout écartillé, chantait Robert Charlebois.

Et le PQ, lui, se coltaille avec la CAQ pour le retour à la maison souverainiste des plus nationalistes d’entre nous. Il choisit toujours le plus petit seuil d’immigration pour laisser croire subtilement à cette clientèle qu’il ne souhaite pas, ou souhaite peu, l’arrivée de nouveaux immigrants.

En attendant, pour la CAQ, ça marche, tempête ! La division des forces politiques lui permet toutes les contradictions possibles, jusqu’au reniement. Et ayant tablé sur la xénophobie, sinon le racisme lors des dernières élections, stratégie qui lui a spectaculairement réussi, elle collera à la formule gagnante.

Le Québec carbure toujours plus à la division. Montréal et le reste du Québec sont devenus deux planètes différentes. Et nos politiciens font de ces cassures leur pain et leur beurre.

Mais comme le métissage de notre société est incontournable, il faudra bien un jour commencer à rêver et œuvrer à partager ici un projet commun moderne et inclusif, où nous pourrions vivre ensemble respectueusement, et pourquoi pas fraternellement, tout en protégeant, célébrant et faisant évoluer notre culture française.

Mais comme le disait Coluche : « On croit que les rêves, c’est fait pour se réaliser. C’est ça le problème des rêves : c’est que c’est fait pour être rêvé. »

Entre nous

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Retrouver les créateurs d’Alibaba, Huawei, TikTok, Evergrande et autres, pris entre l’ouverture à l’économie « socialiste » de marché de Deng et le récent repli sur soi du régime de Xi.

L’empereur et les milliardaires rouges

L’empereur et les milliardaires rouges

Éditions de l’Observatoire

240 pages