Avec un vote de confiance de 98,6 % de ses délégués, une majorité digne du récent congrès du Parti communiste chinois, François Legault fait face à deux dangers : l’unanimisme et une forme de catholicisme – on expliquera cela un peu plus loin.

Avant toute chose, il convient de noter que dans la constitution de la CAQ, tout membre en règle peut voter au congrès. Il suffit de se présenter, pas de délégués désignés par leur association de circonscription, et donc pas vraiment d’échantillon représentatif de tous les membres du parti.

Dans le cas qui nous occupe, ceux qui n’étaient pas contents ne se sont tout simplement pas présentés. À quoi bon venir parler de l’abandon du troisième lien quand on sait qu’on sera conspué par les partisans du chef.

Cela relativise (un peu) les 98,6 % d’appui, mais ne l’explique pas. L’explication est que la CAQ est la créature de François Legault.

Le parti a effacé totalement les quelques racines adéquistes qui existaient encore, il n’a plus d’autres références historiques que les discours actuels de son chef.

Mais le premier grand danger pour la CAQ est l’unanimisme. Déjà, le premier ministre avait une super-majorité à l’Assemblée nationale, ce qui ne porte pas trop à la contestation. Mais dans les circonstances post-congrès qui, à la CAQ – que ce soit un militant, un député ou même un ministre –, pourra aller dire à François Legault qu’il a tort ou même qu’il devrait changer de cap ?

On le voit sur la question des barrages : M. Legault a beau couvrir de vert son discours sur l’énergie et parler maintenant d’éoliennes et d’économies d’énergie – à condition que ça ne coûte rien aux utilisateurs –, il tient toujours à la construction de nouveaux barrages, même si cela lui aura coûté la démission de Sophie Brochu comme PDG d’Hydro-Québec.

Reste à voir maintenant quelle sera l’attitude de M. Legault sur un certain nombre de dossiers qui sont des promesses électorales, mais qui battent de l’aile. Va-t-on continuer longtemps avec des Maisons des aînés qui coûtent jusqu’à 1 million de dollars par chambre, une dépense qui n’est tout simplement pas soutenable ? On pourrait aussi parler des Espaces bleus, des Lab-Écoles ou des maternelles 4 ans.

On a rarement vu un premier ministre avoir autant de contrôle sur son parti et sur son gouvernement. Avec un congrès comme celui-là, qui osera entrer dans le bureau du patron pour lui dire qu’il fait fausse route ?

L’autre danger, c’est le catholicisme. En version laïque, bien sûr. Parce que la CAQ, à propos de son chef, devient un peu comme l’Église catholique : le pape est peut-être infaillible, mais il n’est pas immortel.

Alors, si on ne peut pas contester le pape, on peut quand même commencer à préparer sa succession. C’est d’autant plus pertinent à ce moment-ci que depuis Maurice Duplessis, il n’y a eu qu’un seul cas de premier ministre (Jean Charest) qui ait gagné un troisième mandat consécutif (en 2008).

M. Legault voudra-t-il se représenter en 2026 ? En point de presse à l’issue du congrès, il a dit qu’il aurait deux critères : la santé et sentir l’appui de la population.

Il y a une seule chose qui est certaine : au moment des prochaines élections, le premier ministre aura 69 ans. Rien ne permet de dire s’il décidera de se représenter ou pas, mais on peut penser que la question de l’âge ne devrait pas être déterminante. Après tout, il sera considérablement plus jeune – et plus en forme – que ne le sera le président des États-Unis, que ce soit Joe Biden ou Donald Trump.

Mais ces situations sont toujours compliquées pour un parti politique. Il y a des gens qui ont, bien légitimement, des ambitions. On sait déjà que des ministres comme Geneviève Guilbault, Simon Jolin-Barrette ou Sonia LeBel ont des ambitions. D’autres, plus discrets aujourd’hui, pourraient s’ajouter à la liste.

Dans de telles circonstances, ce qui se passe presque toujours dans un parti politique et même dans un gouvernement, c’est une course larvée à la direction qui finit par miner l’autorité du premier ministre.

Pensez au dernier mandat de Jean Chrétien alors que Paul Martin avait quitté le Conseil des ministres pour mieux préparer sa campagne au leadership et où toutes les décisions du gouvernement étaient évaluées sur l’effet qu’elles auraient sur la succession.

La même chose fut vraie pendant le dernier mandat de Robert Bourassa, quand la succession, sur fond de crise autochtone et constitutionnelle et de maladie du premier ministre, a occupé tous les esprits et miné la prise de décisions.

M. Legault vient de constater qu’un second mandat – même avec une énorme majorité – est toujours plus compliqué que le premier. Et si personne ne le conteste ouvertement aujourd’hui, il est inévitable que le grenouillage des ambitieux va commencer.

Précision: dans une version précédente de la chronique, l'auteur mentionnait les Maisons bleues comme promesses de la CAQ qui battent de l'aile. Il aurait fallu lire «les Esapces bleus».