Je ne sais si vous avez vu le trône sur lequel s’assoira le roi Charles III pendant la cérémonie religieuse d’intronisation qui aura lieu dans l’abbaye de Westminster. L’original ressemblait au décor d’une ancienne bécosse de cabane à sucre. Sous cette pesante chaise se trouve la pierre du destin, une roche associée à la mythologie celtique et appartenant à la royauté écossaise.

Après son triomphe sur le roi d’Écosse Jean Balliol en 1296, Édouard Ier transportera en Angleterre ce mythique bloc de grès de 150 kg comme butin de guerre. Depuis quand les vainqueurs ont-ils besoin de l’aval de leurs vassaux pour s’approprier leurs objets sacrés ? Souvenons-nous aussi du Koh-i-Nor, ce diamant de 105 carats dont la valeur est évaluée à 140 millions d’euros qui décore l’une des couronnes royales britanniques. Ce joyau fait désormais l’objet d’un différend entre la Grande-Bretagne et des personnalités indiennes qui réclament sa restitution à leur pays qui en est le véritable propriétaire. Si notre rocher Percé était auréolé d’une telle mysticité, la couronne britannique n’aurait pas hésité à le déménager à Londres pour en faire un dessous de fessier princier.

La pierre du destin servira au couronnement d’Élisabeth II en 1953 avant d’être rétrocédée à l’Écosse en 1996. Cette fois-ci, la roche, appelée aussi pierre de Scone, sera empruntée à l’Écosse le temps de connecter Charles III à l’esprit de ces ancêtres. Cependant, on a beau associer cette pierre au destin, c’est bien plus à la loterie génétique que Charles doit son accession au trône. La chance cosmique qui l’a fait apparaître dans cette famille royale a fait la différence. Tous les hommes naissent égaux. Après ça, la course commence, ajoutait le sage.

Dans ce marathon de la vie, il y a des gens dont la combinaison génétique permet de partir à une enjambée de la ligne d’arrivée. Pas besoin de forcer pour porter la médaille d’or au cou et la cuillère d’argent à la bouche.

Quelles seraient les véritables chances de Charles d’occuper ce poste dans une véritable méritocratie ? Quelle serait aussi la chance de Justin Trudeau de devenir premier ministre du Canada s’il n’était pas le fils de l’autre ? La pierre de destin de Justin s’appelle Pierre et porte le même nom que lui. Porter cet héritage chromosomique a été un sacré accélérateur de son ascension sociale.

Entendons-nous bien, je ne dis pas ici que Justin n’a pas d’autres qualités que le nom de son père. Je pense simplement que dans une véritable méritocratie, des tonnes de Canadiens pouvaient le coiffer au fil d’arrivée par leurs expérience, expertises, connaissances et compétences. Heureusement pour lui, son existence a bénéficié du spermatozoïde d’un homme qui a marqué le Canada. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, force est d’admettre que Pierre Elliott Trudeau a été une figure politique importante et éclairée. Pas surprenant alors que même après son départ, son fils a brillé d’une lumière qui n’était pourtant pas la sienne.

Pour suivre les traces du papa, Justin et son frère Alexandre ont poussé le mimétisme jusqu’à tomber en pâmoison avec le régime de Pékin qui est bien différent de celui qui considérait leur père comme un ami. Une vision décalée qui risque maintenant d’être fatale à la fondation Pierre Elliott Trudeau.

Aussi, pendant que Justin au fabuleux destin se préparait à se rendre au couronnement du tout aussi béni des dieux Charles III, son frère Alexandre montait à la barre pour nous expliquer que leur génétique de sang bleu de la politique canadienne n’a absolument rien à voir avec la générosité chinoise envers la fondation. Campé dans une grande certitude, il persiste et signe que cette largesse ne porte aucune once de volonté d’ingérence dans la politique canadienne.

PHOTO ROD MACIVOR

La famille Trudeau à Harrington Lake en 1976 : Pierre, Michel, Justin, Margaret et Sacha

Si tel est le cas, pourquoi ç’a été si difficile de trouver la personne à qui il fallait retourner le chèque pour calmer la critique ? Le donateur était si introuvable que j’ai pensé me présenter comme étant la personne recherchée. Une façon d’encaisser le chèque sur le compte de ma propre fondation. Je parle ici de la fondation pour la retraite tropicale de Boucar. Malheureusement, mon nom de famille n’était pas assez chinois pour que mon plan fonctionne.

Si l’affirmation d’Alexandre Trudeau est vraie, pourquoi ces mécènes n’ont-ils jamais pensé faire un don aux banques alimentaires, à la pédiatrie sociale du docteur Julien ou à la Fondation du Grand défi Pierre Lavoie ? Est-ce qu’il y a une seule personne réfléchie qui peut croire que les bons mots du père et des deux frères Trudeau à l’endroit du régime de Pékin n’ont pas motivé cette tentative de rapprochement avec leur génétique de premier ministre potentiel ? Chose certaine, Justin aura à répondre à cette part de son destin à son retour de la grande cérémonie royale de cette fin de semaine.