Presque chaque fois que le malheur frappe très durement leur communauté, les politiciens se rendent sur les lieux du drame. Il y a un mois, ils étaient à Laval, devant une garderie. Jeudi matin, ils se sont donné rendez-vous à Amqui.

Chaque fois, il se trouve quelqu’un, quelque part, pour les accuser de se faire du « capital politique » avec le malheur des gens, de ne vouloir que de la visibilité et même de déranger. C’est presque toujours faux. La présence des politiciens sur les lieux d’un drame fait du bien, beaucoup de bien.

Tout d’abord, la présence du premier ministre, d’un ministre, d’un maire, rassure. L’État est là. Les décideurs sont sur les lieux. Parce qu’ils voient directement les impacts de la catastrophe, le citoyen se dit, avec raison, qu’ils les comprendront mieux.

Sur les lieux du drame, les élus peuvent aussi incarner la solidarité. Ils parlent aux uns et aux autres, remercient les bénévoles, soulignent les bons coups, notent les actions qui urgent. Les gens voient aussi leur maire, les gestionnaires municipaux, la police, les pompiers expliquer les enjeux au premier ministre ou au ministre. Ces derniers rendent des comptes aux journalistes de ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils pensent faire. Tout cela rassure beaucoup et apaise un peu.

Les élus servent aussi parfois d’exutoire. La personne qui souffre a besoin d’exprimer sa colère et les chefs servent aussi à l’accueillir. Ça soulage les gens de pouvoir dire : « J’y ai dit en pleine face. » Souvent, on se fait engueuler pour de bonnes raisons, d’autres fois pour un problème qu’on connaît déjà et qui est déjà en train d’être réglé ou encore pour quelque chose qui ne dépend même pas de nous. Dans tous les scénarios, quand le problème sera réglé, le citoyen aura pu s’exprimer et il pourra parfois même se dire qu’il a eu un impact positif sur la gestion de la crise. C’est positif, ça aussi.

La présence sur les lieux près des gens n’a pas qu’un effet symbolique. C’est essentiel pour bien gérer une crise.

Voir les lieux du drame, sentir l’état d’esprit des gens, juger de l’efficacité des équipes sur le terrain, écouter directement les gens qui ont besoin d’aide : il n’y a rien de mieux pour prendre de bonnes décisions. Il n’y a rien de mieux également pour être en mesure de communiquer sur le bon ton, avec le bon contenu. C’est ce qui rassure le plus : les gens sentent que le chef sait de quoi il parle, il sait ce qu’ils ressentent.

Pleurer dans les bras du maire. Lui expliquer nos souffrances. Partager un câlin, mettre une main sur une épaule, échanger un regard. Se faire dire par le premier ministre : « Tout le Québec pense à vous. » Se tenir coude à coude, ensemble, les citoyens et leurs élus, devant l’appartement au toit arraché, devant la maison familiale qu’on devra démolir, devant le lieu où quelqu’un a perdu la vie. Y être silencieux, ne rien dire, ensemble, ça fait aussi du bien.

Être unis dans la douleur, c’est le « nous » qui guérit.

Un élu est, presque par définition, une personne qui a du leadership, qui veut aider sa communauté, qui répond présent quand le malheur frappe. Quand une crise survient, ce ne sont pas les médias qui les attirent sur place, mais le désir d’aider, le sens des responsabilités, la volonté de bien comprendre la situation pour tenter, si possible, d’éviter une répétition du drame. S’ils choisissaient la facilité, ils resteraient dans leur bureau et feraient des communiqués de presse. Ils choisissent pourtant d’aller vers des gens qui souffrent, de les regarder dans les yeux, de leur tendre la main. Il y a une forme de courage là-dedans.

À cause de toutes les catastrophes qu’a vécues Gatineau, les élus y ont appris la signification du terme « blessure par empathie » ou « fatigue compassionnelle ». À force de partager la douleur des autres, on se blesse soi-même. Le terme existe, des élus le vivent, ça donne une idée de leur rôle et de l’intensité de la charge émotive qu’ils accueillent parfois. Ils le font pour le plus grand bien de leurs citoyens, cela fait partie de leur travail, mais ce n’est pas de tout repos.

Dire d’un politicien qu’il va sur les lieux d’un drame pour passer à la télé, c’est n’avoir aucune idée de ce qu’est être un chef au milieu d’une crise.