Cette phrase de Chimamanda Ngozi Adichie, je l’ai piquée dans le livre de Caroline Dawson, Là où je me terre.

Géniale pour alimenter la thématique devenue saveur du jour au Québec : le racisme.

Comme je me sentais un peu à part, j’ai décidé d’y aller aussi avec mon tour de piste.

Je vous démarre ça un peu raide.

Est-ce que vous saviez que les nazis allemands, et cela est documenté, ont étudié le comportement américain envers les Afro-Américains pour l’appliquer aux Juifs chez eux ?

Pas chic, n’est-ce pas ?

Aux États-Unis, le racisme n’est pas seulement systémique, il est endémique, un mode de pensée et d’agir qui se transmet générationnellement.

Un sentiment insidieux, même chez les voisins bien intentionnés qui, sans le savoir, le portent souvent en eux, comme un atavisme.

Nous savons tous qu’historiquement les Américains ont avili et traité comme des chiens des Africains pour prospérer dans l’industrie du coton, surtout.

J’ai déjà visité en Louisiane deux anciennes plantations, longeant le fleuve Mississippi, et lu leurs histoires. J’en ai vu, des cases de l’oncle Tom. L’odeur d’inhumanité y était restée imprégnée.

Mon oncle Léon, à Girardville, traitait probablement 10 fois mieux ses bêtes de ferme que les maîtres américains leurs esclaves.

Ils avaient aussi besoin des Asiatiques pour manipuler la nitroglycérine, afin de percer le tracé de leur chemin de fer transnational. Beaucoup se sont ainsi fait sauter la cervelle.

Et finalement, ils se sont adjoint des Latinos, comme bonnes à tout faire et jardiniers.

Mais j’ai toujours cru que dans tous les cas, ils auraient préféré que ces crève-la-faim se téléportent dans leurs pays d’origine à la fin de la journée, une fois la tâche accomplie, et ne reviennent que le lendemain.

De cette façon, ils n’auraient pas vécu sur le même territoire que leurs maîtres, parce que pour ces derniers, ils le souillaient. Et beaucoup le souhaiteraient encore aujourd’hui, n’en doutez même pas.

Je demande régulièrement à mes amis, qui s’émeuvent et ne comprennent plus rien à la politique américaine, à quand datent, par exemple, leurs dernières vacances au Tennessee.

Hormis Nashville, incidemment sur ma bucket list, à visiter pour découvrir ce qu’est un petit-déjeuner au son d’un band hard rock live !

Nous connaissons mal le Wyoming des Cheney, le Kentucky de Mitch McConnell, le Texas des Bush, ou l’Alabama du sénateur Tuberville, ouvertement raciste.

Comme nous ignorons le sous-développement et la pauvreté réels de certains coins de ce pays, comme les Appalaches, si bien décrits dans le livre de J. D. Vance Hillbilly Elegy.

Vance, qui a connu un grand succès avec ce bouquin, ne s’était pas gêné dans le passé pour vomir sur Donald Trump.

Mais putasserie suprême, spécialité du GOP par ailleurs, le crétin s’est fait élire sénateur républicain de l’Ohio, aux dernières élections de mi-mandat, en tétant l’appui du même Trump et en le collant au derrière comme un chien renifleur sous sédatif.

Vous ne voulez pas ça comme beau-frère…

Malgré l’évidence du racisme, en politique américaine, tout était relativement de l’ordre de l’hypocrisie et du non-dit. Mais avec l’arrivée de Donald, les masques sont définitivement tombés.

Encore plus depuis que le Bureau du recensement des États-Unis a publié ses prédictions démographiques en 2018. Dans ce rapport, on explique que dès 2045, les Blancs non hispaniques deviendront minoritaires, et qu’en 2060 ils ne compteront plus que pour 44 % de la population américaine1.

L’angoisse identitaire étreint depuis les visages pâles.

Une partie de la population américaine s’est mise à délirer, aidée en cela par la chorale républicaine, et surtout FOX qui a vitement repris la théorie du grand remplacement du Français Renaud Camus, avec un extra jalapeño : The Great Replacement.

Tucker Carlson, le fumier…

Cette vision du complot, élaborée et introduite en 2010 par l’écrivain Camus, prétend l’existence en France d’un objectif réfléchi, « un processus de substitution de la population française et européenne par une population non européenne, originaire en premier lieu d’Afrique subsaharienne et du Maghreb »⁠2.

Camus, frère siamois d’Éric Zemmour.

Boucar Diouf a d’ailleurs déjà écrit sur le phénomène3.

Aparté : ne pas confondre The Great Replacement avec The Great Pretender, la toune4. Je sais, ça fait ancien, mais écoutez la version de Freddie Mercury et vous m’en reparlerez.

Par la suite, le racisme américain s’est transformé en un système de castes, héréditaire, ce qu’a compris et analysé Isabel Wilkerson, auteure afro-américaine d’un magnifique livre que je soumets à votre curiosité : Caste – The Origins of Our Discontents.

Une œuvre d’exception. En fait, une monographie sur l’apartheid américain, la plus rationnelle possible, sans exclure la sensibilité inhérente au sujet.

L’histoire des nazis, c’est elle. Madame Wilkerson fait aussi une comparaison, malheureusement spectaculaire, du racisme américain avec le système de castes hindou.

Son génie est de ne pas faire dans l’autoflagellation, mais de décrire le tout méthodiquement, sous l’angle d’un corpus de réflexes et de comportements chroniques, de dominants et de dominés.

Ce livre est passionnant d’intelligence.

Si j’étais prof en sciences sociales, cette lecture deviendrait obligatoire.

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Là où je me terre, Caroline Dawson, Remue-ménage, 208 pages

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Hillbilly Elegy – A Memoir of a Family and Culture in Crisis, J. D. Vance, Harper, 264 pages

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Caste – The Origins of our Discontents, Isabel Wilkerson, Random House, 496 pages

1. Lisez l’article de Brookings : « The US will become “minority white” in 2045, Census projects » (en anglais) 2. Consultez le site de Wikipédia concernant le grand remplacement 3. Lisez la chronique de Boucar Diouf : « La thèse du “Grand remplacement” » 4. Écoutez The Great Pretender de Freddie Mercury

Entre nous

Les propos passés d’Amira Elghawaby sont évidemment inacceptables.

Elle s’est disqualifiée et doit démissionner de son poste.

Les Québécois appuient solidement la loi 21, et j’en suis.

Maintenant, je ne suis pas sûr que dans l’étalage de nos complaintes depuis le début de cette histoire, nous méritons l’absolution instantanée sur la tolérance.

N’oublions pas qu’on a utilisé des propos racistes pour gagner des votes lors des dernières élections, qu’on fait du clientélisme politique en suggérant une « enclave » au chemin Roxham, et que généralement nous éludons notre comportement historique envers les nations autochtones.

La parabole de la paille et de la poutre. Amen !