La grogne et la mobilisation grandissent dans le dossier de l’industrie minière au Québec, et ce, pour d’excellentes raisons.

Voici l’augmentation, uniquement entre janvier 2021 et novembre 2022, de la superficie des territoires faisant l’objet de concessions minières dans certaines régions : Lanaudière 408 %, Outaouais 211 %, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 139 %, Laurentides 71 %. Moyenne québécoise : 40,6 %… en 22 mois. Évidemment, les élus municipaux demandent d’urgence à Québec de mieux encadrer l’industrie.

Que demandent-elles ?

La loi permet théoriquement aux villes de limiter l’activité minière en identifiant des territoires incompatibles avec ce type d’activité, mais cette loi, sans jeu de mots, est pleine de trous.

Par exemple, la loi ne permet pas à une ville de protéger l’ensemble des terres agricoles contre l’installation d’une mine, mais uniquement les terres agricoles dites « dynamiques », celles qui sont présentement exploitées. Les autres sont à la merci des minières.

Autre enjeu : c’est la municipalité qui doit faire la preuve que les activités minières sont incompatibles avec les usages sur le territoire. Autrement dit, a priori, on peut saccager la nature pour faire une mine, à moins que la municipalité ne prouve que cela nuirait à certaines activités humaines. Le gouvernement devrait transférer le fardeau de la preuve aux minières, cela devrait aller de soi.

Mais ce n’est pas tout. Cette nécessité de démontrer la présence d’activités humaines importantes pour pouvoir exclure des terres des zones exploitables par les minières mène à des absurdités.

L’exemple du mont Rigaud est assez éloquent. Le mont est une zone sensible pour l’approvisionnement en eau pour près de 100 000 personnes et c’est un espace vert que la MRC Vaudreuil-Soulanges veut protéger. Depuis des années, la MRC, avec plusieurs autres partenaires, dont le gouvernement du Québec, achète donc des terres pour protéger le mont Rigaud de futurs projets immobiliers. Résultat : il n’y a pas d’installations récréotouristiques ni de développements immobiliers à proximité des zones visées… donc la MRC ne peut pas les inclure dans les territoires incompatibles avec l’activité minière !

Continuons. La protection des paysages et de l’environnement sonore n’est pas des critères acceptés pour exclure un territoire de la zone exploitable. Les secteurs de villégiature et l’industrie du plein air sont donc menacés.

Par exemple, la MRC de Papineau a voulu protéger le lac Écho, un joyau de la réserve faunique Papineau-Labelle, riche en activités récréotouristiques. Elle a proposé d’ajouter une bande de protection d’un kilomètre autour du lac pour en protéger le paysage et l’environnement sonore. Impossible : la beauté du lieu et son calme ne sont pas des critères recevables pour empêcher une minière de s’y installer.

Finalement, les municipalités n’ont pas de pouvoir non plus sur les droits acquis. On leur demande de vivre avec les concessions minières déjà attribuées plutôt que leur donner des moyens de s’en débarrasser.

Le vice fondamental de la Loi sur les mines est qu’elle fait primer l’intérêt privé sur l’intérêt public. En effet, la Loi sur les mines a préséance sur la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. On se croirait à l’époque du fer à une cenne la tonne.

Collectivement, nous favorisons donc les activités minières au détriment des activités municipales, forestières, agricoles et de villégiature. Est-ce vraiment ce que nous voulons comme société ?

Les municipalités sont conscientes de l’importance de faire une place au secteur minier. La MRC de Papineau, une des plus militantes, a protégé, avec les règles actuelles, 51 % de son territoire. Elle voudrait en protéger 11 % de plus, ce qui laisserait un terrain de jeu de 1200 km2 aux minières. C’est généreux pour une MRC dont le slogan identitaire est Le pays de l’or vert.

Le Québec est un des rares États au monde où l’on trouve pratiquement tous les minerais. Les villes savent qu’il est dans notre intérêt d’exploiter cet immense potentiel, surtout que l’alternative est souvent l’importation de minerais chinois. Elles ne sont pas contre les mines, elles tiennent à ce que leur exploitation respecte la nature (l’eau, les paysages) et les communautés locales.

L’aménagement du territoire est une compétence de base des municipalités. Elles sont également des expertes pour faire l’arbitrage des différents usages sur leur territoire. Elles sont le lieu où les citoyens peuvent le plus facilement s’exprimer. Une des façons relativement simples de répondre à leurs préoccupations est de faire primer la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme sur la Loi sur les mines… ce qui nous ferait aussi passer à l’ère moderne quant aux principes qui devraient nous guider !

Finalement, le Québec lui-même a besoin de se donner de nouveaux pouvoirs… Présentement, il ne peut même pas révoquer une concession minière pour des raisons d’intérêt public comme la conservation des milieux naturels ou le respect des droits autochtones !

M. Legault répète souvent qu’il n’y aura pas de mine s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale. Pour arriver à cette acceptabilité, les villes, les communautés autochtones et le gouvernement du Québec lui-même doivent avoir les moyens de protéger leur territoire, notre territoire à tous.