J’aime les débuts d’année. C’est l’occasion de faire le point, de réfléchir aux mois qui s’en viennent et de se donner une certaine clarté avant d’entreprendre un nouveau départ. J’ai beaucoup de plaisir à établir ce que je souhaite accomplir et à déterminer de quelles façons je pourrai apporter ma contribution.

En 2023, la question de l’accès à la propriété m’interpelle plus que jamais. Depuis près de 20 ans, mon métier est de concevoir et de construire de l’habitation. Nous avons toujours eu une grande clientèle de premiers acheteurs et avons conçu beaucoup de projets dans les quartiers centraux de Montréal leur étant destinés.

Malheureusement, au cours des dernières années, nous avons constaté qu’un nombre grandissant de jeunes adultes sont incapables de faire face à l’augmentation draconienne des coûts de construction et de la valeur des terrains, donc des prix d’achat. De plus, avec les règles hypothécaires qui se sont fortement resserrées, les taux d’intérêt qui ont grimpé en flèche et l’importante mise de fonds requise, le rêve d’accéder à la propriété semble de moins en moins accessible.

Nombreux sont ceux qui angoissent à l’idée de ne jamais devenir propriétaires. Et cette inquiétude rejaillit sur leurs parents qui se retrouvent démunis devant l’impossibilité de les aider ou qui s’endettent pour le faire, compromettant ainsi leur retraite.

En laissant le taux de propriété chuter chez les jeunes, nous créons une importante iniquité générationnelle. En ne permettant pas aux moins fortunés d’être propriétaires, nous contribuons à concentrer la richesse entre les mains d’un nombre de plus en plus restreint de personnes.

Aussi, et c’est majeur, l’incapacité des jeunes ménages à acheter une première propriété et à libérer ainsi un appartement locatif amplifie la crise du logement.

Bien que les enjeux touchant l’habitation soient complexes et qu’il n’y ait pas de solution miracle, je demeure convaincue qu’appuyer l’accès à la propriété permet, à moyen terme, de diminuer la part relative du revenu consacrée à l’habitation. Permettons-nous de rêver un instant d’une société qui accompagnerait ses jeunes dans l’accession à la propriété. Ne réussirions-nous pas à éradiquer cette iniquité générationnelle et une partie importante du problème d’abordabilité ?

En leur permettant de faire l’acquisition d’une première propriété, nous permettons du même coup la remise en location d’un appartement existant qui sera toujours moins coûteux qu’une nouvelle construction et qui profitera à un nouveau locataire. De même, ce nouveau locataire pourra libérer un logement plus abordable et ainsi de suite. Bref, faciliter l’accès des jeunes à la propriété crée un important effet domino et contribue à diminuer la pression sur le marché.

En donnant un coup de main aux étapes de la mise de fonds et des premières années du prêt hypothécaire (au moment où celui-ci est le plus élevé), on permet à l’accédant de se créer un patrimoine.

L’aide destinée aux premiers acheteurs devrait donc être perçue comme un investissement plutôt qu’une dépense, puisqu’une fois lancés, ces accédants deviennent autonomes et indépendants, n’étant plus victimes de l’emballement du marché immobilier.

Ainsi, devenir propriétaire, et donc payer une hypothèque, constitue une façon de sécuriser un avoir. Non seulement la résidence prend-elle de la valeur à long terme, elle devient également une forme d’épargne forcée, grâce au capital remboursé chaque mois. On l’oublie souvent, mais notre paiement hypothécaire demeure un des moyens les plus sûrs de nous contraindre à l’épargne. Notre résidence principale devient ainsi l’actif sur lequel nous pouvons compter le plus pour assurer « nos vieux jours ».

Le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de l’accès à la propriété avec la création du CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété). C’est un premier pas dans la bonne direction pour aider ceux qui ont la capacité de mettre jusqu’à 40 000 $ de côté pour la mise de fonds. Mais qu’en est-il de tous les autres ?

Il serait pourtant facile d’indexer la valeur des propriétés pour permettre aux propriétaires occupants d’avoir droit aux ristournes de TPS et de TVQ. Ces valeurs n’ont pas été ajustées depuis plus de 20 ans et ne reflètent plus du tout la réalité du marché d’aujourd’hui. Il serait aussi possible d’imaginer que les premiers acheteurs paient l’ensemble des taxes d’achat (droit de mutation, TVQ et TPS) seulement à la revente de leur première propriété. Ce serait là une contribution des villes autant que des gouvernements, contribution à coût minime pour la société. Ce ne sont que des exemples.

Depuis quelques mois, les problèmes liés à l’abordabilité sont sur toutes les lèvres. La réponse évidente à ces problèmes est de construire davantage, car tant que l’offre demeurera inférieure à la demande, une pression à la hausse s’exercera sur les prix.

Mais ce ne sera pas suffisant. Il faudra du logement social et de l’aide pour construire des unités locatives subventionnées. Et si on ne veut pas que l’aide publique devienne exponentielle, il faudra permettre à un plus grand nombre de nos concitoyens, particulièrement nos jeunes, de devenir maîtres chez eux.

Pendant la pandémie, les entreprises pharmaceutiques ont réussi à cocréer des solutions avec les gouvernements parce que l’urgence le commandait. Je suis persuadée que les besoins en habitation appellent à la même collaboration impérative entre les différentes autorités, les institutions financières et les entreprises privées.

L’enjeu est connu, les différents acteurs sont au rendez-vous, l’intérêt des gouvernements semble manifeste, les villes souhaitent accélérer le développement, les idées sont multiples. Il est donc temps de passer à l’action. L’année 2023 est le moment idéal pour concrétiser toute cette bonne volonté !