C’était le dernier discours du président Joe Biden avant les élections de mi-mandat en novembre dernier. Il a choisi de parler de la lutte entre la démocratie et l’autoritarisme. Plusieurs de ses conseillers étaient incrédules, alors que les électeurs étaient bien plus inquiets de l’inflation et des prix de l’énergie.

Les résultats des élections ont surpris même les partisans du président. Le meilleur résultat en 88 ans dans des élections de mi-mandat toujours difficiles pour le parti au pouvoir. Les démocrates ont conservé la majorité au Sénat et les républicains n’ont qu’une maigre majorité de quatre voix à la Chambre.

Ce qui a forcé à reconsidérer le bilan des deux premières années de la présidence Biden. Et à reconnaître que, dans les faits, ce bilan est remarquablement productif comparé à celui de ses prédécesseurs des trois dernières décennies.

Avec un Congrès qui est devenu une machine à bloquer non seulement les bonnes idées, mais aussi les réformes nécessaires, c’est un bilan remarquable.

Joe Biden a fait adopter un plan d’investissements dans les infrastructures qui pourrait atteindre plus de 700 milliards de dollars. Une réussite d’autant plus remarquable que Donald Trump et Barack Obama y avaient échoué.

On peut parler aussi du plan de relance post-COVID-19, de mesures anti-inflation, d’investissements dans la production de semi-conducteurs et de protection pour le mariage des couples de même sexe après que la Cour suprême eut indiqué qu’après l’avortement, ce pourrait être un dossier à reconsidérer.

On pourrait ajouter qu’il a résisté aux attaques incessantes des républicains qui veulent abolir Obamacare, le populaire programme d’assurance-santé adopté sous Barack Obama. Et que le gouvernement américain n’a pas cessé de fonctionner faute de financement du Congrès, ce qui était arrivé cinq fois au cours des trois dernières décennies.

Pendant ce temps, les républicains ont passé plus de temps à s’entredéchirer. Ils ont offert mardi le spectacle d’un parti incapable d’élire l’un des siens comme président de la Chambre des représentants dès le premier tour de scrutin. La dernière fois que cela était arrivé, c’était il y a exactement un siècle.

Il faut dire qu’il suffisait de cinq représentants républicains pour bloquer l’élection du candidat de l’establishment du parti, Kevin McCarthy, et les républicains ultraconservateurs n’ont pu se retenir de lui faire subir cette humiliation.

Le danger pour le Parti républicain, c’est que cela démontre que, pour une partie significative du caucus, le mandat est de s’opposer et de protester, pas d’adopter des lois. Au prix de laisser l’impression d’un parti qui n’est pas du tout prêt, ou même intéressé, à gouverner.

En tout cas, c’est certainement la première impression que les républicains auront laissée à l’ouverture de ce 118e Congrès. Et, en politique, les premières impressions comptent.

Cela dit, on ne devrait pas être surpris par les excentricités du caucus républicain : les deux derniers présidents républicains de la Chambre, John Boehner et Paul Ryan, ont finalement été évincés par un caucus qui ne les jugeait pas assez radicaux. On a déjà vu ce film.

La journée de mardi montre que les divisions sont de plus en plus profondes au sein de ce parti, dont un groupe très significatif reste fidèle à l’ancien président Donald Trump et refuse toujours d’accepter les résultats de la dernière élection présidentielle.

Ce qui fait que le programme de la majorité républicaine à la Chambre est plus revanchard que constructif. On parle déjà de procédure de destitution contre le président Biden et d’enquêtes sur Nancy Pelosi, l’ex-présidente de la Chambre.

Mais surtout, certains républicains croient qu’ils pourront embarrasser le président Biden en mettant la main sur ce qu’ils voient comme le Saint Graal : l’ordinateur portable de Hunter Biden, le fils du président, qui contiendrait, croient-ils, la preuve de toutes sortes de malversations.

Ledit portable étant entre les mains du FBI depuis plus de deux ans, il y a fort à parier que si on y avait trouvé des preuves, des accusations auraient été portées. Mais, évidemment, quand on est porté sur les théories du complot, il est possible qu’on ne puisse pas croire que la police fédérale puisse être impartiale.

Mais ces distractions ne peuvent faire oublier qu’une chose est devenue très claire en ce début d’année : si Joe Biden n’a pas encore annoncé qu’il serait candidat en 2024, il semble de moins en moins probable qu’il décide de prendre sa retraite après un seul mandat.

Joe Biden a démontré qu’il avait une capacité peu commune de comprendre là où se trouve la majorité de l’électorat. Alors que les républicains présentaient des candidats de plus en plus extrémistes, les démocrates avaient un message bien plus attrayant pour la classe moyenne.

Avec le résultat que celui qu’un chroniqueur québécois qualifiait avec dédain de « momie », avant les élections de novembre, reste encore le démocrate le plus susceptible de battre le candidat que choisiront les républicains. Que ce soit Donald Trump – qu’il avait défait par 7 millions de voix – ou un autre.