Dire que la course à la direction du Parti libéral du Québec est mal partie serait un euphémisme. En fait, le PLQ a presque tout faux depuis le soir des élections, quand il avait l’air de se réjouir du résultat alors qu’il était le dernier à constater qu’il n’était plus que l’ombre du parti qui fut jadis celui de Jean Lesage et de Robert Bourassa.

Depuis le 3 octobre, on est en face d’une série de mauvaises décisions, l’une entraînant l’autre, qui font qu’une course à la direction déterminante pour l’avenir du PLQ s’annonce bien mal.

D’abord, après avoir obtenu le pire résultat de l’histoire de son parti, il était évident que Dominique Anglade devait partir, mais pas nécessairement dès les jours qui suivaient les élections.

Sachant qu’il n’y avait pas, dans le caucus, de député qui avait le profil d’un chef intérimaire – un « elder statesman » à la Jean-Marc Fournier ou Pierre Arcand, qui connaît bien le parti, mais qui n’a pas d’ambition de leadership –, il aurait été possible de demander à Mme Anglade de rester en poste jusqu’à l’élection de son successeur. C’est ce que d’autres partis politiques ont fait avec succès dans des circonstances similaires.

Mais cela a entraîné une autre décision inexplicable et désastreuse : permettre au chef par intérim de se présenter à la direction permanente.

Même si on prévoit un départ du chef par intérim à un certain moment avant le début de la course au leadership proprement dite, il est évident que toutes ses décisions seront jugées non pas à leur valeur, mais comme une façon d’augmenter, ou pas, ses chances de gagner le poste permanent.

Cela peut jeter un doute sur l’intégrité de la course au leadership elle-même ou, au minimum, convaincre des candidats de valeur qu’il ne vaut pas la peine de tenter leur chance dans les circonstances.

C’est particulièrement injuste pour celui qui a été désigné chef par intérim, Marc Tanguay, puisqu’il se trouve dès les premiers instants à gérer une crise dont il n’est pas responsable, mais qui, si elle ne connaît pas un dénouement satisfaisant pour tout le monde, devient un échec dans son premier test de leadership.

En fait, M. Tanguay s’est retrouvé dans une position de faiblesse que pouvaient exploiter les intrigants. La chicane entre les députés Marie-Claude Nichols et Frantz Benjamin pour le poste de troisième vice-président de l’Assemblée nationale n’aurait jamais mérité autant d’attention à un autre moment.

Voici un poste qui constitue une véritable sinécure, qui vient surtout avec une indemnité additionnelle de 35 546 $. Il faut présider l’Assemblée, surtout en fin de journée – quand il s’agit essentiellement de répartir le temps de parole –, mais cela permet d’éviter le travail fastidieux des commissions parlementaires. Et ça vient avec une invitation assurée aux réceptions protocolaires.

Ce qui est le plus troublant dans cette petite querelle, c’est le message qu’elle envoie. Le tout premier débat de ce mandat au PLQ porte sur une fonction plutôt protocolaire, et surtout pour l’indemnité qui vient avec.

Les électeurs sont en droit de se demander si c’est tout ce qui importe à ces députés. Qu’est-il arrivé à la notion de « servir au lieu de se servir » ? Après ça, on se demandera pourquoi tant d’électeurs sont devenus cyniques.

Sans compter le tort que cela fait à l’image de leur parti, sans parler de celle de leur chef par intérim, M. Tanguay, qui se trouve dans la position difficile de ne pas avoir été capable de régler la première « crise » de son mandat de chef, même s’il est évident qu’il s’agit plus d’une question de vanité que d’une question de fond.

Mais toute cette querelle cache la plus mauvaise décision de ce début de course au leadership, soit de faire l’économie d’un véritable débat d’idées sur la place que devrait occuper le PLQ sur la scène politique québécoise.

Le parti vient de connaître la pire défaite de son histoire. Il s’est retrouvé quatrième dans les suffrages exprimés et ne doit son statut d’opposition officielle qu’à son électorat anglophone concentré dans les circonscriptions de l’ouest de l’île de Montréal.

Mais pour le PLQ, pas de « saison des idées », pas de congrès d’orientation, pas même un colloque. Déjà, le chef par intérim a décrété que le PLQ défendait des valeurs « qui sont éternelles ».

Le livre qui résume toutes ces valeurs éternelles est déjà écrit. C’est la plaquette sur les valeurs libérales qu’avait écrite l’ancien chef Claude Ryan à la demande de Jean Charest peu après être devenu chef du PLQ, en 1998.

C’était il y a un quart de siècle. Depuis, le PLQ a lentement mais sûrement perdu ses repères et, surtout, une large part de son électorat. Même s’il prétend que ses valeurs sont éternelles, le PLQ ne peut ignorer qu’il lui reste beaucoup de chemin à faire pour rétablir les ponts avec la majorité francophone. Un simple changement de chef ne saurait être suffisant.

Dans une version précédente de la chronique, il était indiqué que le Parti libéral avait terminé troisième dans les suffrages exprimés lors des électrions québécoises. Le PLQ a plutôt terminé au quatrième rang.