Le Robert décrit l’aggloméré comme un « matériau obtenu par un mélange de matières diverses agglomérées et d’un liant ».

Wikipédia, lui, en parle comme étant « un matériau de construction artificiel de géométrie régulière, plein ou creux, résultant de la prise et du durcissement d’un mélange de liant et de matériaux inertes ».

Plus simplement, des pierres qui se tiennent ensemble grâce à une colle quelconque, les liants. Et le résultat généralement moulé, comme un comptoir de cuisine par exemple.

La CAQ, c’est ça.

Un parti politique aggloméré, composé d’agrégats, les élus, tenus ensemble par un liant, François Legault (le Liant). Pas le troisième lien là…

Je n’oserais pas dire que tous ces agrégats sont inertes, bien qu’il soit facile de constater qu’il s’agit de matières diverses. Mais chose certaine, on peut facilement considérer qu’il est possible que le seul liant qui puisse garder tout ça ensemble, c’est François Legault.

On pourrait prudemment comparer avec le Parti québécois, que René Lévesque a réussi à garder soudé, non sans difficultés, jusqu’à la victoire de 1976. La seule différence, et elle est immense, le PQ de l’époque avait une vision, un grand projet politique, un objectif qui permettait de calmer tout le monde quand ça brassait : la souveraineté du Québec.

Ce qui n’est pas le cas avec la CAQ.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas d’un parti politique idéologique. Plutôt une coalition d’intérêts, dont l’objectif est le pouvoir. On est près du vide doctrinal absolu. Et pourquoi pas, pour relaxer un peu.

La CAQ n’a jamais eu de philosophie politique, à part se complaire, en surface, à être bien dans sa peau, comme Québécois et Canadien, en même temps, entretenant ainsi notre schizophrénie collective.

Le Liant a connu une campagne électorale difficile. Ma mère aurait dit de M. Legault qu’il a fait de son pire. Peu importe, c’était gagné d’avance. Mais il l’a remporté encore plus fort qu’on aurait pu le croire. Solide. Une très grosse victoire.

Mais il ne faut pas se laisser aveugler par cette consécration. Ce deuxième mandat sera très exigeant : pénurie de main-d’œuvre, de logements, d’enseignants, dans le système de santé, etc.

Je fais le pari que M. Legault ne sollicitera pas un troisième mandat. Si j’étais lui, je n’aurais pas le goût de risquer de perdre une prochaine élection, dans son cas la cinquième à la tête de son parti. Surtout après le triomphe de lundi.

Je gage aussi que des personnes comme MM. Dubé, Fitzgibbon et Girard, par exemple, en auront assez de huit ans en tant que ministres, et s’en iront avec le boss. Surtout qu’ils n’ont pas besoin de la politique pour vivre.

Et là débute la période du grenouillage.

En politique, le grenouillage est le préalable au magouillage. Par analogie, disons que c’est la période où on affûte les couteaux, pour ensuite les utiliser.

Le problème des soupirants, en amour comme en politique, c’est qu’ils savent difficilement cacher leurs sentiments. Inévitablement, ils les susurrent, et finissent par gazouiller.

Pas besoin de hurler, sur la Colline parlementaire, pour créer une rumeur. Tout se répand à la vitesse photonique. Un on-dit qui passe, et les autres prétendants potentiels s’énervent. Ils répliquent sur leurs intentions, en chuchotant, strictement entre nous, off the record, bien sûr.

Éventuellement, les rumeurs enflent, et cela devient le sujet principal dans les restos de la Grande Allée.

Soyez assuré que le Liant expliquera qu’il réfléchit au troisième mandat, pour calmer les ardeurs de certains agrégats trop pressés. Mais rien n’y fera, et il risque de perdre tranquillement le contrôle de ses troupes.

Surtout avec un caucus composé de nombreux déçus, qui se voyaient ministres, et qui n’ont pas reçu d’appel. Ou ceux qui l’étaient, qui ne le sont plus, parce qu’ils ont reçu un appel de trop. Ça donne une méchante cohorte de gueules sûres !

Et les ministres, autour de la grande table, qui se sont tus stratégiquement, les premiers quatre ans, mais qui prendront du pique. Surtout ceux qui savent qu’ils s'en iront.

Dans l’ensemble, une famille qui va exiger plus de réponses du patron , pour différentes raisons. Quand vous avez régné comme M. Legault, ça peut faire suer.

Et l’usure qui prend, l’érosion, sur la cohésion politique et sur l’appareil gouvernemental.

Progressivement, le magouillage débute chez les agrégats, et la campagne à la chefferie décolle, hypocritement. Les couteaux se mettent à voler, et pas à hauteur d’homme…

On découvrira, chemin faisant, avec la perte d’influence probable du Liant, que les matières étaient plus diverses qu’on pouvait le croire.

Des plus nationalistes, comme le jeune bronco, à peine contrôlable, Simon Jolin-Barette, ou le corps étranger, pas opportuniste pour une miette, Bernard Drainville.

Et des plus canadian, comme GG (Geneviève Guilbault), qui ne se prend pas pour un 7 -Up flat. Ou une plus discrète, qui est là qu’a watch, Sonia LeBel.

Alors, si M. Legault croyait que les batailles, entre nationalistes et souverainistes momifiés, d’un côté, et fédéralistes de l’autre, étaient passées date, qu’il garde un œil sur sa cour de récréation pour voir !

Ce sera du joli à observer, et surtout savoir si les agrégats réussiront à se tenir encore ensemble.

Et comme le dit le titre du film de Bertrand Tavernier : Ça commence aujourd’hui.

Entre nous

Cette élection laisse une plaie qui n’est pas près de se guérir.

On a testé la cohésion sociale, en mangeant de l’immigrant en échange de votes francophones. Et en isolant Montréal.

Des centaines de milliers de personnes ont été humiliées publiquement. Ça fait mal, se faire traiter de fainéant. Ils l’auront gaufrée au cœur celle-là.

Diriger implique la responsabilité. Et pas seulement quand ça peut être payant politiquement. Parfois, il faut accepter la facture qui vient avec la charge. Ainsi en est-il du vivre-ensemble, comme d’une pandémie.