Le 30 septembre se tient la deuxième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, que d’autres appellent la journée du chandail orange.

Ce chandail orange, que vous verrez sans doute en grand nombre, est devenu le symbole d’une histoire commune à plus de 150 000 enfants autochtones au pays pendant 165 ans mais aussi, d’un même souffle, le symbole de la résilience de tous les peuples autochtones du Canada.

Ce chandail raconte l’histoire de Phyllis Jack Webstad qui, en 1973, vivait avec sa grand-mère dans la communauté de Dog Creek, en Colombie-Britannique. Lorsqu’elle a été en âge d’aller à l’école, sa grand-mère lui a acheté un joli chandail orange pour commencer ce nouveau chapitre de sa vie.

Comme sa grand-maman et sa maman avant elle, Phyllis a été envoyée dans un pensionnat pour Autochtones. À son premier jour, elle portait fièrement son beau chandail orange, lacé sur le devant.

À peine arrivée, on lui a ordonné de retirer tous ses vêtements. Comme tous les autres enfants, Phyllis pleurait et n’y comprenait rien. Personne ne l’a réconfortée. Elle n’a jamais revu son chandail orange, sans doute brûlé comme le voulait la coutume avec les effets personnels des pensionnaires autochtones. Elle a compris alors qu’elle n’était pas importante.

Ce chandail deviendra donc, dès 2013, le symbole d’un lourd souvenir certes, mais aussi celui du chemin de la guérison, celui que l’on porte pour se rappeler, pour montrer notre soutien au jour du 30 septembre, journée où tous les enfants autochtones devaient être arrivés dans les 139 pensionnats conçus pour eux pendant l’ère durant laquelle ils ont été ouverts.

Ce n’est que l’an passé que cette journée, qui vise à promouvoir les efforts de réconciliation avec les peuples autochtones, a été officiellement créée par le gouvernement fédéral en réponse à la recommandation numéro 80 du rapport final de la Commission vérité et réconciliation de 2015.

Bien que symbolique, cette journée se veut nécessaire. Elle devrait être consacrée à l’éducation, à la réflexion, voire au recueillement. Rappelons que près de 6000 enfants autochtones ont trouvé la mort dans ces pensionnats et que de nombreux pensionnaires en ont gardé les cicatrices vives de violences en tout genre allant d’expériences scientifiques ayant mené à la malnutrition, la maladie et la mort en plus des violences psychologiques, physiques, sexuelles, culturelles et identitaires.

Cette journée ne se veut pas une fin en soi, mais plutôt le début d’une longue démarche. Une démarche commune. Elle ne vaut pas grand-chose si les gens profitent du congé accordé par plusieurs provinces (sans le Québec) ainsi que par le gouvernement fédéral pour aller magasiner ou regarder des séries.

Il faut être deux parties pour se réconcilier. Il faut faire les efforts. Mais avant même de penser à y arriver, il nous faut guérir. Nous tous. Cette guérison n’est pas uniquement réservée aux Autochtones.

Quand je lis des papiers ou que j’entends des commentaires défensifs, fermés, bourrés de préjugés, de propos racistes ou de raccourcis qui font preuve de malhonnêteté intellectuelle, j’en appelle à la guérison. Quand je me souviens qu’il y a deux ans, le 28 septembre 2020, Joyce Echaquan mourait à l’hôpital de Joliette, j’en appelle à la guérison. Quand j’entends le premier ministre François Legault qui s’obstine à ne pas reconnaître le racisme systémique ou le principe de Joyce, j’en appelle à la guérison.

Cette journée marque le début d’un travail et d’efforts communs qui visent la réconciliation. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Comment pourrons-nous savoir quand nous y serons arrivés ? Que faut-il mettre en place ?

Je n’ai pas la réponse à toutes ces questions. Je sais cependant que chaque fois qu’on fait de la place aux voix autochtones dans les médias, ça aide. Que chaque fois qu’on permet aux artistes autochtones de chanter dans leur langue, ça aide. Que chaque fois qu’un gouvernement, une société, une institution a le courage de changer quelque chose dans son système parce que ça laissait les Autochtones de côté, ça aide. Que chaque séance de formation, chaque conférence donnée par un Autochtone aide.

De petits pas sur une longue route.

Un survivant des pensionnats a dit un jour : « Il aura fallu des centaines d’années pour nous détruire, il en faudra au moins autant pour nous rebâtir. » Je trouve qu’il a vu juste. Il faudra être patient et prendre le temps de bien faire les choses.

Tantôt, il nous faudra toutefois penser à un meilleur partage des pouvoirs, des territoires, à une meilleure justice. C’est là, je crois, que nous mesurerons la véritable volonté de faire mieux. À l’heure des grands pas. Et pour tout ça, j’en appelle à la guérison.

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