Si la tendance se maintient, formule magique de soir d’élections, les seules circonscriptions libérales qui subsisteront après cette campagne électorale seront agglutinées dans l’ouest de Montréal.

Les anglophones et les allophones seront ainsi confinés politiquement.

Ils seront encerclés de circonscriptions bleues, et de quelques taches orange.

Autant le Québec est une île entourée d’une mer anglophone en Amérique, autant, comme baraqués politiquement, les anglos et les allos seront contenus géographiquement.

Tant pis pour eux, et tant mieux pour nous, qu’on se répétera dans Hochelaga, et à Sept-Îles.

Comme une espèce de revanche historique. L’arroseur arrosé.

Il y aurait un psy dans la salle, SVP ?

Mais une fois ce semblant d’orgasme passé, ON FAIT QUOI ?

On aura créé une ceinture politico-linguistique ben serrée et étouffante.

Ce sera aussi l’illustration la plus éclatante de l’abîme parfait entre Montréal et le ROQ, le Rest Of Quebec.

Notre plaisir sera fugace, et précaire, sur une échelle de décennies. Parce que j’ai des petites nouvelles pour vous, les amis : le Québec se métisse, et continuera à se métisser.

Inéluctable, mathématique, même si on se pète la tête sur les murs en le niant.

On vous a parlé de la crise de la main-d’œuvre ?

On aura beau conserver les seuils d’immigration actuels, mais nous savons tous trop bien que ça va déglinguer à un moment donné. Que le compte n’y sera plus, et qu’il faudra bouger pour des impératifs économiques.

Est-ce que je crains pour l’avenir de notre culture, de la langue française ?

Bien sûr que j’ai peur. Mais surtout pour mes enfants, et les plus petits.

Est-ce que cela me désole ? Incroyablement ! Après des siècles de résistance, en être rendu là…

Faudra peut-être demander aux nations autochtones de nous prêter des épaules pour pleurer. Ils savent ce que c’est, eux. Ils pourraient nous donner des trucs pour vivre avec, pour tenter de s’en remettre, si tant est que cela soit possible.

Et, en ce centième anniversaire de sa naissance, je m’ennuie de René Lévesque.

On aurait tellement besoin de ce phare actuellement. Son empathie naturelle pour la différence culturelle, cet instinct pour deviner les autres, les dissemblables. Son désir d’indépendance sans exclusion, aux dépens de personne.

Ses convictions concernant la cohésion sociale étaient inébranlables. Et pourtant, il en a cassé des œufs politiquement, avec ses gouvernements. Les anglos ont fui ben en masse. Pas un saint, M. Lévesque, mais on sentait toujours que cela se produisait à son corps défendant.

Je me suis souvent demandé, et je le fais encore, ce qu’il penserait de la situation actuelle, et de notre avenir. Je suis convaincu que le souverainiste ne se renierait pas, mais que l’humaniste saurait nous aider à tracer le chemin.

Je n’oserais jamais présumer de sa pensée.

Mais pourrait-il nous convaincre, avec sa générosité et son éloquence, de la nécessité de tendre, également, vers un patriotisme encore plus inclusif et moderne ? Comme discours utile pour faire tomber les barrières culturelles, qui risquent de se multiplier dans les prochaines années, chez nous, au Québec.

Sinon, quel politicien aura le courage de nous parler, sincèrement et ouvertement, de la nécessité de se rassembler, de vivre ensemble, malgré nos différences ?

Nos politiciens se gargarisent avec l’expression, mais les bottines ne suivent pas les babines. Il est plus payant de faire du racisme, ou du nationalisme à la carte, subtilement, pour atteindre ou conserver le pouvoir.

Payant politiquement maintenant, mais payant encore pour combien de temps ?

Je crains les élections où les francos, un jour, ne feront plus vraiment la différence dans le résultat final. Le moment où ils seront dépossédés de la balance du pouvoir, où la faveur d’une majorité mathématique chez les francophones ne suffira plus vraiment pour l’emporter. Pas pour demain encore, je sais, mais éventuellement très possible.

On fera quoi à ce moment-là ?

La réponse est probablement que c’est maintenant qu’on devrait s’en soucier collectivement.

Parce qu’on ne pourra pas vraiment compter sur les politiciens provinciaux, ou sur très peu d’entre eux, pour ce chantier du patriotisme renouvelé. Et ceux d’Ottawa ne feront pas le travail, trop loin de nous généralement, trop loin de la société distincte.

On devrait peut-être moins se préoccuper d’appropriation culturelle, de wokisme, et de nationalisme maniaco-dépressif, et se parler, entre nous et civilement, du Québec de demain, de la suite du monde pour nos enfants, et pour les leurs.

Entre nous

On a mentionné dernièrement la perspective que la région de Québec devienne la deuxième métropole de la province.

Je ne me souviens pas qu’une seule personne à Québec ne m’ait accosté pour me transmettre cet espoir.

Tout d’abord, fier-pet comme on est chez nous, on ne se voit jamais deuxième.

Nous sommes LA Capitale nationale ! Belle, moderne et prospère.

Et parlant de cela, la CAQ qui ne récolterait que 15 % des votes à Montréal, je trouve ça nocif.

Un gouvernement qui a sa métropole à dos, il me semble qu’historiquement, cela n’a jamais été une bonne idée…