(Paris) Ce sont deux partis politiques qui se sont échangé le pouvoir au cours du dernier demi-siècle. Des partis au passé parfois glorieux, fondés par des chefs plus grands que nature et qui ne pourraient peut-être pas survivre aux prochaines élections.

Des partis qui, au mieux, pourraient attendre encore cinq ans pour une éventuelle prochaine chance. Mais ils ont de plus fortes chances d’être laissés pour morts, une fois connu le résultat de l’élection.

Deux partis qui n’ont pas su s’adapter à une nouvelle donne politique qui a évolué sans eux. Et qui ont refusé de voir l’arrivée de nouveaux partis comme une menace.

Aux Québécois à qui ça pourrait rappeler quelque chose qu’ils pourraient vivre sous peu, disons tout de suite qu’on parle de la France : du Parti socialiste, porteur de l’héritage de François Mitterrand, et des Républicains, avec celui de la droite traditionnelle et du général de Gaulle.

Rappelons qu’il y a tout juste cinq ans, l’occupant de l’Élysée, la résidence du président français, était un socialiste – même si François Hollande avait décidé de ne pas solliciter un second mandat, tant il était certain de perdre la présidentielle de 2017.

PHOTO NICOLAS TUCAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des affiches d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen

La droite traditionnelle, regroupée autour d’un parti qui a changé de nom régulièrement et qui s’appelle maintenant Les Républicains, a occupé la présidence pour la dernière fois avec Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012. Ce fut aussi la dernière fois qu’elle a eu un candidat au deuxième tour. Depuis – et encore cette année – Les Républicains devraient être éliminés avant de jouer la finale.

L’hebdomadaire L’Express titrait d’ailleurs, la semaine dernière : « Les Républicains vont-ils disparaître ? » La question se pose et pas seulement dans les journaux.

Il serait facile de rendre la candidate, Valérie Pécresse, responsable de tous ces malheurs. Et il est vrai qu’elle doit assurer sa part. Elle est une piètre communicatrice et encore plus mauvaise comme oratrice, alors qu’on l’a fait tenir deux grands rassemblements – télévisés dans tout le pays – dont le premier a fait dire à l’un de ses alliés : « C’était comme Le Cid, déclamé par un jeune élève. »

Mme Pécresse peut se consoler : les socialistes font encore moins bien. Leur candidate, Anne Hidalgo, la maire (désolé, Mme Plante, ce n’est pas encore « mairesse » ici) de Paris a du mal à pointer plus haut que 2 % dans les sondages en vue du premier tour. Ici aussi, le message traditionnel du Parti socialiste ne passe plus.

C’est la faute à qui ? Aux nouveaux partis qui ont mieux senti l’humeur de l’électorat. À gauche, Jean-Luc Mélanchon, dont le nom du parti, la France insoumise, reflète assez bien le programme. Une gauche qui ne veut plus faire des compromis pour arriver au pouvoir.

À l’extrême droite, qui, avec environ le tiers des voix, est la force qui monte en politique française, ce fut, au départ, une bagarre entre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Mais le discours très dur du polémiste sur l’immigration et le « grand remplacement » a eu l’effet d’adoucir l’image de Mme Le Pen.

Surtout, elle a su pivoter et exploiter la vie chère et l’incertitude économique. Bref, de parler des sujets qui touchent directement les citoyens.

Au centre, Emmanuel Macron était allé puiser à droite comme à gauche et a voulu gouverner au centre, loin des vieilles querelles droite-gauche. Mais en cette fin de campagne, on voit que M. Macron n’a peut-être pas totalement gagné son pari.

Il ne suffit pas de vouloir remplacer les vieux partis, il faut aussi convaincre qu’on peut faire mieux.

Or, en voulant être au-dessus de la mêlée, le président sortant a surtout donné une impression d’arrogance. Un exemple : il a refusé de participer aux émissions de la télévision publique où étaient conviés – et où se sont présentés – tous les autres candidats.

Mais en refusant de débattre, il a aussi donné une sorte de partie gratuite à ses adversaires et, en particulier, à Marine Le Pen. Pendant que tout le monde se plaignait de la hausse du coût de la vie ou de la faiblesse du système de santé, M. Macron trouvait plus important de se consacrer à de la haute diplomatie qu’à des problèmes de ses concitoyens.

Mais quand on parle à Vladimir Poutine, on ne s’occupe pas de montrer les faiblesses de ses adversaires. Avec le résultat qu’en cette fin de campagne, c’est Marine Le Pen qui monte et c’est Emmanuel Macron qui descend, même si l’écart reste à l’avantage du président sortant.

Mais surtout, les sondeurs commencent à voir une tendance : les Français pensent de plus en plus que c’est Mme Le Pen qui comprend mieux leur situation et qu’elle pourrait mieux que M. Macron améliorer leur vie.

Ce qui fait qu’à quatre jours du vote, non seulement les partis traditionnels ne sont plus dans le débat, mais un résultat surprise devient possible. Pas encore probable, mais possible.