Sans le vouloir, le congrès d’orientation du Parti québécois (PQ) aura réussi à démontrer pourquoi les électeurs l’ont largement abandonné. Parce qu’en un demi-siècle d’histoire, le PQ a tout essayé. Et les électeurs ne sont tout simplement plus capables de le suivre.

Référendum, pas de référendum. Association, pas d’association. Nationaliste économique, puis libre-échangiste, puis partisan d’un nationalisme identitaire. Dollar québécois, dollar canadien ou même américain. Armée membre de l’OTAN, armée pacifique ou pas d’armée du tout. Virage vert et nouveau logo ? Tiens, André Boisclair avait essayé ça en 2007… On pourrait continuer comme ça longtemps.

Au congrès de la fin de semaine dernière, nouvelle invention, une « fiche signalétique » qui sera présentée peu avant les prochaines élections – donc dans moins de 10 mois – et qui va offrir une « définition claire du Québec souverain ».

On y décrirait, entre autres, le « régime politique d’un Québec souverain » – bonne chance, quand on sait que le PQ a toujours eu du mal à se brancher sur la simple réforme du mode de scrutin – et même « la garde des frontières ».

Les frontières, c’est nouveau. Et surtout opportuniste.

Pendant presque toute son histoire, le PQ a insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas de frontière dure avec le Canada. C’était l’essence même du projet de souveraineté-association dans le manifeste Option Québec de René Lévesque, qui a mené à la fondation du parti.

On citait volontiers l’exemple de l’Union européenne et des « Quatre libertés » du marché unique – libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services – qui devrait servir de modèle aux relations futures entre le Québec et le Canada.

Et soudain apparaît « la garde des frontières ». Pour le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, la vague de criminalité avec armes à feu que l’on retrouve actuellement dans le Grand Montréal est « un exemple frappant de ce qu’est le prix concret de ne pas avoir un pays et de laisser un palier de gouvernement lointain gérer des choses ».

Bref, la souveraineté et les frontières vont régler le problème des fusillades.

On peut certainement déplorer le manque de courage politique du gouvernement Trudeau sur la question des armes à feu et sa fâcheuse manie de vouloir pelleter le problème dans la cour des provinces ou même des municipalités.

Mais quand on affirme que le simple fait de déployer des gardes-frontières québécois sur les ponts entre Ottawa et Gatineau ou à Lacolle va régler le problème de l’entrée illégale des armes de poing, surtout depuis les États-Unis, on tombe carrément dans la caricature.

Mais revenons à la « fiche signalétique » qui va informer les électeurs des contours d’un Québec souverain. On va y parler de la monnaie. Bonne idée, parce que le PQ a dit blanc, noir et toutes les nuances de gris sur la question de la monnaie depuis sa fondation.

Dans Option Québec, René Lévesque parlait d’une monnaie commune avec le Canada. En 1973, lors de la campagne malheureuse du « budget de l’an 1 », Jacques Parizeau évoquait l’idée d’un dollar québécois qui flotterait « un peu en dessous ou un peu au dessus » du dollar canadien. Ça n’avait pas très bien passé. En 1976, donc, retour à la monnaie commune.

Puis, au référendum de 1995, le PQ dit que le Québec conserverait le dollar canadien, que le Canada aime ça ou non et même sans institutions communes. Mais certains péquistes, le ministre Richard Le Hir, entre autres, évoquaient l’utilisation du dollar américain. Enfin, lors de la course à la direction du PQ en 2014, Jean-François Lisée – avant de renoncer à sa candidature – évoquait une banque centrale québécoise et un dollar québécois.

Bref, le PQ n’a toujours pas de position claire sur une question pourtant centrale de son projet alors qu’il propose un référendum sur la souveraineté dès son premier mandat, advenant qu’il prenne le pouvoir.

En fait, ces débats ne passionnent même plus la majorité des péquistes et n’intéressent plus guère que les historiens.

De toute façon, pour le PQ, l’enjeu de la prochaine campagne électorale ne sera pas le dollar québécois ou la souveraineté avec ou sans association. Ce sera la survie du parti lui-même.

Avec près de 50 % des intentions de vote dans les sondages et même avec un peu moins, la Coalition avenir Québec devrait pouvoir compter sur l’effet le plus pernicieux de notre système électoral, soit de remporter beaucoup plus de sièges que sa part du vote.

Ainsi, avec plus de 50 % des voix en 1973 et en 1985, les libéraux de Robert Bourassa avaient gagné 102 sièges sur 110 et 99 sièges sur 122. Avec une opposition fractionnée en trois, il est plausible qu’on obtienne un résultat similaire ou même pire en octobre prochain.

Voilà qui est une menace bien réelle pour la survie du PQ. Et un enjeu beaucoup plus urgent pour ses militants que la mise en place d’une « garde des frontières ».