Changer l’image d’un produit, d’une équipe ou d’un parti politique est toujours un pari risqué. Demandez-le à ceux qui ont pensé au « nouveau Coke » ou qui ont changé le « branding » de l’équipe de soccer de Montréal. On ne saura que plus tard si le pari de Dominique Anglade sera gagnant, mais on peut déjà dire qu’il est risqué.

En fait, le virage à gauche et vers l’écologie que propose Mme Anglade ressemble beaucoup à celui qu’a effectué le Parti libéral du Canada sous Justin Trudeau, quand il a quitté l’hyper-centre de l’échiquier politique pour aller s’installer plus à gauche, mais surtout plus au vert.

Au Québec, quand Justin Trudeau a été choisi chef libéral, le PLC était au plus bas avec seulement sept députés, le pire résultat de son histoire. Après la vague orange, il ne restait plus grand-chose de la grosse machine rouge qui gagnait tous les sièges ou presque du temps de Pierre Trudeau.

Aux élections de 2015, aidé par un électorat qui avait assez vu Stephen Harper et son gouvernement conservateur, les libéraux remportaient 40 sièges au Québec avec 35 % des voix. Quatre ans plus tard, il obtenait 34 % et 35 députés. Et, en septembre dernier, les libéraux gardaient leurs 35 sièges avec 33,6 % des voix.

Comme on peut le voir, c’est donc un vote relativement stable autour de 35 % des voix, ce qui, dans une lutte à quatre partis – comme aux élections québécoises, d’ailleurs – peut être suffisant pour être le premier parti politique au Québec.

Mieux encore, les libéraux fédéraux ont gagné et conservé des sièges ailleurs que dans la grande région de Montréal. À Québec, en Estrie, en Gaspésie, en Mauricie et en Outaouais. Si, aux prochaines élections, Dominique Anglade réussissait à faire aussi bien, on parlerait sans doute de miracle.

Mais cela montre quand même qu’il y a un marché pour un parti de gouvernement qui soit plus à gauche et plus vert. Sauf que pendant toutes les années Charest, il suffisait d’être fédéraliste et d’accuser le Parti québécois de vouloir tenir un nouveau référendum pour être assuré d’une réélection facile. Le PLQ de l’époque a cessé d’être un parti d’idées. Il était bien plus une machine à collecter des fonds avec la petite odeur de corruption qui s’installe souvent dans de telles circonstances.

Obstacle plus sérieux encore : l’adversaire de Mme Anglade est la CAQ de François Legault, qui jouit encore d’une grande popularité et qui semble voguer vers une réélection facile. Mais peu de gens au PLQ croient qu’il est possible de gagner les élections qui auront lieu dans 10 mois. L’objectif réel – même si on affirmera le contraire – c’est de réussir un résultat honorable qui les mettrait dans une bonne position pour la fois suivante.

Alors, où se trouverait le marché pour le PLQ nouveau et plus vert ? En fait, il faudrait gruger des appuis au centre et à gauche. Au centre, ça veut dire à la CAQ parce qu’il y a quand même des insatisfactions dans l’électorat. Ce n’est pas tout le monde au Québec qui pense que 10 milliards de dollars pour un tunnel entre Lévis et Québec est une bonne idée. Et, encore moins, une idée écologiste.

De même, il y a de l’insatisfaction quand au petit côté autoritaire qui caractérise parfois le gouvernement caquiste, que ce soit le maintien de l’état d’urgence ou une intransigeance certaine dans les relations avec les employés de l’État.

Il y a aussi des gains à faire à gauche. Il y a des électeurs qui ont voté pour Québec solidaire mais qui ne pensent pas que ce parti soit crédible et puisse former le gouvernement. Pour ceux-là, un PLQ plus à gauche et plus vert pourrait être une solution de rechange intéressante.

Mais ces gains sont à la marge. Et on peut bien vouloir trouver quelques ressemblances avec la politique fédérale, la politique québécoise copie rarement les exemples d’outre-Outaouais.

D’autant que la plateforme verte de Mme Anglade ressemble toujours à une ébauche. La nationalisation de l’hydrogène n’a pas la même résonance, ni le côté nationaliste de celle de l’électricité. Et l’hydrogène ne sera jamais qu’un marché de niche qui sera peut-être payant, mais qui va rester limité.

Surtout, Mme Anglade n’a pas réussi à dire quels moyens elle prendrait pour améliorer le bilan du Québec sur les gaz à effet de serre, sauf pour rappeler de vieux classiques comme mieux isoler les bâtiments ou fixer une limite pour la vente de véhicules à essence, une question sur laquelle les marchés sont plus avancés que les politiques.

Reste qu’il y a un marché pour ses idées. Et bien peu de gens croyaient que ça fonctionnerait pour Justin Trudeau et on a vu le résultat, même quand François Legault a dit de voter bleu.