Ce qui est le plus étonnant dans l’appui affirmé du premier ministre François Legault aux conservateurs d’Erin O’Toole, ce sont les risques financiers que cela implique pour le Québec.

Le plus évident est le programme national de garderies, proposé par les libéraux, qui permettrait au Québec d’empocher 6 milliards qu’il pourrait dépenser là où il le désire. Une compensation pour un programme que le Québec paie seul depuis sa création.

On peut constater l’écart entre les promesses libérales et conservatrices en regardant le cadre financier soumis par chacun des partis. Le programme national de garderies des libéraux coûterait 29,8 milliards de dollars sur cinq ans, des sommes qu’Ottawa enverrait aux provinces pour créer un réseau de garderies à 10 $ par jour.

En comparaison, les conservateurs consacreraient 2,6 milliards en crédits d’impôt aux parents qui doivent faire garder leurs enfants et 3,1 milliards pour compenser les provinces, le Québec et six autres, qui ont signé une entente avec Ottawa. Une compensation valide pour une seule année.

M. Legault s’attend à ce que le nouveau premier ministre respecte la signature de son prédécesseur. Il devrait se souvenir que Paul Martin avait signé des ententes sur les garderies peu avant les élections de 2006. Mais dès qu’il est arrivé au pouvoir, Stephen Harper a annulé ces ententes et les a remplacées par un crédit d’impôt. Exactement ce que propose M. O’Toole.

D’une part, si M. O’Toole devait l’emporter, le Québec se retrouverait encore une fois à financer seul son réseau de centres de la petite enfance (CPE), mais, en plus, les parents québécois seraient moins bien servis.

Dans les circonstances, un crédit d’impôt, c’est un peu comme envoyer un livre à chaque famille, mais cesser de financer les bibliothèques.

Par ailleurs, il y a un risque bien réel que le Québec se retrouve dans une plus mauvaise situation financière à cause du programme conservateur sur la péréquation. Enfouie à la page 148 de la plateforme conservatrice, on affirme que le parti de M. O’Toole fera adopter la Loi sur l’équité en matière de péréquation et de transferts.

La loi en question est, en fait, un projet de loi privé présenté par le député albertain Tom Kmiec qui a été simplement déposé aux Communes sans avoir été débattu, comme c’est le cas pour presque tous les projets de loi privés. M. O’Toole en ferait un projet de loi du gouvernement.

Dans les faits, le projet reprend à son compte les arguments du premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, sur la péréquation. Depuis longtemps, l’Alberta se plaint de financer les autres provinces et, en particulier, les généreux programmes sociaux du Québec à même ses revenus pétroliers.

La plateforme conservatrice prend fait et cause pour la version albertaine des faits : « Les Albertains sont des gens généreux. Ils ont donné plus de 600 milliards de dollars au reste du pays depuis 1967 et une moyenne de plus de 20 milliards de dollars par année au cours des 10 dernières années. En période faste, ils n’ont pas refusé cette aide aux provinces moins fortunées. Cependant, les temps ont changé. Même si leur économie est en difficulté depuis sept ans, les Albertains restent des contributeurs importants à l’économie nationale. Il est normal que le reste du Canada soit là pour l’Alberta, tout comme l’Alberta a toujours été là pour lui. Maintenant que l’Alberta est en difficulté, les Albertains s’attendent raisonnablement à ce que le reste du pays, ce qui comprend le gouvernement fédéral, les soutienne financièrement et les aide à obtenir un juste prix pour leurs produits énergétiques sur les marchés mondiaux. »

C’est là qu’arrive le projet de loi du député Kmiec. Celui-ci touche surtout le programme de stabilisation financière, souvent associé, à tort, à la péréquation. Mais il vise à obliger le gouvernement fédéral à répondre au référendum qui aura lieu le 18 octobre prochain.

La question référendaire demande de retirer l’article 36 (2) de la Constitution canadienne qui garantit l’existence d’un programme de péréquation.

Il est irréaliste de penser qu’on abandonnera la péréquation. Mais ce que veut le gouvernement Kenney, c’est de modifier la formule actuelle à son avantage. Et, on le voit, un gouvernement conservateur serait fort bien disposé envers l’argumentaire de l’Alberta.

Ainsi, la plateforme conservatrice omet de dire que la péréquation est un programme fédéral auquel les provinces ne contribuent pas directement. On oublie aussi de dire qu’un critère important dans le calcul de la péréquation est la capacité fiscale des provinces. Or, l’Alberta a choisi de ne pas utiliser toute sa capacité fiscale, étant la seule à ne pas avoir de taxe de vente.

La péréquation, c’est plus de 13 milliards de dollars qui s’ajoutent au budget du Québec. Et dans toute réforme de ce programme, c’est très évidemment le Québec qui serait le plus à risque d’en sortir perdant. Il est quand même étonnant que celui qui dit vouloir protéger les Québécois ignore de tels dangers.