Il faut que l’on parle du troisième lien et du Réseau express métropolitain (REM) dans cette campagne électorale fédérale même si, à première vue, on pourrait dire que ce n’est ni le temps ni le lieu, puisqu’il s’agit de projets qui sont essentiellement de compétence provinciale.

Sauf que ce sont des projets où le gouvernement québécois va demander une participation importante d’Ottawa.

Pour le REM de l’Ouest, déjà en construction, le gouvernement fédéral va verser 1,28 milliard de dollars, par l’entremise de la Banque de l’infrastructure du Canada. Pour le troisième lien, Québec n’a pas encore fait de demandes chiffrées, mais on parle de 40 % du projet, ce qui, à terme, pourrait signifier 4 milliards.

Mais, au delà des montants, les élections fédérales devraient être une rare chance d’avoir un débat public sur l’opportunité et la forme de ces projets d’infrastructure. C’est le temps d’en parler avant qu’on nous dise qu’ils sont trop avancés pour pouvoir reculer.

Ces deux projets sont du même type : ils sont imposés d’en haut, sans consultation préalable des citoyens. Tant pour le REM de l’Est que pour le troisième lien, la décision semble déjà prise par le gouvernement du Québec, le tracé est choisi, la technologie aussi. Et la volonté politique de passer outre aux objections des opposants semble manifeste.

Il y a, bien sûr, des consultations à venir, mais on a de bonnes raisons de croire que les dés pourraient être pipés. Après tout, il y a un précédent. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait émis un avis assez défavorable sur le projet de REM de l’Ouest actuellement en construction.

Tant le gouvernement du Québec que le maire de Montréal de l’époque ont tout simplement choisi d’ignorer le rapport. « Le BAPE, c’est pas le pape », avait dit Denis Coderre pour mettre fin à toute discussion.

On peut craindre le même traitement pour les rapports du BAPE sur le troisième lien et le REM de l’Est. Pour le gouvernement Legault, en tout cas, il est clair que, dans les deux cas, la cause est déjà entendue et on est prêt à procéder.

On voit aussi que le comité d’experts chargé de l’intégration architecturale du REM n’a pas le mandat de se prononcer sur le tracé et sur la technologie retenue par CPDQ Infra1. Comme d’habitude dans ce dossier, on peut discuter tant qu’on veut, il n’y aura pas de véritable consultation : l’essentiel est décidé d’avance et c’est à prendre ou à laisser. C’est la méthode CPDQ Infra.

Voilà pourquoi il est important de discuter de ces deux projets durant la campagne fédérale. Et ce n’est pas de l’ingérence fédérale dans les dossiers du Québec : quand on demande une contribution du gouvernement fédéral, il est normal qu’il y ait un débat public sur l’opportunité de dépenser les fonds publics.

Mais si ce débat doit survenir pendant cette campagne électorale, il faudra que ce soient les citoyens qui le provoquent, parce que nos partis politiques ont soit tout décidé d’avance et ne croient pas à la nécessité d’un débat public, soit ils ont peur de toucher à un dossier controversé, surtout en ce qui concerne le troisième lien.

Ainsi, le Bloc québécois s’est d’abord déclaré neutre dans le dossier du troisième lien. Son chef, Yves-François Blanchet, a même déclaré qu’il « n’a pas à avoir d’opinion dans ce dossier ». Mais mardi, il se disait « convaincu que le projet pouvait avoir un potentiel écologique ».

On comprend que, pour le Bloc québécois, c’est une situation délicate qui risque de mécontenter certains de leurs électeurs potentiels. Mais ce faisant, il se trouve à abandonner sa responsabilité comme élu. C’est comme dire que les députés du Québec à Ottawa n’auront rien à dire dès que le gouvernement du Québec fait une demande, quelle qu’elle soit.

Pour le moment, les libéraux se tiennent loin du dossier. Le président du Conseil du trésor et député de Québec, Jean-Yves Duclos, a dit avant le début de la campagne électorale qu’Ottawa pourrait contribuer au troisième lien, mais seulement à la portion touchant les transports en commun.

On sait que les conservateurs sont pour le projet – ce qui, compte tenu de la composition de leur caucus québécois, n’est guère étonnant – et que le NPD s’y oppose pour des raisons environnementales.

Mais il n’y a pas de débat public sur les projets eux-mêmes. Sur le troisième lien, le débat n’a jamais été fait sur l’opportunité d’un tunnel qui pourrait coûter, à terme, 10 milliards de dollars et qui, quoi qu’on en dise, est un véritable encouragement à l’étalement urbain.

Sur le REM de l’Est, on n’entend pas un mot sur un projet qui pourrait défigurer le centre-ville de Montréal et la rue Sherbrooke Est parce que son promoteur refuse d’envisager les solutions qu’il est pourtant prêt à accepter pour son SkyTrain de Vancouver.

Mais le temps de tenir ce débat est maintenant. Parce qu’il est évident que le gouvernement et CDPQ Infra jouent la carte du fait accompli et qu’il serait bientôt trop tard pour reculer dans un projet aussi avancé.

1. Lisez le texte de Maxime Bergeron Qu’en pensez-vous ? Exprimez votre opinion