Contraint, jeudi, d'exiger la démission de Simon Bédard, son candidat dans Québec, Stéphane Dion vient d'éliminer une autre recrue, Ricardo Lopez, dans Beauharnois-Salaberry.

La nouvelle n'a pas fait de bruit parce que les libéraux ont très discrètement rayé le nom de ce candidat. Ils croyaient apparemment que personne ne s'en rendrait compte. Quand ça va mal...

Ricardo Lopez, ancien député conservateur de Châteauguay de 1984 à 1993, durant les années Mulroney, s'est aussi présenté pour l'Alliance canadienne de Stockwell Day en 2000 avant de devenir libéral, cette année.

Il a laissé sa marque en politique en suggérant d'abolir l'aide sociale aux personnes aptes au travail et de déporter les autochtones au Labrador. Il a aussi voté en faveur de l'interdiction de l'avortement.

Qu'un personnage comme celui-là se retrouve dans les rangs libéraux démontre à quel point le recrutement de candidats a été ardu. C'est à croire que le PLC a pigé dans les restes de la dernière campagne de l'ADQ.

Au PLC-Québec la ligne officielle était hier que M. Lopez n'a jamais été candidat. Son nom figurait pourtant jusqu'à jeudi sur le site du PLC. Des sources m'ont indiqué que le gênant candidat a été remercié parce que La Presse avait révélé mercredi son passé controversé.

Difficile de croire que ce parti a régné en maître absolu à Ottawa pendant 13 ans et qu'il a remporté la pluralité des voix au Québec en 2000, avec 36 députés.

Commentant l'affaire Simon Bédard, jeudi, Stephen Harper a tourné le fer dans la plaie et affirmé que des candidats aussi douteux sont la preuve flagrante de la faiblesse des libéraux au Québec.

Le chef conservateur n'a pas tort. Il sait de quoi il parle : son propre parti était lui-même dans cette situation il y a quelques années et commence à peine à s'en sortir. Et M. Harper déteste tellement les libéraux (ce n'est pas un cliché, il les déteste vraiment), ne comptez pas sur lui pour verser une larme sur le triste sort de Stéphane Dion.

Pour les conservateurs, les libéraux ne comptent plus au Québec, point. «On a entendu parler de l'histoire de Lopez dans Beauharnois-Salaberry. Mais franchement, les libéraux, on ne s'en occupe pas ; on se concentre sur le Bloc», a expliqué hier après-midi un stratège conservateur.

L'écrasement des rouges profite aux bleus, c'est évident, mais dans quelle mesure? Si vous avez la réponse aujourd'hui à cette question, vous pouvez remplir dès maintenant votre pool électoral pour le Québec, avec de très bonnes chances de rafler la mise.

Les conservateurs vont mieux, c'est frappant pour qui les suit depuis la débâcle de 1993. Premièrement, les candidats ne sont plus gênés d'être conservateurs ; ils ne se sentent plus obligés de faire de l'autodérision pour expliquer leur allégeance.

Ensuite, les locaux électoraux sont prêts et bien organisés dans certains secteurs, comme Laval, alors que les trois autres principaux partis sont toujours invisibles, six jours après le début de la campagne.

Mercredi soir, dans la circonscription de Laval, le candidat Jean-Pierre Bélisle (ancien député libéral provincial de l'époque Bourassa) a lancé sa campagne devant environ 80 personnes. Un tel lancement aurait été inimaginable il y a deux ans à peine.

À Saint-Eustache, jeudi après-midi, environ 300 personnes ont accueilli Stephen Harper et le candidat conservateur dans Rivière-des-Mille-Îles, Claude Carignan.

Les partisans de MM. Bélisle et Carignan viennent surtout de l'ADQ, mais on trouve aussi des libéraux provinciaux, d'anciens libéraux fédéraux et des bloquistes désabusés.

On ne peut pas parler d'une lame de fond qui risque de tout emporter, certes, mais les conservateurs sont de retour, c'est indéniable.

Sur le terrain, on sent quelque chose chez les conservateurs, un renouveau modeste, mais tangible. Certains conservateurs rencontrés cette semaine se mettent même à rêver, timidement, d'un mouvement comme celui de 1984.

Ils n'en sont pas là, tant s'en faut. En 1984, ils avaient raflé 58 sièges avec 50% des voix. Ils avaient un certain Brian Mulroney à leur tête et, surtout, ils n'avaient pas le Bloc québécois dans les pattes.

La plus grande différence avec 1997, 2000, 2004 et même 2006, c'est l'argent. Les coffres débordent et les conservateurs mettront toute la gomme dans la vingtaine de circonscriptions considérées comme «prenables».

Il leur aura fallu 15 ans pour faire le vide, pour repartir sur des bases neuves, pour éliminer du paysage les gens trop liés aux pires années du gouvernement Mulroney et effacer ces mauvais souvenirs.

C'est peut-être ce qui attend les libéraux : une disette d'une quinzaine d'années pour faire le ménage des commandites, pour tourner la page sur les querelles intestines et pour se renouveler.

Ce qui ne veut pas dire que tout baigne dans l'huile partout pour les conservateurs. S'ils ont des candidats de calibre et une organisation digne de ce nom dans de nombreuses circonscriptions, ils restent profondément désorganisés dans plusieurs autres.

Un ancien candidat de l'ADQ aux dernières élections provinciales, organisateur actif et recherché, m'a raconté cette semaine qu'il avait été pressenti récemment par six candidats conservateurs afin de travailler à leur campagne.

«Nous avons de bonnes chances dans quelques circonscriptions du 450, sur la rive Nord et dans le centre du Québec, mais ailleurs, le Bloc reste très fort», admet cet organisateur.

Reste aussi le problème de Montréal. Le plus grand espoir des conservateurs repose sur Michael Fortier dans Vaudreuil-Soulanges, mais c'est loin d'être gagné.

Ailleurs dans l'île, niet. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais le recrutement de vedettes n'a rien donné pour les conservateurs. Ils ont notamment tenté, en vain, de convaincre Luis Maranda et l'ancien député libéral provincial Jean-Claude Gobé de se présenter dans Honoré-Mercier.

Les bleus reviennent de loin, au Québec, et la reconstruction prendra encore du temps. Surtout que la relation avec le chef reste froide et distante.

En parlant aux conservateurs cette semaine, ce qui frappait, c'est qu'ils n'aiment pas particulièrement Stephen Harper. En fait, ils ne le connaissent pas. On peut parler de respect, soit, mais certainement pas d'attachement.