Un 97e soldat canadien est mort en Afghanistan, dimanche. Il s'appelait Scott Shipway. Cela étant dit, va-t-il faire beau demain?

Mais qu'est-ce que je fais là, à parler de météo, alors qu'il s'agit de la mort d'un soldat?

C'est juste que tous ces morts, on s'y est fait. Nous sommes engourdis. Vaccinés.

La nouvelle de la mort de soldats canadiens aux mains de talibans est jouée après celles de la listériose et avant le bulletin de météo.

La mort de «nos» soldats? Ce n'est pas qu'on s'en fiche. Nous sommes indifférents.

Indifférents, oui. Rappelez-vous, il y a un an et demi, environ. Avant le déploiement des gars (et des filles) du Royal 22e, on se disait que les Québécois seraient furieux, qu'ils se déchaîneraient contre Harper, quand «nos» soldats commenceraient, eux aussi, à mourir en Afghanistan.

Des soldats québécois sont morts, en effet. Je cherche encore la révolte.

J'ai l'air de vous reprocher cette indifférence. Ce n'est pas le cas. Je suis tout aussi engourdi, tout aussi vacciné, tout aussi détaché que vous du conflit afghan. Et de ses morts. De nos morts.

Oui, il y a des exceptions. À Québec, par exemple, la chose militaire n'est pas une abstraction. Avec Valcartier, les soldats, on les connaît. Bien plus qu'ici, à Montréal. Bien plus qu'ailleurs dans la province.

Et ce n'est pas un antimilitariste qui vous parle. Ce n'est pas un anti-mission-en-Afghanistan qui vous dit ça. Je suis sûr qu'une victoire militaire est impossible en Afghanistan. Pourtant, bizarrement, je suis sûr que l'Occident doit, au moins, essayer de pacifier ce pays qui a servi de base aux architectes des attentats de 2001. Nous avons débarqué là avec nos missiles, nos chars d'assaut et nos grandioses promesses de démocratie; eh bien! il faut les tenir, maintenant, ces promesses.

Pourquoi sommes-nous indifférents, au fait?

Je me disais que c'est probablement parce que le soldat moderne, en Occident, est un professionnel. Donc, la guerre, logiquement, apparaît sur son radar, quand il s'enrôle. On ne parle pas, ici, d'un conscrit. Le soldat canadien (ou français, ou américain) n'est pas en Afghanistan parce que le tirage au sort en a fait un conscrit.

Le soldat canadien a choisi d'être soldat. Fatalement, quand ton métier, c'est la guerre, à un moment donné, tu risques d'y passer.

Donc, je me disais qu'une partie de l'indifférence vient du fait qu'il est difficile de s'émouvoir de la mort, même tragique, même violente, d'hommes et de femmes qui ont choisi de faire la guerre.

Je croyais que notre relative indifférence collective venait de ce choix; un choix fait sans contrainte, sans menace, sans arbitraire.

Mais c'est pas ça. Enfin, c'est pas juste ça. Parce qu'en Ontario, les Ontariens savent tout autant que les Québécois que nos soldats ont fait le choix d'entrer dans l'armée. Et, pourtant, leur réaction est à des années-lumière de la nôtre. On parle d'un autre univers.

J'ai compris ça, l'autre jour, en lisant le Globe and Mail.

Christie Blatchford, une «columnist» qui est allée quelques fois en Afghanistan, a suivi, la semaine passée, le cortège funéraire transportant les cercueils de trois soldats, entre la base de Trenton et Toronto.

Blatchford raconte que dans les petites villes, le long de la 401, de Port Hope à Pickering, il y a désormais un rituel, quand le cortège transportant des soldats morts en Afghanistan s'apprête à passer, en route vers le bureau du coroner, à Toronto.

«Des camions de pompiers s'immobilisent sur les ponts. La circulation s'arrête. Sur les chemins longeant l'autoroute, les gens stationnent et vont prendre place sur les ponts surplombant la 401, afin d'être vus (du cortège). Des bannières et des drapeaux usés sont attachés aux viaducs, pour qu'ils soient vus, eux aussi.»

Imaginez ça, ici. Impossible, ou presque.

Les Ontariens qui s'agglutinent le long de la 401 saluent le sacrifice ultime de ces soldats, ainsi que leurs familles, assises, en deuil, dans les voitures noires du cortège. Mais ils saluent, aussi, le pays. Leur pays.

Ai-je dit, en parlant de la réaction des Ontariens, qu'on parle d'un autre univers? Pardon. Je voulais dire un autre pays.

Ça explique, peut-être, notre indifférence, face aux soldats qui meurent en Afghanistan. Indifférence qui est la proche cousine de notre détachement face à ce pays.

Au fait, Mats Sundin a-t-il signé avec le Canadien?

Harper = Bush = Dawson

Note de service à Gilles Duceppe: autant Jan Wong avait salement tort de lier les tueries de Polytechnique, Concordia et Dawson à la loi 101, autant vous avez tort de lier, même implicitement, les conservateurs à des tragédies du genre. On comprend où vous voulez en venir, sauf que c'est trop, c'est beaucoup trop. Trop démago.

Vous êtes chanceux, au fait, de ne pas avoir été crucifié quand vous l'avez lancée, celle-là. Quelqu'un priait pour vous, c'est clair. La fille de l'Opus Dei qui se présente pour Harper, peut-être?

Justin Gratton

Ça ne s'invente pas. Justin Trudeau, candidat libéral dans Papineau, fixe la caméra pendant plus de quatre minutes, dans une vidéo publiée sur son site web. Et il parle bilingue. Dans le sens où il passe de l'anglais au français, du français à l'anglais.

Il ne dit pas les mêmes choses dans les deux langues, remarquez. Il faut comprendre le français et l'anglais pour saisir tout ce qu'il dit. Le résultat est... bizarre. Ça tient un peu, aussi, à l'intensité qui brûle dans le regard du fils de l'ancien premier ministre. Une intensité sans commune mesure avec la banalité du propos, that I'll qualify charitablement as pas vraiment groundbreaking.

Mais M. Trudeau semble très, très content de lui-même. J'imagine que c'est tout ce qui compte.

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