Drôle d'été que celui qu'a passé Stéphane Dion. Parti en croisade par monts et par vaux pour vendre sa bible verte au bon peuple, le chef libéral fut soudain, en juillet, frappé d'une illumination. Il sentait partout, disait-il, un immense appétit pour des élections.

La chose avait échappé au commun des mortels, mais à en croire M. Dion, autour des piscines et des barbecues, les Canadiens, loin de s'intéresser au temps ou aux Jeux olympiques, ne rêvaient que d'élections. Cet étrange mirage a poussé un commentateur anglophone, paraphrasant Shakespeare, à parler du «Midsummer night's dream» de Stéphane Dion.

Après ce songe d'une nuit d'été, M. Dion aurait dû se réjouir de voir le premier ministre Harper annoncer la tenue d'élections prochaines. Mais le chef libéral a maintenant l'air furieux. On le comprend, remarquez, compte tenu des sondages, de vouloir encore retarder l'échéance. Mais enfin, après avoir raté pendant un an toutes les occasions de renverser le gouvernement, il était assez piquant de voir M. Dion souhaiter des élections cet été au moment même où le gouvernement ne pouvait être renversé puisque le Parlement avait fermé ses portes!

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Cheminement inédit: voici un chef politique qui «promet» aux électeurs une hausse de taxe - au moment même où tous les consommateurs pestent contre la hausse des prix!

Vous me direz qu'il y a bien d'autres choses dans ce plan vert, notamment de nobles appels au sacrifice personnel en vue d'un idéal planétaire, et l'assurance que cette hausse de taxe sera suivie de divers cadeaux fiscaux. Le problème est que personne ne se retrouve dans le plan vert de M. Dion. Même les spécialistes de l'environnement se grattent la tête, alors imaginez les gens ordinaires.

Résultat de la croisade estivale de M. Dion? L'opposition à son Tournant vert a monté de neuf points. Apparemment, plus M. Dion en parle, plus les gens se rebiffent, à moins que ce ne soit parce que le message est confus.

Pire, un récent sondage réalisé pour le Globe and Mail et CTV montre que loin d'apparaître comme le champion incontesté de l'environnement - c'est pourtant la cause à laquelle il a tout fait pour s'identifier -, M. Dion se trouve, à ce chapitre, à peu près au même niveau que M. Harper (trois points les séparent, soit l'équivalent de la marge d'erreur), et clairement distancé par M. Layton, qui n'a même pas fait de l'environnement sa première priorité!

Résultat d'une autre erreur stratégique: au lieu d'inciter les électeurs sensibles à l'environnement à se rallier au Parti libéral, M. Dion s'est accroché aux basques du minuscule Parti vert, en décidant de ne pas présenter de candidat contre sa chef Elizabeth May.

Le voici doublement le dindon de la farce: non seulement cette alliance ne lui a-t-elle rien rapporté (imaginez, en échange, il n'aura pas de candidat vert dans sa circonscription hyper-rouge!), mais elle aura servi à faire mousser la popularité d'une formation qui risque d'enlever des voix aux libéraux!

Décidément masochiste, M. Dion n'a pas répondu aux appels du pied du député britanno-colombien Blair Wilson, qui souhaitait revenir au bercail, après avoir été exclu du caucus libéral pour atteinte à la loi électorale puis ultérieurement blanchi par le directeur des élections. Dépité, M. Wilson s'en est allé chez les verts, qui viennent de gagner un premier siège aux Communes aux dépens du PLC!

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Si l'été a été dur pour Stéphane Dion, l'automne risque de l'être encore plus, particulièrement dans sa province natale. Selon un sondage Léger Marketing, les libéraux sont à la veille d'y subir la raclée de tous les temps.

Alors que le Bloc et le Parti conservateur sont désormais à égalité, à 30%, les libéraux traînent la patte avec 23% d'appuis. Un chiffre trompeur, en regard du fait qu'une énorme masse de votes libéraux est concentrée dans quelques circonscriptions montréalaises à forte proportion anglophone.

Les conservateurs progressent dans le 450 et sont en train de balayer la grande région de Québec, où le PLC est en troisième place, avec 11% des voix. Les libéraux ont même renoncé à reprendre leur ancien bastion d'Outremont, où ils n'ont toujours pas de porte-couleur. C'est tout dire.