«Savez-vous quelle est la différence entre une hockey mom et un pittbull?» a demandé Sarah Palin a son très vaste auditoire.

- «La hockey mom porte du rouge à lèvres.»

Les Américains attendaient peut-être un grand discours vice-présidentiel de la part de Mme Palin pour que celle-ci puisse convaincre tout le monde de sa stature digne de la Maison-Blanche.

À la place, ils ont eu droit à un discours absolument divertissant, d'une mère de famille maîtrisant aisément l'autodérision pour se rendre sympathique. Et maîtrisant habilement aussi cette image maternelle de celle qui en a vu de toutes les couleurs - elle a cinq enfants dont une ado enceinte, un fils partant à la guerre et un bébé trisomique - pour projeter une image de force à la fois, sage, rassurante mais motivante, comme si soudainement le téléroman américain s'appelait Maman a raison.

Si Obama a convaincu les foules en les émouvant, Palin sera-t-elle celle qui fera rire le ticket républicain jusqu'à Washington? En les emmenant dans sa fourgonnette?

Mme Palin n'a pas que parlé de ses origines de petite ville de campagne, de son mari col bleu, du fait qu'elle vient d'un État excentrique, loin des métropoles, un de ces États où les gens «font pousser notre nourriture, font fonctionner nos usines et se battent à nos guerres».

Elle a aussi parlé de politiques publiques. Elle s'est avancée sur le terrain de l'énergie, du terrorisme.

Celle qu'on surnommait Sarah Barracuda quand elle jouait au basket au secondaire a aussi a appuyé fortement et efficacement John McCain.

Mais il est clair que c'est l'image de mère de famille madame Tout-le-Monde qu'elle transporte comme une carte de visite, à côté de son fusil de chasse, qui fascine le plus. Et elle a joué cette carte admirablement.

Elle a même fait référence sans en parler à la grossesse de sa fille en disant que sa famille n'était pas parfaite, comme toutes les familles américaines moyennes, avec ses hauts et ses bas. Cela lui a valu des applaudissements nourris. Ça et plusieurs autres commentaires.

En fait, si on se fie à ce qu'on pouvait voir et entendre à la télé, la foule républicaine était emballée par cette forte personnalité et à mille lieues du cynisme des opérateurs républicains qui disent dans les coulisses que ce choix était désastreux. Mme Palin a été reçue avec un très grand enthousiasme.

Ce ne serait pas la première fois qu'on verrait un décalage entre la population et les stratèges. Entre la population et les médias.

Hier, on était rendu au point où même certains supporteurs de Clinton, donc démocrates, étaient outrés par l'attitude politique et médiatique à l'endroit de cette femme dont on doute des capacités de gestionnaire politique, notamment parce qu'elle a aussi cinq enfants à élever. «Jamais on ne demanderait de telles choses à un homme candidat», écrivait hier Howard Wolfson, ex-stratège d'Hillary Clinton, dans le New Republic.

Dans son discours devant la convention démocrate la semaine dernière, Michelle Obama, la femme de Barack, a dit qu'on lui avait appris à toujours respecter les gens avec qui elle était d'accord. Et ceux qui avec qui elle ne l'était pas.

La gouverneure de l'Alaska Sarah Palin a des opinions qui font grimper bien des gens dans les rideaux, en commençant par moi. Ce n'est pas une raison pour réduire sa candidature à une caricature.

On ne peut pas vouloir que les femmes avancent, mais pas toutes les femmes, seulement celles avec qui on est d'accord.