Un duplex sur la paisible rue Papineau à Sherbrooke. Nous cherchons Normand «Ti-Nomme» Dussault, ancien joueur du Canadien de Montréal (1947-51) et une gloire de l'Estrie.

Une dame qui travaille dans son grand jardin nous dit de monter, que son père est là. À la table de la cuisine, Ti-Nomme fait des mots croisés avec l'amour de sa vie, la belle Jeannine. Il aura 83 ans dans quelques jours, mais ses yeux et son sourire sont tout à fait espiègles.

«Je mesure 5'6 et je pesais 150 livres à l'époque. Mais je ne me laissais pas baver. Quand un adversaire me menaçait, je lui disais de m'essayer. Try me! Émile Bouchard venait souvent me défendre.»

Ti-Nomme demande à Jeannine de rester près de nous, parce qu'elle a une meilleure mémoire que lui. Elle l'appelle papa. Ils aiment bien rigoler tous les deux. Je pense qu'ils s'aiment beaucoup aussi.

À la fin des années 40, le Canadien n'était pas encore glorieux, mais sur le point de l'être. L'équipe qui devait remporter cinq Coupes Stanley de suite – un record toujours inégalé – se formait lentement.

Apparaît une vieille photo, de celles qui s'étiraient en largeur. «Dick Irvin était notre entraîneur et Bill Durnan notre gardien. Voici Butch Bouchard, Maurice Richard, Elmer Lach, Doug Harvey, Hal Laycoe, Kenny Reardon, Rip Riopelle. Roger Léger, Billy Reay...

«Quand Toe Blake s'est blessé, je l'ai remplacé sur la Punch Line avec Maurice et Elmer Lach. J'ai des passes sur plusieurs buts de Maurice.

«Je jouais pour les Tigres de Victoriaville, j'avais 22 ans, j'étais rapide et le Canadien m'a accordé un essai de trois parties. Ça s'est bien passé, je suis resté quatre ans. À ma meilleure saison, j'ai amassé 13 buts et 24 passes.

«Le Rocket était tough. Un vrai dur. On passait beaucoup de temps dans des trains à l'époque et lui et Kenny Reardon avaient un jeu. Chacun prenait les cheveux de l'autre avec ses deux mains et ils jouaient à qui jetterait l'autre par terre...

«Je gagnais 7000$ à ma première saison et 8500$ à la quatrième. L'été, je jouais au baseball dans la Ligue senior. J'ai toujours gagné ma vie dans le sport. Je n'avais pas besoin d'un autre travail. Dans le baseball, j'ai connu Roland Gladu, Stan Bréard, Paul Martin...

«Un soir à Toronto, contre les Maple Leafs, nous avions besoin d'une victoire pour bien nous placer dans les séries. Dick Irvin a promis un bill de 100$ à celui qui nous ferait gagner. J'ai compté le but gagnant à deux minutes de la fin et j'ai donné une part du 100$ à mes deux coéquipiers de trio.»

Après le Canadien, Ti-Nomme a pris le chemin de Rouyn. Jeannine lève les yeux. «La rue principale n'était pas pavée... Et les gens étaient violents. Il y avait toujours des bagarres dans les clubs», dit-elle. Mais Suzy, la voisine d'en bas, est née à Rouyn. La petite famille s'est ensuite transportée à Chicoutimi.

Jeannine raconte: «Les plus belles années de notre vie, plus belles encore qu'à Montréal à l'hôtel Lloyd's. On avait une bonne équipe, les Saguenéens, et on a gagné le championnat senior du Québec. On ne manquait pas d'argent, on vivait bien, on avait de bons amis parmi les joueurs, Lenny Moore, Marius Groleau, Pete Taillefer, Jean-Paul Lamirande»

Ti-Nomme enchaîne: «Roland Hébert était l'entraîneur, un bon gars, et nous avions une Pontiac de l'année. Notre fils Denis est né à Chicoutimi.»

Normand Dussault, lui, est né à Springfield au Massachusetts à l'époque où bien des Québécois allaient gagner leur vie en Nouvelle-Angleterre. «Mon père livrait la glace à Springfield. On est déménagés à Sherbrooke quand j'avais 2 ans...»

Quatre-vingts ans plus tard, il regarde tous les matchs du Canadien et se rend au Centre Bell «trois ou quatre fois» par année.

«Aujourd'hui, avec 30 équipes, il y a quelques vedettes et la plupart des autres ont de la misère à faire une passe comme il faut.»

Pour le reste, Ti-Nomme joue au golf et marche beaucoup

«Je suis membre à vie du club Milby. Des fois, j'amène le chien de ma fille au terrain de golf et on ramasse des balles. Ça nous tient en forme.»

Plus ça change...

Vous avez peut-être deviné, la chronique Du Revers a installé ses quartiers généraux en Estrie pour la semaine. Rue King, à Sherbrooke, pour être précis.

À Sherbrooke, ville de sportifs où il y a toujours du baseball senior et junior, beaucoup de sport étudiant aussi avec les deux universités et les deux cégeps.

Mais ça ne nous empêchera pas de vous surveiller du coin de l'oeil. On sait, par exemple, que ça brasse dans nos médias montréalais en vue de la saison du CH. Yvon Pednault qui passe de RDS à CKAC et TQS; Ron Ron Ron Fournier qui part de TVA et reste à CKAC le soir; Michel Bergeron, qui passe de 110%-aussi connu sous le nom de La planète des singes– à RDS... C'est un peu comme dans la LNH où on voit les DG et entraîneurs déménager d'un club à l'autre et servir les mêmes salades.

Plus ça change...

Au fait, il y aura encore des bagarres dans la LHJMQ l'hiver prochain.

Êtes-vous surpris?