Depuis une semaine, chaque jour amène son nouveau programme d'aide à la culture aboli par le gouvernement conservateur.

Il a d'abord été question des programmes PromArt et Routes commerciales, destinés au rayonnement de la culture canadienne à l'étranger. On a ensuite appris l'abandon du Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo et du Fonds des réseaux de recherche sur les nouveaux médias.

Aujourd'hui, ma collègue Nathaëlle Morissette nous informe que le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, le Programme du long métrage (volets éducation et accès) et le Programme de souvenirs de musique du ministère du Patrimoine vont aussi disparaître à la fin de la présente année financière.

Sept jours, sept abolitions de programmes. À ce rythme, si j'étais artiste, je songerais sérieusement à l'exil à Pékin (ou à me recycler dans l'extraction des sables bitumineux). On savait déjà, exemples probants à l'appui, que la culture comptait pour bien peu de choses aux yeux du gouvernement Harper. Mais se doutait-on qu'elle ne comptait pour rien du tout («fuck all», traduction libre de l'auteur)?

Devant le tollé provoqué dans les milieux culturels par ses plus récentes décisions sur le financement des arts, le gouvernement conservateur a réagi de deux façons.

Afin de justifier l'abandon du programme PromArt, qui aide des artistes canadiens à financer leurs tournées à l'étranger, le ministère des Affaires étrangères a orchestré une campagne médiatique ciblée (le fameux «spin»). À la veille d'élections partielles, il a voulu donner l'impression qu'il protégeait les intérêts du Canadien moyen, qui ne serait «pas fier» de voir que son argent contribue à certains projets artistiques «offensants» tels qu'une tournée du groupe Holy Fuck ou un voyage du documentariste Avi Lewis qui (mon Dieu!) travaille pour Al-Jazira. Un peu plus et le Canada finance les cours d'aquarelle de Ben Laden.

Ce discours réactionnaire trouve malheureusement un écho chez nombre d'électeurs de droite. On dira ce qu'on voudra des conservateurs, ils ont fait du racolage électoraliste un art. D'autant plus que la plupart des artistes ciblés par la fameuse note de service du PC (qui mentionne Holy Fuck, Lewis et quelques autres) disent avoir accepté la subvention de PromArt à l'invitation des autorités canadiennes.

L'autre façon de réagir du gouvernement est celle du ministère du Patrimoine canadien. À court de boucs émissaires aux noms vulgaires pour justifier ses décisions controversées, le Ministère a préféré, dans le cas des six autres programmes abolis, agir en catimini.

Du jour au lendemain, le site internet de Patrimoine canadien a informé en douce ses visiteurs que ses programmes ne seraient pas reconduits. C'est du reste la méthode qui a été utilisée pour mettre un terme aux activités de l'Observatoire culturel canadien l'an dernier.

Pas de communiqué, pas d'avis aux médias, à peine un coup de fil aux principaux intéressés. Vendredi dernier, par téléphone, l'Institut national de l'image et du son (INIS) a appris que son budget était amputé de près du quart. «On ne nous a donné aucune raison, aucune explication», m'a confié mardi son directeur des communications, Jean Hamel.

«Tout le monde est estomaqué. On ne comprend pas», m'a aussi dit mardi René Barsalo, de la Société des arts technologiques, qui estime que la contribution du gouvernement fédéral aux projets de recherche de la SAT, dont le rayonnement est mondial, passera l'an prochain de plus de 1 million à quelque 30 000 $.

Personne ne comprend. C'est normal. La ministre du Patrimoine canadien ne répond pas aux appels. J'ai tenté de la joindre hier sans succès. Son horaire est, dit-on, trop chargé pour qu'elle prenne la peine d'expliquer pourquoi les programmes de son Ministère disparaissent les uns après les autres, laissant en plan des centaines d'artistes et d'organismes qui comptent sur des millions de dollars de subventions pour assurer leur pérennité.

C'est vrai qu'elle est occupée, la ministre. Lundi, elle a annoncé un appui financier de 10 000 $ au volet artistique du troisième Festival Lorettain de l'Ancienne-Lorette. Qui a dit qu'elle ne faisait rien pour le rayonnement de la culture au pays?

Tôt ou tard, il faudra pourtant que Josée Verner abandonne son mutisme et fasse face à la musique. Les différents milieux culturels canadiens, et en particulier ceux du Québec, ne peuvent plus tolérer d'être (sous)-représentés par une ministre-marionnette visiblement plus soucieuse d'être nommée «l'employée de la semaine» que de défendre les intérêts d'une industrie que les conservateurs, mine de rien, tuent à petit feu.

Où est Josée Verner? Peut-être qu'elle prend des cours d'aquarelle avec Ben Laden...

Fuck (toujours)

Ma chronique de mardi - «Fuck (encore)» -, sur le même sujet, a suscité bien des réactions. À ceux qui se demandent pourquoi les artistes, plus que les ouvriers, les médecins ou les journalistes, devraient recevoir des subventions, je réponds ceci (collectivement et quitte à me répéter): sans subventions, il n'y aurait pas de cultures canadienne et québécoise. Sans subventions, il n'y aurait pas de cinématographie (très peu de films font leurs frais), pas de littérature (seulement une poignée d'auteurs vivent de leur plume), pas de théâtre, pas de danse, etc. Appliquer les règles économiques traditionnelles à la culture est un non-sens dans une société comme la nôtre. C'est une question de nombre. Le choix est simple: on subventionne notre culture, ou on se passe de culture. Que certains choisissent la deuxième option me sidère.