La signification de la libération d'Ingrid Betancourt et de 14 autres otages des FARC est donnée comme considérable. Pourtant, elle ne fait que confirmer ce qu'on subodorait déjà: même en Amérique latine où le vieux folklore guévarien demeure à la mode, la violence «révolutionnaire» ne peut survivre à sa transformation en entreprise mafieuse et à la haine qu'elle s'attire alors de la part du peuple qu'elle est censée «libérer».

Bien avant l'opération de mercredi, en effet, on savait déjà que les Forces armées révolutionnaires de Colombie étaient, à bien des points de vue, à l'agonie.

Leur cote d'amour chez les Colombiens était déjà tombée à moins de 5%. Elles ont été amputées de trois de leurs sept hauts dirigeants. En 2007, 3000 guérilleros ont déserté, de sorte que les effectifs des FARC n'atteignent même plus la moitié de ce qu'ils étaient. Cette grande évasion confirme que leurs outils de sécurité et de communication sont cassés.

Ne leur restent que deux respirateurs artificiels, mais de taille: les 700 otages qui sont toujours entre leurs mains et une fortune considérable tirée de différents rackets, surtout liés à la cocaïne.

De sorte que leur pouvoir de nuisance demeure important.

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En Amérique du Sud, l'opération militaire menée tout en douceur a été remarquée - même s'il existe déjà à son sujet une théorie du complot (israélien et américain, bien sûr!) voulant qu'il s'agisse d'une mise en scène; pour l'instant, cette théorie est, disons pauvrement documentée.

Si l'on suppose un continent bipolaire où le populiste vénézuélien Hugo Chavez et le «shérif» colombien Alvaro Uribe constituent des pôles opposés, le second vient de remporter une flamboyante victoire - que même Fidel Castro a saluée! Président depuis six ans et réélu en 2006 avec un appui populaire de 62%, puissamment soutenu par Washington, Uribe a adopté vis-à-vis des FARC une ligne dure, en effet dangereuse, qu'on lui a beaucoup reprochée (son prédécesseur, Andrés Pastrana, s'était enferré dans les compromis).

En fait, cette méthode n'a qu'une qualité: apparemment, elle fonctionne - contre les FARC, en tous cas, mais beaucoup moins en matière de lutte contre la drogue.

Pour autant, cela ne sort pas du pétrin la Colombie, minée par des décennies de banditisme et de violence politique, celle des FARC et celle des miliciens d'extrême droite, aujourd'hui largement désarmés en vertu d'ententes parfois assez équivoques.

La stratégie de riposte militaire adoptée par Uribe doit certainement se poursuivre mais, aussi efficace soit-elle, elle ne fera pas tout le travail. Un jour ou l'autre, il faudra bien négocier avec les derniers carrés de résistance des FARC, qui pourraient réclamer tout à la fois l'amnistie, une légitimité politique et un accès discret au tiroir-caisse de l'économie parallèle.

Dans un monde idéal, bien sûr, ils ne devraient rien obtenir de tout cela.

Mais ce n'est pas dans ce monde que l'on vit, en Colombie moins qu'ailleurs ce que sait pertinemment Alvaro Uribe, dont le passé montre la capacité à nager en eaux un peu troubles, lui aussi.