En suivant cette semaine la convention démocrate, qui a culminé avec le discours de Barack Obama dans un stade rempli, je me suis posé la question suivante : et si Denver était au Canada, quel parti aurait pu organiser un événement aussi grandiose?

La réponse est simple : aucun.

D'abord, aucun parti canadien n'aurait l'audace d'organiser une grande fête de ce genre. Aucun parti n'est assez équipé en charisme, en idées, en faiseurs d'image et en rédacteurs de discours pour y arriver. Aucun parti d'ici n'arrive à mobiliser une base militante aussi vaste et aussi active. Et, surtout, aucun parti n'en a les moyens, pas même les conservateurs, qui nagent dans le fric.

Bien sûr, tout est toujours plus gros aux États-Unis. Mais ramenons cela à des proportions canadiennes : divisons par 10, comme notre population. Quel parti pourrait déplacer 3000 personnes pendant une semaine dans une ville excentrée, rassembler 8000 personnes dans un stade pour écouter le discours du chef et attirer autant de téléspectateurs? Même réponse : aucun.

En écoutant Barack Obama, on se rend compte aussi, avec dépit, qu'aucun leader politique d'ici ne s'approche de ce tribun extraordinaire. Personne en ce moment et personne en vue non plus. C'est donc plus qu'un manque de charisme. C'est aussi un gouffre dans la relève.

Les derniers politiciens canadiens et québécois à avoir soulevé les foules ont été Pierre Trudeau, Brian Mulroney à ses heures, René Lévesque et Lucien Bouchard. Depuis, le vide.

Imaginez Stephen Harper ou Stéphane Dion prononcer un long discours comme l'a fait jeudi soir Barack Obama, jouer sur le patriotisme et détailler les grands pans de son programme. Zzzzzzzzzzzzzzzzzzz...

Gilles Duceppe ou Jack Layton ne feraient pas beaucoup mieux, même s'ils sont plus doués pour les discours.

Stéphane Dion peut très bien vous expliquer en long et en large son plan vert, dans le détail, de façon structurée et cohérente, intelligente même ; mais mettez ça en ondes, et c'est la plus sûre façon de faire chuter les cotes d'écoute aussi vite que les actions de Maple Leaf cette semaine.

Et si on remplaçait Stéphane Dion? Vous auriez Bob Rae ou Michael Ignatieff, ce qui n'est guère plus excitant. Remplacez Stephen Harper, et vous aurez Jim Prentice, Peter MacKay ou Bernard Lord.

Au Québec, c'est le néant aussi, côté relève. Prenez le PQ, un parti qui a besoin plus que les autres d'un leader convaincant et charismatique. Qui se prépare dans l'ombre de Pauline Marois? Bernard Drainville? François Legault?

Une autre différence fondamentale entre nos partis politiques et ceux des États-Unis rend impossible la tenue d'une immense love-in partisan comme celui que viennent de vivre les démocrates (et que vivront la semaine prochaine les républicains) : ici, les partis politiques renient systématiquement leurs chefs précédents.

Pour avoir une grande fête de la réconciliation et de l'unité, il faut que toutes les factions s'unissent. Vous voyez Jean Chrétien ou Paul Martin monter sur la scène du centre Bell pour encenser Stéphane Dion? Vous voyez Brian Mulroney (déclaré persona non grata par Stephen Harper) faire une apparition surprise au Air Canada Centre de Toronto pour venir vanter Stephen Harper? Ou Lucien Bouchard monter sur la scène du Métropolis pour faire l'accolade à Gilles Duceppe?

Seul le NPD pourrait organiser une telle fête avec ses anciens chefs Ed Broadbent, Alexa McDonough et Audrey McLaughlin. Dans tous les autres partis, la fête de famille se transformerait en mémorable séance de lavage de linge sale en public.

Le bonnet d'âne à l'ADQ

Il y a eu d'abord, il y a quelques mois, la fameuse citation du député adéquiste de Mirabel, François Desrochers, selon qui la qualité du français chez les jeunes a souffert depuis que « la grammaire, la syntaxe ont été abolites avec la réforme ». Ouille !

Puis, quelques semaines plus tard, le député de Shefford, François Bonnardel, s'est levé de son siège à l'Assemblée nationale pour exiger l'arrêt des publicités « propagandeuses » du premier ministre Charest.

À peu près à la même époque, le député de Saint-Maurice, Robert Deschamps, a diffusé un communiqué truffé d'une vingtaine de fautes qui appelait son parti l'«Association démocratique du Québec».

Puis, le député de Beauce-Nord, Janvier Grondin, nous a gratifiés cette semaine, à la radio de Radio-Canada, de cette perle : «J'vas vous donner une exemple beauceronne.» Remarquez, au moins il a fait l'accord : une exemple beauceronne!

On sait que les élus de l'ADQ se veulent proches du peuple et dénoncent les «élites». Mais serait-ce trop leur demander de faire un peu attention à la langue qui est, après tout, leur premier outil de travail? On peut être près des gens sans massacrer leur langue. D'autant que les élus ont, à ce chapitre, un devoir plus grand que leurs concitoyens.

Mario Dumont devrait peut-être instituer une dictée hebdomadaire obligatoire durant son caucus, dès le début de la prochaine session parlementaire.