Les Jeux olympiques commencent à peine et j'en ai déjà assez.

Assez de la surabondance d'information sur tout. Assez de la Chine aussi, à qui le Canada aurait dû trouver une façon de tirer la langue. Assez de me demander si on a raison d'être là. Assez, donc, de ces Jeux aveuglants qui prendront toute la place pendant deux semaines.

Sauf que, si le scénario se répète comme chaque fois que la flamme met le feu au sport, plus les jours vont passer, moins je serai exaspérée. En fait, je l'ai appris avec les années: les Jeux, j'aime ça à reculons, à rebours.

Plus capable d'en entendre parler avant même qu'une quelconque course soit lancée ou que quiconque ait plongé, je finis par fondre avec les jours qui passent, doucement séduite par la tristesse d'une contre-performance ou les larmes d'un triomphe arraché. Malgré les marathons des chaînes de télé, avec toutes leurs capsules 100% émotion, préemballées façon Walt Disney, je finis immanquablement par succomber à la fièvre. Les athlètes, bref, finissent par me toucher.

Ma résistance du début s'explique généralement par cette façon qu'a le sport de s'imposer sur la place publique sans se demander une seconde si on s'intéresse à lui. «Pardon, monsieur, pourriez-vous frapper avant d'entrer?» ai-je envie de dire.

«Très bien. Merci. Gardons une petite gêne quelques instants. Un peu de retenue. Vous disiez? Ah oui, ce jeune Kenyan qui courait nu-pieds dans son enfance...»

Et c'est ainsi que le sport finit pas me convaincre d'entrer dans cette conversation qui semble passionner le monde entier.

Les Jeux olympiques commencent et j'en ai déjà assez. Mais je sais que dans quelques jours, j'en serai carrément dopée, moi aussi. Et pas seulement à cause de tous ces petits romans hyperficelés hauts en émotions qui se joueront en actes mesurés au millième de seconde.

Les Jeux olympiques, c'est aussi une piqûre qui donne envie de bouger et d'entrer en compétition avec soi.

Dans mon cas, ça remonte loin. Je dirais que le tout a commencé en 1976, quand les Jeux ont eu lieu à Montréal. Comme des milliers de petites filles à l'époque, j'avais alors été ensorcelée par la gymnaste Nadia Comaneci, dont j'avais bu toutes les performances, bouche bée d'admiration. Et j'en ai fait, des rondades et des flic-flac en pensant à elle durant les mois et les années qui ont suivi! Dans le sous-sol, dans le gazon, au gym de l'école. Le jour où j'ai réussi ma première roue sur la poutre, c'est à elle que je pensais. Et aux Jeux olympiques.

J'étais là moi aussi.

Aujourd'hui, c'est la marathonienne Deena Kastor qui me convainc sans le savoir de mettre mes chaussures de course malgré la neige et la pluie.

Les Jeux, c'est aussi cette étincelle en image qui ouvre la porte et nous envoie jouer dehors. Qui nous donne envie d'avoir le même sourire Pepsodent qu'Annie Pelletier ou la noblesse de l'essoufflement du coureur Hicham El-Guerrouj.

Cette année, toutefois, cette contagieuse émotion olympique, celle qui s'impose à la ligne d'arrivée ou dans le regard d'un plongeur, devra trouver sa place dans un drôle de décor qui, vu d'ici ne semble rien exhaler. À part peut-être quelques relents de pollution.

On dirait qu'il fait un froid de canard, à Pékin. Un froid muet.

En regardant les images des stades spectaculaires qui ont été construits pour l'occasion, on a en effet l'impression de sentir l'ombre bétonnée d'un silence imposé. Et on se dit que, dans tant d'immensité, il en faudra, des athlètes qui s'accrochent à leur toutou en sanglotant au sommet du podium, et qu'il en faudra aussi, des parents et des entraîneurs en liesse, autres fous ayant oblitéré le sens des limites, pour nous faire frissonner.

Les Jeux olympiques commencent à peine. Voyons voir, cette fois-ci, où ils vont nous emmener.