Ça m'apprendra à écouter Pierre Foglia.

J'avais cru comprendre que mon éminent collègue connaissait l'athlétisme. Alors, quand il a suggéré que nous quittions le Nid d'oiseau pour rentrer au village, peu après le début de la finale du lancer du poids, je n'ai pas hésité à le suivre.

Grave erreur.

Vingt minutes de marche plus tard, nous étions rendus au centre de presse principal quand j'ai appelé le relationniste de l'équipe de natation pour une entrevue téléphonique prévue avec le grand patron de Natation Canada, Pierre Lafontaine. «Impossible pour l'instant, m'a-t-il dit. Son entrevue précédente, à la télé, est retardée à cause de ce qui se passe au stade.

- Euh c'est que j'en arrive, du stade. Il est arrivé quelque chose?

- T'es pas au courant? Dylan Armstrong est en position de gagner une médaille au lancer du poids!»

J'ai filé dare-dare au stade. Avez-vous déjà essayé de courir avec une quinzaine de kilos de matériel informatique et de paperasse en tout genre sur le dos? On devrait en faire une épreuve olympique, je serais champion.

Je suis arrivé trempé dans la zone d'entrevues, juste à temps pour apprendre qu'Armstrong - un nom prédestiné s'il en est un pour un lanceur de poids - avait finalement terminé au quatrième rang, son lancer de 21,04 m, réussi à son deuxième essai, le laissant à un minuscule centimètre du Biélorusse Andreï Mikhnevich. Encore raté pour la course à la médaille.

Difficile de trouver plus typiquement canadien qu'un athlète qui finit quatrième par un centimètre. Ce doit être pour ça qu'Armstrong, un colosse de 6'4 et 251livres originaire de Kamloops, en Colombie-Britannique, souriait quand il a rencontré les journalistes après coup. Un sourire résigné, mais un sourire quand même.

«Je suis content de ma performance, a-t-il dit. J'ai travaillé comme un forcené toute l'année, à raison de deux séances d'entraînement par jour, tous les jours. Je suis resté discipliné. J'ai fait beaucoup de sacrifices et, ce soir, je me suis prouvé à moi-même ce que je peux accomplir sur la scène internationale.»

Armstrong, 27 ans, avait la médaille de bronze en poche jusqu'à ce que l'Américain Christian Cantwell, champion du monde en titre à l'intérieur, réussisse 21,09 m à son sixième et dernier essai pour mettre la main sur la médaille d'argent et écarter le Canadien du podium. La médaille d'or est allée au Polonais Tomasz Majewski, auteur d'un jet de 21,51 m.

Le Canadien, dont le résultat d'hier améliore de 12 cm son ancien record national, a eu une dernière chance de revenir parmi les trois premiers, mais il a commis une faute et son ultime essai n'a pas compté. «Je ressentais beaucoup de pression, a dit Armstrong. C'est probablement quelque chose qui va m'habiter jusqu'à la fin de mes jours, mais je suis nouveau dans cette discipline (il a abandonné le marteau au profit du poids il y a trois ans et demi). J'ai probablement six bonnes années devant moi.»

Athlétisme Canada espérait qu'Armstrong, qui avait fini neuvième au Championnat du monde d'Osaka, en 2007, se classerait parmi les six premiers à Pékin. Sa quatrième place est le meilleur résultat canadien en athlétisme aux JO depuis les médailles d'or de Donovan Bailey au 100 m et du relais 4x100 m à Atlanta, en 1996. «N'importe quel athlète qui établit un record national aux Jeux olympiques a fait son travail, a dit le chef de la direction technique d'Athlétisme Canada, Martin Goulet. La plupart du temps, un lancer de 21 mètres est bon pour une médaille au Championnat du monde ou aux Jeux olympiques.»

Et Foglia, dites-vous? Il est parti se coucher. Je l'imite de ce pas.