L'événement de l'été ? Montréal-Nord, bien sûr. Ce n'est pas tous les jours que Montréal vit une émeute qui n'a rien à voir avec une victoire du Canadien, une vraie émeute «sociale», en fait.

On peut dire que bien des casseurs n'étaient pas de Montréal-Nord, comme le député fédéral du coin, Denis Coderre. On peut dire que c'est l'oeuvre de petits bandits organisés. On peut.

Mais on ne peut pas nier qu'il y a, dans ce secteur de Montréal-Nord, un problème. Les casseurs de ce dimanche soir n'étaient que la mèche reliée à un baril de poudre. Ce baril, c'est le terreau du secteur Pascal/Roland. Les trois balles qui ont tué Fredy Villanueva ? La proverbiale étincelle...

Et le problème, c'est quoi ?

Justement, il n'y a pas qu'UN seul pépin expliquant le baril de poudre. Il y en a des dizaines. Or, à écouter certains commentateurs, Montréal-Nord, problème multidimensionnel, serait un bien meilleur endroit si...

> Si on n'y comptait pas de policières de cinq pieds six pouces, que des armoires à glace.

> Si les parents haïtiens encadraient mieux leurs enfants.

> Si l'État encadrait mieux l'immigration.

> Si la pauvreté n'existait pas.

> Si la police faisait plus de prévention.

> Si les gangs de rue étaient combattus avec plus de ferveur.

> Si la police faisait plus répression.

> S'il y avait plus de parcs dans le secteur.

> Si la DPJ se mêlait de ses affaires.

> Si ...

Vous voyez où je veux en venir. Il n'a pas manqué de gens pour réduire ces troubles à UN facteur. Je les admire, c'est vraiment formidable de pouvoir circonscrire cet événement complexe à une seule variable. Ça fait de meilleurs commentaires sur les ondes, ça fait de meilleures lettres ouvertes dans les journaux, faut croire &

J'étais là, le soir de l'émeute. J'ai entendu les voitures personnelles des pompiers exploser. Et j'ai surtout entendu, après, les cris de joie de la foule, une foule composée de gens ordinaires, de gens du quartier, où j'étais, sur Arthur-Chevrier.

Ce sont ces cris-là qui disent à quel point la situation est complexe. Quand des mères et des pères de famille se réjouissent d'une casse semblable, c'est que le problème dépasse les gangs de rue, dépasse la pauvreté, dépasse la qualité du travail policier.

Quel est le problème, donc ?

Un peu tout ça. La réalité de la vie de nouvel immigrant dans un nouveau pays. La victimisation. La pauvreté. Des flics trop mous. La petite criminalité, qui devient plus grande. . Des flics trop durs. Le chômage. L'exiguïté des logements dans ce coin de la ville, même ! Un surplus de lunettes roses de la classe politique. La paranoïa de certains citoyens, pour qui chaque échec, chaque regard de travers, chaque geste d'un flic s'explique par le racisme>

Tout ça. Et, en même temps, bien plus. J'aimerais bien vous réduire ça à UN facteur, ça ferait une bien meilleure chronique du samedi, mais malheureusement, ce serait aussi un peu nono.

Justement, je sais que certains vont me traiter de nono pour ce que je vais décréter : les troubles de Montréal-Nord constituent l'histoire de l'été parce qu'ils révèlent, aussi, une importante non-histoire. Cette non-histoire, c'est à quel point Montréal est une ville sécuritaire. En général, je veux dire. Tous les indicateurs sont formels à ce sujet.

En ce dimanche soir enflammé, à Montréal-Nord, j'avais peur, bien sûr. La première fois que ça m'arrivait, je dois le dire.

Le lendemain, à l'épicerie, sur Pascal, non loin des camions de TVA et de RDI, les gens déconnaient. En tout cas, ils n'avaient pas l'impression de vivre dans le Bronx, eux. La caissière a dit : « Mon Dieu, si on les écoute, on va penser qu'on est à Bagdad ! » Éclat de rire général.

Morale de cette anecdote : c'est toujours pire à la télé.