Ça fait des mois que j'en rêve: le iPhone, objet de design chic, pratique et magique, qui se glisse si facilement dans une poche de jeans Diesel.

Ça fait des semaines que j'agace, O.K., que j'écoeure mon entourage avec le 11 juillet (c'est vendredi!), date où le géant Apple déversera enfin ses appareils électroniques au Canada, plus d'un an après avoir inondé le marché américain.

Bref, après avoir admiré ce joli bidule entre les mains bronzées d'une constellation de stars hollywoodiennes, j'en voulais un moi aussi. Tout de suite. Coûte que coûte. Imprimez les contrats. Je signe où?

Mais depuis que Rogers a divulgué sa grille de forfaits hors de prix pour l'utilisation du iPhone, fin juin, mes ardeurs technologiques et mon enthousiasme adolescent ont été refroidis, ralentis, puis complètement anéantis. Plus j'y réfléchis, moins j'ai le goût de cracher des centaines de dollars pour pianoter sur le téléphone-que-tous-les-gens-cool-rêvent-de-posséder.

Et je ne suis pas le seul à détecter de la friture désagréable sur la ligne. En début de soirée hier, environ 46 700 consommateurs potentiels avaient signé la pétition en ligne (ruinediPhone.com) qui dénonce les prix exorbitants imposés par Rogers à ses futurs clients canadiens.

«Le iPhone reste un produit cool, même si le côté nouveauté est un peu expiré. Mais au lieu de parler des belles caractéristiques du téléphone, on ne parle présentement que des plans de Rogers. C'est impressionnant d'avoir été capable de créer une aussi mauvaise couverture médiatique pour un produit aussi sexy», constate Philippe Le Roux, président de l'agence VDL2, qui se spécialise dans le marketing internet.

Entièrement d'accord. D'abord, pour effleurer l'écran tactile du iPhone, Rogers nous enchaîne à des contrats d'une durée de trois ans. Maintenant, faites le calcul. Avec le plan le moins coûteux (60 $ par mois), Rogers s'assure de puiser 2160 $ dans nos poches, en plus du coût de l'appareil, qu'Apple fabrique en deux versions de 199 $ (8Go) et 299 $ (16Go). Ajoutez à cette facture salée tous les frais de branchement, du service 911, les taxes et ka-ching!, entendez-vous le bruit des caisses enregistreuses qui rugissent chez Rogers?

«Dès que tu commences à te brancher sur le web avec le iPhone, la facture pour trois ans grimpe facilement à 5000 $. C'est monstrueux», note le publicitaire Philippe Le Roux.

Chez Rogers hier, deux porte-parole, une à Toronto et l'autre à Montréal, ont mécaniquement répété que les tarifs en vigueur convenaient parfaitement à «une utilisation optimale du iPhone».

Peut-être, mais pourquoi Rogers force-t-il les utilisateurs canadiens à débourser plus d'argent que leurs équivalents américains connectés chez AT&T? Mystère.

Le forfait à 60 $ par mois du torontois Rogers permet à son détenteur de parler 150 minutes la semaine (week-end et soirs illimités) et de manipuler 400 mégaoctets de données, soit l'équivalent du visionnement de 3100 pages web. Durée du contrat: trois ans.

Chez AT&T, à 69,99 $ par mois, le client américain placote 450 minutes la semaine (5000 minutes les soirs et week-ends) sans aucune limite pour l'envoi de courriels ou la consultation de sites web. Durée du contrat: deux ans. Toute une différence. Car ce n'est pas l'envoi ou la réception de textos qui coûte cher, mais bien le branchement à l'internet.

Partout dans le monde, les fans s'arrachent les nouveaux iPhone 3G. À New York, une file s'étire déjà devant l'immense boutique Apple de la 5e Avenue. En Angleterre, le système de réservations du fournisseur O2 a flanché en raison d'un engouement extrême pour le nouveau téléphone manufacturé par Apple. Il n'y a qu'ici où la sortie du iPhone 3G a été égratignée - merci Rogers -, ce qui a sans doute déplu à la branche canadienne du géant Apple.

Car l'entreprise dirigée par Steve Jobs véhicule une image très hip, très lisse, qui plaît généralement aux «early adopters», un terme publicitaire décrivant les consommateurs qui créent les modes et qui ont le plus haut taux d'influence dans les réseaux sociaux. En effarouchant cette clientèle précieuse, Apple se prive de millions en recettes.

C'est la première fois qu'un produit d'Apple suscite autant de grogne avant sa mise en marché. Pensez-vous qu'Apple apprécie tout ce tohu-bohu négatif? Deuxième mystère, car personne chez Apple n'a rappelé La Presse hier.

Vous ne pouvez pas acheter un iPhone 3G dans une boutique spécialisée et le brancher chez Telus ou Bell Mobilité, car Rogers en a décroché l'exclusivité canadienne. Il existe par contre un marché des ondes grises, où, en un tournemain, vous pouvez «débarrer» un iPhone acheté aux États-Unis et le connecter à un réseau comme Fido, par exemple.

Plus j'y pense, plus je trouve tentant le téléphone Instinct de Samsung, que les analystes ont surnommé «le iPhone Killer». Disponible chez Bell Mobilité à partir du 8 août, ce portable coûte 149,95 $, pour un contrat de trois ans, et ressemble beaucoup au iPhone d'Apple. L'avantage? Bell offre l'accès illimité au web pour seulement 10 $ par mois, en plus des frais généraux de parlotte.

Mais comme je ne jure que par mon MacBook et mon iPod Touch, j'hésite avant de couper les ponts avec le iPhone, dont le look me fait craquer.

Alors, irai-je m'en procurer un vendredi? Laissez-moi encore iPenser.