Ragaillardi sans doute par une réception somme toute assez positive de son Tournant vert et aussi par un premier sondage (un peu) encourageant depuis des mois, Stéphane Dion s'est lancé ces derniers jours à la pêche au gros (gros nom, s'entend), tentant de convaincre Philippe Couillard de se présenter pour le Parti libéral du Canada dans Outremont.

Ce scénario a peu de chances de se concrétiser (des sources fiables affirment que l'ancien ministre québécois de la Santé s'en va dans le secteur privé, et que la chose est planifiée depuis des semaines), mais le simple fait que Stéphane Dion prenne le téléphone pour inviter M. Couillard à se joindre à son équipe démontre une certaine confiance retrouvée.

Depuis quelque temps, on parle surtout des problèmes de recrutement des rouges fédéraux au Québec et une grosse prise comme Philippe Couillard aurait vraisemblablement un effet d'entraînement positif pour M. Dion.

Et puis avouez, juste pour le plaisir de faire un peu de politique-fiction, qu'un duel entre Thomas Mulcair du NPD et son ancien collègue ministre à Québec, Philippe Couillard pour les libéraux, rehausserait la joute de la prochaine campagne électorale.

Cela dit, même si les choses vont un peu mieux pour le Parti libéral, qui a fait un bond de six points de mai à juin selon CROP, son chef reste son plus grand handicap, toujours selon notre sondeur.

Le fait que les libéraux aient tant de mal à trouver une grosse pointure dans Outremont (perdu en 2007 au NPD lors d'une partielle) rappelle aux organisateurs libéraux qu'ils ne sont pas encore sortis du bois. Le défi s'annonce aussi grand dans Jeanne-Le Ber (ancienne circonscription de Liza Frulla), où le nom du comédien Daniel Pilon circule de nouveau dans les rangs libéraux.

Par ailleurs, de l'aveu même de certains organisateurs et députés libéraux, au moins trois circonscriptions libérales sont menacées en ce moment : Honoré-Mercier (Pablo Rodriguez), Hull-Aylmer (Marcel Proulx) et Laval-Les îles (Raymonde Folco). Le Bloc québécois pourrait se faufiler dans ces trois circonscriptions, mais il aurait besoin pour ce faire d'une performance honorable des conservateurs.

Même Westmount–Ville-Marie ne semble plus aussi rouge qu'avant. Par bravade ou par excès d'enthousiasme, le NPD affirme avoir en main des chiffres de sondage extrêmement encourageants. Le NPD dans Westmount ? Ça fait sourire, mais on souriait aussi les premières fois que l'on a évoqué une possible victoire du NPD dans Outremont. Toujours est-il que le parti de Jack Layton cherche activement un candidat vedette pour affronter le libéral Marc Garneau (non, ce ne sera pas Julius Grey, celui-ci a décliné).

Des élections partielles pourraient avoir lieu l'automne prochain dans Westmount–Ville-Marie (pour remplacer Lucienne Robillard) et dans Saint-Lambert (pour remplacer le bloquiste Maka Kotto, nouveau député péquiste dans Bourget). Le test sera important pour les libéraux.

La remontée dans les sondages, quoique trop récente pour être considérée comme une tendance, laisse croire aux libéraux qu'ils pourraient reprendre Papineau (avec Justin Trudeau) et peut-être aussi Brossard, Jeanne-Le Ber et La Prairie, tout en sécurisant les 11 petits sièges qu'il leur reste.

Dans les rangs libéraux, chose certaine, le moral est meilleur en ce début d'été qu'il ne l'était il y a six mois. Les conservateurs ont été empêtrés dans leurs «affaires» toute la dernière session et le Tournant vert présenté il y a deux semaines par M. Dion lui a permis, pour une rare fois, d'occuper le devant de la scène.

Les libéraux interrogés ces derniers jours sont unanimes à dire que le plan vert de leur chef est complexe (peut-être trop), audacieux (peut-être trop) et qu'il sera difficile à «vendre», mais pour la première fois depuis que Stéphane Dion dirige leur parti, ils ont au moins l'impression d'avoir quelque chose à «vendre».

La grande majorité des courriels de lecteurs reçus depuis deux semaines vont dans le même sens, saluant le courage (ou la témérité) du chef libéral, tout en notant les défauts de son plan vert.

Voici, juste pour donner le ton, un extrait d'un de ces courriels (signé Normand Champagne) :

«M. Marissal,

Lors de la course à la direction, j'étais, comme vous, convaincu que M. Dion n'avait pas l'étoffe d'un leader, de celui qui allait mobiliser les troupes. Sa très surprenante victoire m'avait d'abord «saisi». Puis, petit à petit, je me suis intéressé à ce politicien singulier. Bien qu'il soit un «nerd extrême», il demeure un des seuls (ou très rares) politiciens qui démontrent une intégrité à toutes épreuves (...).

Parce que je suis convaincu qu'il n'a aucun agenda caché, aucun lobbyiste à satisfaire et qu'il est le seul à avoir un projet qui dépasse le court terme, M. Dion, un Eliott Ness un peu téteux, mérite notre appui et notre patience.»

Un « nerd extrême » un «peu téteux», mais «intègre» et qui mérite notre patience... Avouez qu'on est loin de l'Obamania qui déferle sur les États-Unis...