Dans les chaumières de Los Angeles à New York, des milliers de téléspectateurs ont eu la banane sciée en apprenant que la série Mad Men - Mad quoi? - avait récolté 16 mises en nomination en prévision du prochain gala des prix Emmy, les Gémeaux de la télé américaine.

Comment une émission aussi confidentielle, relayée par une chaîne quasi inconnue (AMC), a-t-elle pu écraser des poids lourds comme Lost, Grey's Anatomy, CSI, Desperate Housewives et Heroes?

Une fois de plus, le fossé entre les goûts pointus des critiques télé (coucou!) et ceux du grand public (vous à la maison!) se creuse. De façon alarmante. Le Los Angeles Times a d'ailleurs publié un papier extrêmement bien fouillé sur cette fracture, loin de se guérir, entre les émissions chouchous des chroniqueurs et celles qui font vraiment grésiller les appareils BBM. Son titre: «Les succès télé que personne ne regarde».

Autrefois LE grand médium de masse, la télé d'aujourd'hui se cantonne dans des niches de plus en plus spécialisées. L'an dernier, la série Mad Men, dont les personnages évoluent dans une prestigieuse agence de publicité de Madison Avenue, au début des années 60, n'a intéressé, en moyenne, qu'un million d'Américains. Imaginez: un misérable million. C'est minuscule pour un pays aussi vaste et populeux. Tenez, La promesse de TVA a rassemblé plus de fidèles que Mad Men. Incroyable, non?

Malgré ses piètres performances à l'audimètre, Mad Men a joui d'une presse hyper favorable et remporté deux Golden Globe: un pour la meilleure série dramatique et l'autre ayant été attribué à Jon Hamm, son acteur principal. Jon qui? Jon Hamm. Un parfait inconnu.

Intrigué par ces hommes en colère, j'ai anxieusement attendu la sortie (1er juillet) du coffret DVD de la première saison. Verdict: c'est effectivement une série formidable, complexe et passionnante. Ça m'étonne que Mad Men n'ait pas ravi plus d'écoute. Ça m'étonne aussi que Tout sur moi et Les hauts et les bas de Sophie Paquin ne grappillent pas plus d'audience, mais bon, c'est un autre sujet de chronique.

Donc, Mad Men tourne autour du grand et mystérieux Don Draper (excellent Jon Hamm), cadre à l'agence de pub Sterling Cooper, à Manhattan. Marié à une ex-mannequin, propriétaire d'une cossue maison de banlieue et papa de deux adorables gamins, tout lui réussit - en apparence. Car plus les épisodes s'égrènent, plus Don révèle son côté sombre et torturé. Fascinant.

La reconstitution de la série - Mad Men démarre quelques mois avant l'élection de John F. Kennedy, en novembre 1960 - impressionne par son souci maniaque du détail. En enfilant les 13 épisodes à la chaîne, on a véritablement l'impression de revivre l'effervescence de cette époque faste, où c'était bien vu - et même encouragé - de fumer des cigarettes. Les militants antitabac fulmineront, car dans toutes les scènes, sans exception, un des personnages grille une clope au bureau, au resto, chez le psy, dans le train et même dans le cabinet du médecin. Les temps ont bien changé. Heureusement.

En parallèle de la crise identitaire de Don Draper, Mad Men détaille l'ascension professionnelle de Peggy Olson (épatante Elisabeth Moss), une jeune secrétaire naïve, mais brillante, qui rêve d'abandonner sa dactylo pour pondre des slogans publicitaires. Comme ses collègues masculins, chose impensable à l'époque.

En plus des cendriers en verre soufflé, des soutiens-gorge en obus, des meubles aux lignes épurés et des jupes ballons, vestiges des années 60, Mad Men raconte, en filigrane, l'évolution de la société américaine, à l'aube de grands bouleversements sociaux. Un vent de libertinage souffle sur Sterling Cooper, une agence de Manhattan où les patrons aux moeurs légères enfilent les scotches à toute heure du jour et multiplient les conquêtes amoureuses. Dans cet univers très macho, on constate cependant que les femmes arrachent, ici et là, des parcelles de pouvoir auxquelles elles se cramponneront comme à une bouée. On sent aussi que le racisme galopant s'essouffle, laissant poindre un fort mouvement de tolérance. En ville, du moins.

En banlieue, où vit, dans une cage dorée, le personnage de Betty (January Jones), l'épouse de Don Draper, les mentalités n'évoluent pas aussi rapidement. Isolée, Betty s'emmerde royalement et passe ses après-midi à commérer avec ses voisines, ce qui confère une touche très Desperate Housewives à la série. Mad Men renferme également un soupçon de Sex and the City, car aux yeux de tous les protagonistes, Manhattan demeure le centre de l'univers.

La travaillante Peggy Olson, originaire de Brooklyn, résume parfaitement l'esprit de Mad Men en affirmant: «Oui, les gens de Manhattan sont mieux que nous, car ils rêvent à des choses qu'ils n'ont jamais vues».

Je lévite

Avec Mamma Mia. On s'entend tous là-dessus: cette comédie musicale ne récoltera pas d'Oscar pour sa réalisation chancelante et ses chanteurs/acteurs pas toujours solides (allô Pierce Brosnan). Reste que ce film joliment kitsch divertit et nous fait siffloter des vieux tubes d'Abba. C'est tout ce qu'on demande à une bluette d'été. Voulez-vous?

Je l'évite

Mike Ward. Le pire, c'est que le (soi-disant) comique se plaint maintenant que la controverse entourant sa blague déplacée sur Cedrika Provencher a ruiné ses vacances d'été. Hon. Pauvre petit! Une tournée à Moose Jaw, Flin Flon ou Saskatoon, ça te dirait mon Mike?