Avez-vous su pour Québec? Vous n'avez pas pu manquer ça. Tous les 400 ans, les médias montréalais s'intéressent à autre chose qu'à leur propre nombril. À chacun son émission spéciale sur Québec. On se déplace, sur place, voir les Papous (ce qui est déjà mieux que Paris-Match). En délégation. Toutes plateformes confondues. Photos des indigènes à l'appui. Touchant.

C'est à croire que Québec se trouve à l'autre bout de la planète, pas à l'autre bout de la 40. Si certains restaient sceptiques quant à la "montréalisation" de l'information, voilà qui ne laisse plus de doute possible.

Que tous les médias convergent simultanément, de manière aussi soutenue, sur Québec, ne confirme qu'une chose : nous sommes dans l'ordre de l'exceptionnel. Le 400e anniversaire de Québec a été souligné il y a une semaine exactement. Voyez comme on n'en parle plus, ou presque. Même dans les médias «nationaux», qui sont avant tout montréalais.

Trois journées de couverture intensive pour 362 autres où l'on ne traite Québec que sous l'angle de ses politiciens, en grande partie montréalais. Et pour dire quoi? Que Québec-la-jolie s'est refait une beauté (c'est vrai). Que ces célébrations du 400e, un temps annoncées comme le naufrage du Titanic, s'avèrent un réel succès (c'est vrai aussi). Que Robert Lepage est un petit génie (c'est indiscutable).

Tout le monde parle de Québec, alors je suis allé voir de quoi il en retourne. En mission spéciale, à mon tour, chez les Papous. Je n'y étais pas allé depuis au moins cinq ans. Je connais un peu Québec. J'y ai habité, étudié. Je m'y suis rendu régulièrement pendant sept ans. J'ai fait le tour du P'tit Champlain plus souvent qu'à mon tour.

Je m'en confesse. Jamais l'idée ne me serait venue d'aller faire un tour à Québec cet été. Je ne suis pas particulièrement attiré par les foules, ni les événements spéciaux. La perspective de me retrouver entouré de 200 000 personnes chantant Incognito avec Céline Dion ne m'enchante guère (c'est un euphémisme). Aussi, la programmation (musicale surtout) de ce 400e ne m'inspire pas plus qu'il faut. J'ai vu Leonard Cohen au Festival de jazz. Pourquoi irais-je voir Paul McCartney à Québec?

Comme l'ont souligné certains collègues à leurs risques et périls, il y a une ironie certaine à inviter un Anglais à venir chanter les louanges du 400e anniversaire du «berceau de la langue française en Amérique» (marque déposée) sur les plaines d'Abraham.

Ce qui me frappe surtout, ce sont certains choix artistiques discutables des organisateurs. Pas seulement McCartney qui, comme le soulignait mon collègue Patrick Lagacé la semaine dernière, n'a pas eu de hit depuis 25 ans. (Aparté. La carrière solo de McCartney a confirmé ce dont on se doutait depuis longtemps : le génie des Beatles, ce n'était pas Paul, mais Ringo, et personne d'autre. Fin de l'aparté). Pas seulement Macca, donc, mais surtout Van Halen.

Ce n'est pas parce qu'on a 400 ans qu'il faut fêter avec des has-been. J'ai vu Van Halen en concert, il y a quelques mois, au Centre Bell. Une pathétique démonstration de nostalgie, noyée dans une orgie de notes de guitare, qui m'a fait l'effet de faux ongles graffignant une ardoise.

David Lee Roth, ce vieux-beau, est devenu une grotesque caricature de la caricature de macho qu'il était déjà. On ne s'étonne pas que ce mercenaire du rock ait été incapable d'adresser une seule parole en français au public de Québec le jour même de son 400e anniversaire (il oublie régulièrement les paroles de ses propres chansons). Il est fort possible qu'il n'était même pas au fait de l'événement, ni du lieu où il se trouvait jeudi dernier. Il aurait dit «Good Night Boston!» que je n'aurais pas été surpris. À un certain âge, il y a des cellules qui se perdent...

Je me souviens pourtant qu'on nous avait promis jadis d'attirer pour ce 400e anniversaire des U2 et Coldplay de ce monde. Des artistes, qu'on les aime ou pas, qui sont encore pertinents en 2008. On ne peut en dire autant de Van Halen (à qui l'on a tout de même confié le «spectacle anniversaire») et de Paul McCartney, dont la dernière chanson mémorable a été écrite au moment où Wolfe plantait Montcalm. Comme l'aurait sans doute dit Jean Perron lorsqu'il était entraîneur des Nordiques, on est loin de la soupe aux lièvres.

Pourquoi alors, direz-vous, suis-je allé à Québec? Pour Le Moulin à images de Robert Lepage. Il vaut à lui seul le détour.