Une vue en kaléidoscope de la vie à Montréal. C'est ce que l'on vous propose avec la nouvelle série «Une journée à...» Cette semaine, notre chroniqueuse Rima Elkouri vous raconte sa journée au Stade olympique.

Une journée au Stade olympique. Pourquoi une journée au Stade, au juste? Pour savoir ce que les touristes vont y voir. Parce que, pour tout dire, il n'y a pas grand-chose à voir dans ce stade moribond, témoin d'une gloire passée.

Je me suis pointée là par une belle matinée ensoleillée. J'ai tout de suite acheté mon billet pour le funiculaire et la visite guidée. «Il y a une visite qui commence tout de suite. C'est en haut de l'escalier à gauche», m'a dit l'employée de la billetterie.

Je me suis dirigée vers le haut de l'escalier. Le guide, un étudiant cravaté qui connaît son stade sur le bout des ongles, m'attendait. «Vous êtes la seule pour la visite guidée.» La seule! Mais où sont les touristes? Les touristes ne se lèvent pas tôt. Dix heures, c'est encore l'aube, pour eux.

Comme le but de ma visite n'était pas tant de voir le Stade, que j'ai déjà vu, mais bien ceux qui vont encore le voir, j'ai décidé de repasser plus tard. Je me suis dirigée en attendant vers le funiculaire menant à l'observatoire du Stade, qui accueille quelque 250 000 touristes chaque année. L'observatoire est au sommet de la plus haute tour inclinée du monde, dit-on. Parce qu'il faut bien en dire quelque chose.

Il y avait là un groupe d'Américains âgés et leur guide. Ils avaient tous leur nom accroché au cou. Là-haut, ils s'amusaient à repérer les églises. L'un d'eux s'extasiait devant le Jardin botanique, qu'il croyait être un terrain de golf. Un groupe de Chinois, sans nom au cou, guidé par un jeune homme tenant bien haut un drapeau jaune, est arrivé. Le jeune homme parlait moitié chinois, moitié anglais. Il pointait son drapeau en direction d'une carte du Québec et en faisait une description géographique et sociopolitique expéditive. «Le Québec est la plus grande province du Canada. C'est une province qui veut être un pays.» Puis, il a pointé le fleuve Saint-Laurent sur la carte et dit: «Voici le fleuve Saint-Laurent.»

Le groupe l'écoutait distraitement. Il semblait plus intéressé à se faire prendre en photo. Un petit tour dans la boutique de souvenirs et hop! c'était déjà le temps de se mettre en rang pour retrouver le pied de la tour penchée.

J'ai vu arriver peu après un jeune couple de Parisiens, un guide Lonely Planet à la main. J'étais curieuse de savoir si c'était le guide qui leur recommandait chaudement cette visite. «Non, c'est des amis de Montréal qui nous ont dit de venir.» Les Montréalais envoient souvent leurs touristes au Stade mais n'y vont pas eux-mêmes (moins de 5% des visiteurs).

«C'est tellement vert!» s'est exclamée la jeune Parisienne, en embrassant la ville du regard. «C'est bien d'avoir une vue de haut. On voit bien le côté nord-américain. Le centre-ville et la banlieue tout autour», a ajouté son copain en montrant du doigt Hochelaga-Maisonneuve, à nos pieds.

- En fait, ce n'est pas la banlieue. C'est la ville. C'est Montréal...

- Oui, mais on a l'impression d'être en banlieue américaine."

À midi, je suis retournée pour la visite guidée. Je me suis jointe à un groupe d'une dizaine de touristes rassemblés autour d'une maquette du Stade, dans le hall. Le guide, amateur de baseball, a raconté l'histoire de ce drôle de stade dont la tour n'a même pas été terminée à temps pour les Jeux de 1976. Il a raconté Jean Drapeau, Nadia Comaneci, Roger Taillibert, le feuilleton du toit rétractable, le baseball. Nous sommes ensuite entrés dans le Stade vide. «Qu'est-ce que vous en faites, maintenant?» a demandé un touriste. Le guide lui a parlé d'expositions de tracteurs, du pape en 1984, de Pink Floyd et de U2. À la fin de la visite, une touriste en bottes de cow-boy roses a demandé à prendre une photo avec le guide.

À 13h, en bonne touriste d'un jour, je suis allée au restaurant de La Tour olympique, d'où émanait une forte odeur de friture. L'endroit était quasi désert. Le jeune employé qui m'a servie était fort sympathique. Mais le repas - un panino, qui était en fait un genre de sandwich mouillé - l'était un peu moins. Ça me semblait pourtant un choix plus sûr que le sandwich aux oeufs préemballé.

Quant à la terrasse, son cadre enchanteur offrait une vue sur un camion de livraison Pepsi et sur un chantier de construction au pied du Stade. Il y avait Patrick Bruel qui chantait à la radio Qui a le droit? Il était 13h. Des enfants sont arrivés. Ils étaient trois. Le premier en patins à roulettes et les deux autres à vélo. Ils sont entrés dans le hall pendant que celui en patins surveillait les vélos. «On habite à côté, rue Saint-Joseph. On est venu s'amuser ici. C'est tranquille.» Ses deux amis sont revenus avec trois pointes de pizza et des frites. «C'est toute brûlé, man! a lancé l'un des garçons.

- Au McDo, les frites ne sont pas comme ça!»

L'après-midi, c'était le calme plat. À la boutique de souvenirs, personne pour acheter tous ces petits bibelots de Stade olympique faits en Chine. Si jamais vous cherchez un taille-crayon en forme de stade, il y en a.

J'ai vu des sikhs en turban se faire prendre en photo devant le Stade. Mais ils étaient si près que c'était davantage une photo de turban. Des touristes suisses sont passés. «On va à la poutine, maintenant?» D'autres touristes asiatiques sont remontés dans leur autocar.

Quand je suis partie, le funiculaire amorçait une énième descente, tout doucement, telle une coccinelle sur le dos d'un éléphant. Devant le Biodôme, qui met en vedette jusqu'en novembre des primates du bout du monde, c'était beaucoup plus animé. Il y avait là une foule joyeuse. Le lémur catta de Madagascar est plus populaire que l'éléphant blanc de l'est de Montréal.