Tard un soir, j'ai été indisposé lors de la projection du dernier Batman dans un cinéma du centre-ville de Montréal. Non, ce n'est pas la médiocrité du scénario ou le mauvais jeu des acteurs qui m'ont affecté.

Évidemment, je n'ai pu m'empêcher de penser aux victimes de la tuerie d'Aurora, tués durant la projection de ce film l'été dernier. Comment ignorer cette tragédie en allant voir le dernier Batman de cette trilogie ayant inspiré cette folie?

Dès mon entrée, mon attention s'est plutôt portée sur un couple et quatre enfants. Confortablement installée au fond de la salle, une femme allaitait son bébé, accompagnée d'un homme et de trois autres tout-petits âgés d'environ 3 à 5 ans.

Je me suis alors remémoré le fils de mon ex-conjointe. Lorsqu'une nouvelle superproduction arrivait sur les écrans, son papa l'amenait immanquablement voir le film à l'affiche. Habituellement, quelques semaines plus tard, j'allais moi aussi découvrir ce film. À cette époque, à la fin de chaque projection, je ne pouvais m'empêcher de penser à mon jeune ami de 9 ans qui avait été soumis à toute cette violence préfabriquée par les artisans du septième art américain.

Tous ces films étaient réservés aux 13 ans et plus, comme ce dernier film de la série Batman.

Non, des enfants de moins de 5 ans n'ont pas leur place dans une salle de cinéma à haute teneur en violence. Moi-même, durant la projection, je me crispe dans mon siège! J'exagère? Attention, si vous pensez que l'intensité et la violence d'un tel film sont innocentes, détrompez-vous. Imaginez-vous dans la tête d'un enfant de 3 ou 4 ans dans une salle IMAX avec le son ambiophonique «dans le tapis». Les films comme The Dark Knight Rises sont sournois. La violence peut entrer dans la tête, le subconscient des spectateurs et peut potentiellement contribuer à créer chez certains esprits faibles ou malades des comportements tragiques, comme le geste irréparable posé à Aurora cet été. Après, on s'étonne que des drames comme celui d'Aurora surviennent!

Je me suis retourné à quelques reprises durant la projection pour apercevoir les enfants, en me disant à chaque fois que l'inscription réservée aux 13 ou 14 ans et plus ne valait pas grand-chose... L'important doit être de remplir la salle, qui d'ailleurs était presque vide ce soir-là.

Je suis sorti de la salle pour trouver un responsable. J'avais prestement besoin de réponses à mes questions. Personne à l'horizon. Très bien, poussons la note: j'appelle le 911! Curieux de voir ce que mes amis les protecteurs du citoyen en pensent, je demande au téléphoniste s'il est possible de porter plainte à l'endroit du cinéma en question. Il m'apprend qu'il appartient aux parents de juger, qu'on ne peut réprimander ou donner une contravention en un tel cas.

«Relaxe, me dit le chum qui m'accompagne, ça ne nous regarde pas.»

Si un film érotique avait été présenté dans ce cinéma, est-ce que cette famille aurait été tolérée dans la salle de projection? Non! Bien que le cul et la violence à l'écran soient deux pôles, ils se rejoignent tout de même dans une certaine mesure. Ce n'est pas parce que la violence à l'extrême est tolérée, voire même valorisée sur nos écrans, que l'on doit accepter dans les salles des enfants en si bas âge. Il y a des limites. Alors oui, je m'insurge.

L'impact des messages véhiculés, les images violentes, l'intensité stressante d'une superproduction d'action sont sous-estimés. La violence au cinéma, c'est pernicieux et bien mal compris dans notre société. Un enfant au début de sa vie, c'est un être qui commence à peine à capter et recevoir de l'information qui l'accompagnera pour le reste de ses jours. Information qui lui servira de base dans l'édification de sa personnalité.

Si on ferme les yeux sur ce type de non-sens, on finit par s'éloigner de l'homme et l'on devient des animaux.