Les exemples abondent, comme une pluie de faits qui tout en provoquant l'incrédulité, n'étonnent plus personne. La téléréalité, les vidéos gore sur YouTube ou d'autres sites peu orthodoxes, l'avidité pour les détails les plus horribles des faits divers, la popularité des scènes de violence - scènes «de la vraie vie», s'il vous plaît. De la fillette chinoise écrasée deux fois plutôt qu'une à l'affaire Magnotta, en passant par Loft Story ou le «besoin» de connaître tous les détails de la vie du cardiologue Guy Turcotte, on parle d'un seul et même phénomène: l'indécrottable voyeurisme humain.

Malheureusement, cela fait partie de ce genre de chose de la nature humaine dont on se dit que «bof, c'est comme ça et on n'y peut rien, pourquoi s'en empêcher?» Eh bien! Parions que nos ancêtres barbares qui se réjouissaient du massacre d'innocents par des lions dans la Rome antique, ou encore les bourreaux de la Seconde Guerre mondiale qui devaient trouver les moyens les plus «créatifs» de provoquer la souffrance humaine se disaient la même chose!

Mais jusqu'à quel point doit-on accepter notre part d'inhumanité comme étant humaine et acceptable? C'est ridicule! Vous trouvez que j'exagère en comparant le voyeurisme malsain au goût du sang? Pas du tout. C'est là la même nature régressive, la même bêtise qu'on ne devrait pas accepter. Ou plutôt qu'on devrait accepter pour pouvoir mieux la harnacher.

D'ailleurs, la psychanalyse explique le voyeurisme comme étant une manière d'exorciser notre crainte inconsciente de commettre ces gestes qu'on regarde. Comme si notre inconscient savait trop bien que la monstruosité (ou la stupidité, si on parle des «innocentes téléréalités») se trouvait tapie en nous et que par crainte qu'elle ne ressorte, on se nourrissait de ces images tantôt ignobles, tantôt simplement ridicules. Résultat? Une envie irrépressible de voir d'autres vivants souffrir: une femme lapidée au Pakistan, un étudiant démembré et agressé à Montréal, des chiens abattus pour garnir des assiettes de taudis chinois. L'humanité tout entière semble affublée du fantasme de se retrouver un jour Big Brother.

Alors qu'on court toute la journée après notre tête, que le monde semble régi par une énorme horloge dont les aiguilles égrainent inlassablement les minutes de nos journées trop courtes, combien d'heures passons-nous devant la télévision ou toutes sortes d'autres écrans à satisfaire ces envies morbides ou perverses? Car oui, c'est pervers.

Et comme la monstruosité est tapie en chaque être humain, même le meilleur, la perversité y est tout autant. Raison de plus de ne pas la laisser sortir et de résister à cet appel même si «tout le monde le fait». Car le nombre ne justifie jamais le geste, trop d'exemples le démontrent dans l'Histoire.