L'opinion de Caroline Marcotte intitulée «Le goût amer de l'indépendance», qui a été publiée le samedi 23 mars, a provoqué un flot de réactions chez nos lecteurs.

L'opinion de Caroline Marcotte intitulée « Le goût amer de l'indépendance », qui a été publiée le samedi 23 mars, a provoqué un flot de réactions chez nos lecteurs.

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La liberté de choisir

Je suis une fière représentante de la femme moderne. J'ai étudié à l'université. J'ai une carrière stimulante et enrichissante. Je suis autonome d'idées et financièrement. J'ai deux filles extraordinaires qui gagnent le coeur de tous ceux qu'elles côtoient. Et je fais tout ça avec un homme fabuleux à mes côtés qui partage avec moi des rêves, des ambitions et des projets d'avenir.

Je suis une maman comme toutes les mères du monde l'ont été avant moi. Mais aujourd'hui, en 2012, grâce aux femmes et aux hommes qui se sont battus avant moi, grâce aux valeurs d'égalité que mes parents m'ont transmises, j'ai le privilège de choisir. Et c'est cette liberté de choix que l'indépendance m'a offerte. J'arrive à gérer ma vie professionnelle, ma vie conjugale, ma vie de famille et mes relations amicales avec un grand sens de l'organisation, mais aussi dans le respect de mes limites, des limites de mon conjoint et celles de mes filles.

J'ai trouvé l'équilibre parce qu'avec mon indépendance, j'ai cotoyé des gens qui ont accepté de partager avec moi tous les autres éléments de ma vie. Je suis capable, tout à la fois, d'avoir envie de conquérir des terres, défricher, me tenir debout devant l'ennemi, d'être la chaleur qui accueille à la maison, les bras réconfortants, les rondeurs, la douceur et la patience.

Pour moi, le respect que les autres me manifestent, homme ou femme ne réside pas dans les anciennes caractéristiques dites "naturelles" que l'on attribuait au sexe faible, mais plutôt dans la considération qu'ils accordent à mes valeurs, à mes idées, à mes opinions, même si elles sont différentes des leurs.

Est-ce que l'équilibre naturel de la vie n'existe plus parce qu'en plus de chasser le mammouth, mon homme doit le cuisiner? Est-ce trop lui demander d'aller chercher les enfants à la garderie après avoir passé la journée à bûcher? Mon homme est la représentation typique du mâle d'autrefois, un vrai Ovila qui bûche, qui chasse, qui s'enferme dans un camp de pêche avec d'autres bonhommes une fois par année, qui dépense des fortunes chez Sail et Latulippe, qui se moque ouvertement des féministes et des pousseux de crayons, qui répugne à l'idée des aisselles non rasées et des vieilles bobettes de "menstrues", qui est propriétaire de sa propre entreprise, qui a un ski-doo, un quatre roues, des tracteurs, un gros garage avec un frigo juste pour la bière, des "frocs" carottés, qui se mouche avec le côté de ses mitaines l'hiver, qui pisse debout et qui mangerait des hamburgers double boulettes tous les samedis midis.

Et pourtant, c'est aussi lui qui insiste pour passer des vacances seul avec son aînée (et oui, il devra cuisiner et ramasser), qui l'amène une fois par année aux pee-wees (et il prépare leur lunch), qui la traîne à la pêche (et il lui met sa crème solaire lui-même), qui accepte de sacrifier ses nouvelles matinales pour écouter Yoopa et qui essuyait avec orgueil ses yeux humides lorsque sa deuxième fille est née (et en plus, il souhaitait plus que tout avoir une autre fille). Ai-je l'impression de ne pas être en couple avec un "vrai homme"? Au contraire, j'ai l'impression qu'en lui démontrant à quel point j'étais libre de laisser ma vraie nature s'épanouir, je lui ai l'espace tout désiré pour le laisser habiter sa personnalité sans retenue.

Sans le savoir, c'est lui qui m'a donné la véritable réponse à mes questions sur l'égalité des sexes. Aux gars qui l'encourageaient à avoir un deuxième enfant pour essayer d'avoir un gars, il répondait invariablement: "Expliquez-moi ce que je pourrai faire avec un garçon que je ne peux pas faire avec ma fille!".

Eh bien pour moi, c'est ça le goût de l'indépendance. De savoir que je peux tout faire même si je suis une femme. Et c'est ce que je souhaite ardemment pour mes filles: pouvoir se réaliser en étant entourées de gens qui les respectent. Parce que l'équilibre réside peut-être, tout simplement, dans le partage.

Rosalie Vachon-Savary

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La vie est plus complexe

Mme Marcotte, j'aimerais sincèrement que la situation soit aussi simple que vous la présentez : femme-bébés-maison-chaleur et homme-travail-argent-protection. Hélas! La vie de couple d'aujourd'hui est plus complexe, mérite un effort d'analyse personnelle et surtout  un peu plus de profondeur et d'ouverture. Malgré tout, si aujourd'hui je devais choisir entre liberté et simplicité, je choisirais la liberté.

Je crois qu'une relation de couple idéale est basée sur le désir et le plaisir de voir l'autre s'épanouir au fil des ans. Si l'autre est heureux et se réalise, je vivrai avec une personne paisible et reconnaissante. Si à deux on peut s'encourager à aller plus loin ou s'aider à prendre du recul, nous prendrons de meilleures décisions.

Je crois aussi que les périodes difficiles et les tâches ingrates n'ont pas de sexe. Si nous pouvons nous épauler au fil des changements de carrières autant qu'aux changements de couches, alors tout est impossible.

Bien sûr, mon corps est constitué pour porter des enfants, mais ces enfants-là finissent par grandir et être autonomes. C'est vrai que c'est essoufflant au début, mais déjà à 13 et 14 ans, nos enfants nous font comprendre qu'ils n'ont plus besoin de nous tout le temps ni de la même manière qu'avant. Ils savent qu'ils approchent de l'âge adulte et s'attendent à ce que je les accompagne en tant qu'adulte. Ils observent mes choix de vie et bientôt ils feront les leurs. J'espère seulement qu'ils feront l'effort d'analyse personnelle et qu'ils y investiront toute leur profondeur et leur liberté.

À mon avis, les rôles de l'homme et de la femme sont complémentaires et évolutifs et je ne crois pas que la femme ne soit faite uniquement pour s'occuper de son foyer ni que l'homme ne soit fait que pour subvenir aux besoins de sa famille. Je vous félicite d'avoir le courage d'exprimer une opinion aussi claire sur un sujet aussi controversé, mais nous ne vivons plus à l'époque de la chasse et de la cueillette et nous devrons relever le défi de l'évolution avec notre intelligence, notre créativité et en apprenant de nos erreurs.

Josiane Lisée, mère, mais pas qu'une mère.

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Couteau à deux tranchants

Les jeunes femmes réalisent que les femmes des années 40, 50 et plus ont fait de grands pas pour faire avancer la femme mais en même temps, elles leur ont donné une surcharge de travail.  C'est bien que la femme aille travailler à l'extérieur, ait un emploi rémunéré qui est valorisant mais ce qui a été oublié c'est que la maman reste la maman.  Un homme ne peut remplacer une maman: il peut l'aider, mais il ne peut pas la remplacer sur certaines choses.   Les jeunes femmes aujourd'hui sont peut-être prises dans l'engrenage du coût de la vie pour les jeunes couples et se sentent obligées d'aller travailler pour pouvoir arriver.  En même temps, je crois qu'elles passent à côté d'une partie importante et merveilleuse de la vie: la jeunesse de nos enfants.

Les femmes des années passées ont voulu faire avancer la cause des femmes et elles ont bien fait mais malheureusement, ne réalisaient pas que c'était une situation à deux faces.  J'espère que les jeunes femmes d'aujourd'hui réussiront à trouver un moyen de faire un équilibre sain des ces situations.  Ayant été une maman à la maison, j'ai beaucoup de sympathie envers ces jeunes mamans qui courent, courent, courent...



Marie-Josée Legault, mère de trois garçons, Beaconsfield

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J'ai fait mes choix

Je suis une fière représentante de la femme moderne. Je suis un chef de famille depuis 16 ans, je fais un métier que j'aime et qui me permet d'être indépendante financièrement.  Je reçois une pension alimentaire pour et seulement pour mes enfants.  J'ai un amoureux que j'adore et qui me le rend bien.  J'ai des amitiés que je cultive.  J'ai des idées libres et que je partage de façon respectueuses avec tous ceux qui veulent en débattre.  J'ai des hormones mais elles ne me font pas changer d'idées tous les trois jours.  Plutôt une fois par mois et quand elles arrivent à me perturber, j'ai assez d'humilité et de maturité pour l'admettre et s'il y a lieu, le dire à mon amoureux pour éviter les malentendus.

C'est vrai que je n'ai pas de diplôme universitaire.  C'est vrai que mon amoureux n'habite pas avec moi.  C'est vrai que je cours souvent.  Mais c'est par choix.

Vivre dans la société d'aujourd'hui est fantastique.  En effet, grâce aux combats que mes prédécesseurs ont menés, j'ai la possibilité de faire tous les choix qui me plaisent.

J'ai choisi de ne pas poursuivre mes études supérieures.  Mes parents ayant  choisi de vivre chacun de son côté, j'ai choisi de vivre l'aventure de l'indépendance.  J'aurais pu essayer de travaillé, d'aller au cegep et à l'université mais mon choix fût autre et je l'assume totalement.  J'ai voulu avoir mes enfants à l'âge de 22 et 24 ans.  J'ai choisi de me séparer du père de mes enfants en toute connaissance de cause.  J'ai choisi de quitter un emploi confortable de fonctionnaire de bas échelon pour un métier qui m'assure un salaire décent.  J'ai choisi de vivre séparément  de mon amoureux depuis les 8 dernières années pour pouvoir me consacrer à mes enfants pendant la semaine et une fin de semaine sur deux.  Toute ma vie, j'ai eu l'opportunité de faire mes choix et de les assumer complètement.  Et cela, grâce aux combats des pionnières.

Quand on me dit que les hommes ne sont pas faits pour masser les pieds et faire le toutou de salon, je suis outrée de voir que des femmes qui se disent fières représentantes de notre génération moderne, puissent penser que les hommes sont rendus à ce stade.  Mon compagnon de vie est loin de faire le toutou de salon et est très viril même s'il ne chasse pas le mammouth.  À chacun son époque!  Et quand il prend le temps de me masser un peu, je me rappelle alors à quelle point je suis resté ultra féminine, toute en rondeur et en douceur.

J'élève mes garçons dans le respect de leur nature profonde d'homme fait de muscles et de force mais aussi, dans le respect de leurs congénères qui sont les futures mères de leurs enfants.   Auprès de moi, ils peuvent retrouver la tendresse, le réconfort et l'écoute que toute mère digne de ce nom, apporte à son enfant.   Ils auront eux aussi à faire des choix dans leur vie, mais ils seront outillés pour cela et ils auront eu l'exemple d'un être intelligent, qui assume ses choix et qui se réalise sans stéréotypes.

Les femmes qui trouvent un goût amer à l'indépendance que nos grands-mères nous ont apporté, c'est qu'elles n'ont pas su utiliser cette indépendance à bon escient et faire des choix adroits.

Sophie Pesant



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Un jour, j'en ai eu assez

Quel texte percutant ! Il en faut de l'audace pour énoncer ces faits au pays du sacro-saint féminisme où rien ne peut jamais être remis en question. Mère de quatre jeunes enfants, j'en ai eu assez un jour de cette vie de course folle entre le travail, les enfants, le quotidien effréné, la fatigue, le stress, la frustration... J'ai décidé de devenir mère à la maison et j'ai eu la conviction que j'étais enfin à ma place, que l'ordre naturel des choses était revenu. Qu'y a t-il de plus merveilleux que d'élever soi-même ses enfants, que de transmettre ses valeurs à la génération suivante? Qu'y a t-il de déshonorant là-dedans? Mme Marcotte a raison lorsqu'elle dit que les femmes des générations précédentes se sont battues pour que nous ayons le choix. Toutefois, force est d'admettre que nous n'avons plus aucun choix aujourd'hui; en dehors de la carrière, point de salut! Cependant, les féministes ont commis une grave erreur: elles n'ont pas eu, ou si peu, d'enfants. On ne peut pas se regénérer et transmettre ses idées lorsqu'on n'a pas d'enfants. Elles sont remplacées par des populations qui arrivent d'ailleurs et qui sont souvent très conservatrices et attachées à la famille. Dans quelques décennies, la nature et l'équilibre de la vie aura enfin repris ses droits.

Mélanie Tremblay, Montréal

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Féministe sans amertume



En tant qu'homme se définissant comme féministe, j'ai cru bon de réagir à votre lettre d'opinion. Je tiens à spécifier d'entrée de jeu que je suis en total désaccord avec vous. Par ailleurs, votre texte regorge de clichés, tous plus navrants les uns que les autres, et qui justifient à vos yeux un recul du droit des femmes.

Selon vous, un homme est fait «pour chasser le mammouth, bûcher du bois et aller au front'». Avant d'aller plus loin, je tiens à rappeler certains faits : en ce moment, aucune guerre ne menace la sécurité de notre territoire; la grande majorité des maisons ne chauffent plus au bois et les mammouths ont disparu depuis 10 000 ans. Cela devrait suffire à expliquer pourquoi, d'entrée de jeu, je ne corresponds pas à votre idéal masculin, et que je ne suis pas en train de guetter les tigres aux dents de sabre avec une lance en silex à la main.

Vous avez parlé de vous. Je veux vous parler de moi, ou, plutôt, de nous. Je vis avec une femme indépendante et dévouée, professeure et amante, féministe et combattante. Loin d'être un toutou de salon, je constate que faire la vaisselle à deux ne m'a jamais empêché de regarder le hockey, d'écouter du heavy metal, de faire du vélo, de m'extasier devant mes fines herbes qui poussent en poussant un gros «yeah» grave. Le poids social dont vous parlez, nous l'assumons à deux.

Nous aussi, nous oscillons à travers les aléas de la vie moderne, en essayant de trouver le bonheur entre les études, le travail, la vie sociale, l'engagement politique et les tâches ménagères. Nous ne cherchons pas à être un couple modèle, juste un couple heureux. Il n'y a pas de gène pour faire la vaisselle. Nous assumons le tout en équipe. C'est ce que j'ai envie d'appeler, moi, l'équilibre.

Mais ce qui me fâche à la lecture de votre lettre, c'est que vous vous attaquez aux féministes qui, en montant aux barricades et en continuant de militer haut et fort, se battent pour améliorer votre condition. Sachez que si vous vous indignez aujourd'hui de l'envers de la liberté, c'est bien parce que des soeurs ont autrefois milité héroïquement pour avoir droit au travail.

Aujourd'hui encore, l'égalité n'est pas acquise. Les femmes sont encore sous-représentées dans plusieurs domaines, en politique, en administration, en médecine. De manière générale, les femmes demeurent plus pauvres que les hommes, et 77% des ménages monoparentales sont dirigés par une femme. La femme reste la grande pourvoyeuse des tâches ménagères et du travail non rémunéré. L'atteinte de la liberté ne signifie pas devenir monoparentale, comme vous le sous-entendez. La liberté est ailleurs, dans le partage et dans l'entraide, et c'est pourquoi beaucoup de vos soeurs se battent pour faire avancer le droit des femmes. Ont-elles le droit de le faire? À la lecture de votre texte, je crois qu'elles le doivent. Il y a là la preuve qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Marc Donati, 29 ans, Montréal

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Il ne faut pas généraliser

Je comprends ce que Mme Marcotte souhaite dénoncer. C'est exact, on ne peut pas tout avoir. De plus en plus de femmes se rendent compte qu'il est difficile de concilier soins des enfants et carrière, du moins sans y sacrifier un certain nombre de choses des deux côtés. C'est pourquoi de jeunes mères font le choix de rester à la maison, quand c'est financièrement possible. Je trouve qu'il est correct qu'elles le fassent si c'est cela qu'elles préfèrent.

Cependant, j'en connais aussi qui ont besoin de leur travail, de leur carrière. Oui, il y a des femmes qui ne veulent pas uniquement prendre soin de leurs enfants, et il y a, aussi, oui, des hommes qui aiment cela, s'occuper des enfants! Et moi, je trouve cela super que, dans la société d'aujourd'hui, bien que rien ne soit parfait, tout cela peut quand même s'exprimer.

J'admire les femmes qui choisissent de se dévouer à leur famille et de mettre leur carrière en veilleuse, sacrifiant un deuxième revenu et acceptant les conséquences sur leur train de vie. Je suis impressionnée par celles qui font une belle carrière et pour qui l'atteinte de leurs buts professionnels est important, mais qui ne veulent pas pour autant renoncer à la famille et font de leur mieux pour conjuguer les deux. Je suis très touchée lorsque je vois, dans l'autobus, un père avec son jeune enfant, je trouve ça beau. J'aime que ces choix existent et qu'il y ait de la place pour tout ça. Je trouve ça, moi, très équilibré.

Vous généralisez trop, Mme Marcotte. Les femmes, tout en partageant un certain nombre de caractéristiques biologiques qui, oui, ont une influence sur leur personnalité, ne sont pas toutes pareilles, de même que les hommes.

Il y a des femmes qui aspirent vraiment à la politique, à être sur le champs de bataille ou sur les chantiers de construction, dans la police ou parmi les pompiers; elles sont une minorité et il y a des chances qu'elles le demeureront, mais il est crucial qu'elles aient la possibilité de le faire. Il y a des hommes que le travail physique n'intéresse pas, ni faire la guerre, ni jouer les gros bras, et il est aussi important qu'ils puissent se réaliser à leur façon.

Je ne crois pas que notre société ait perdu son équilibre. Je pense que cet équilibre s'exprime de façon plus variée que lorsque les seuls modèles étaient les rôles traditionnels auxquels vous paraissez souhaiter revenir (peut-être que je vous ai mal comprise mais c'est ce qu'il me semble).

Pour ma part, c'est la dernière chose que je voudrais. Revenir à l'époque où une femme qui ne voulait pas se marier devait rester chez ses parents, car elle ne pouvait pas vivre seule avec le faible revenu des emplois féminins traditionnels censés «occuper¢ la femme en attendant le mariage? Non merci. Avoir uniquement trois choix de carrière envisageable, infirmière, enseignante ou secrétaire? Non merci. Devoir dire à une petite fille que c'est seulement les garçons qui peuvent faire ci ou ça? Non merci.

Bien sûr, il y a des problèmes dans la société. Bien entendu, il y a place à l'amélioration, mais le retour en arrière ce n'est pas ça, l'amélioration. Les hommes et les femmes sont égaux tout en étant très différents, c'est ce que je crois profondément, et la société a besoin des deux. Mais je refuse l'idée d'enfermer chacun dans une sphère d'activité spécifique.

Suzie Dufour, Québec



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Un zeste d'inconscience

J'hésite entre le rire et la colère. Seraient-ce mes hormones ? Ainsi donc, revenons en arrière et sous prétexte de l'équilibre naturel, on renvoie les hommes à la chasse et les femmes portent, nourrissent et soignent les enfants ?

Le temps n'est pourtant pas si loin où vous passiez de la tutelle de votre père à la tutelle de votre mari. Vous ne pouviez pas faire un prêt à la banque sans la signature de votre mari. Jeannette Bertrand faisait signer ses textes par Jean Lajeunesse parce qu'elle n'avait pas de crédibilité : une femme ne pouvait outrepasser la visibilité de son époux.  Dans les années 60, lorsqu'une femme ne votait pas comme son mari, on disait qu'elle « annulait » le vote de l'homme.  D'ailleurs, pouvez-vous réaliser que ma mère est née à une époque où les femmes ne pouvaient pas voter ? Au Québec, les femmes ont obtenu le droit de vote en 1940. L'égalité juridique des époux a été décrétée en 1964. Je suis née en 1962. Ouf !

Vous avez vraiment envie, vous, de retourner à une époque sans contraception possible, de voir le chasseur de mammouth réclamer son devoir conjugal malgré votre épuisement après votre journée avec vos 8, 9, voire 10 enfants ?

Les hommes résistent mieux au stress, dites-vous ? Sans doute pour cette raison qu'ils choisissent le suicide. En 2008, le pourcentage de suicides masculins est de 16,8% alors qu'il est de 5,5% pour les suicides féminins au Canada. Désirez-vous qu'on aborde le chapitre de la violence conjugale ? Des meurtres familiaux ?

Que vous soyez fatiguée, que vous manquiez de temps, que vous vous sentiez débordée, je peux le comprendre. Que vous souhaitiez retourner à une condition de dépendance me dépasse.

«Les femmes et les enfants d'abord...»  La vraie nature de cette expression n'est pas comme vous semblez le croire, le respect et la protection. C'est avant tout la reconnaissance de votre statut de mineure, d'incapable, de petite chose sans défense. C'est une prise en charge !

Je vous laisse à vos rêveries. Pour ma part, née dans l'évolution de cette indépendance que vous décriez, j'en ai vu des effets et je ne voudrais pour rien au monde retourner en arrière, ce qui ne fait pas de mon mari un toutou de salon mais fait de moi une femme en pleine possession de ses moyens et de sa vie. De plus, je vous rassure : je ne reçois pas de pension alimentaire, je fais le souper et le ménage !

Linda Ulrich, Boisbriand

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Un rôle réducteur

Madame, je trouve bien triste que vous utilisiez votre expérience personnelle pour décrire ce que devrait être celle des autres femmes de votre génération.

Effectivement, les femmes se sont battues pour obtenir leur indépendance, et ce, à la sueur de leur front.  Elles ont dû vaincre un tas de contraintes sociales, telles que le poids de leur éducation et les valeurs traditionnelles patriarcales et judéo-chrétiennes sur lesquelles notre société a été bâtie.  La majorité d'entre elles semblent très bien s'en porter d'ailleurs, et je n'entends pas aucune d'elle autour de moi se plaindre de cette nouvelle liberté.  C'est très bien ainsi.

Vous faites appel à ce que vous appelez «la nature» pour justifier vos positions.  Je trouve que vous prêtez bien des intentions à «la nature», qui elle, n'est pas douée de la parole pour valider vos perceptions.

Votre conception éculée de l'homme, qui est fait pour aller à la guerre et se battre contre les mammouths, alors que les femmes toutes en rondeurs sont faites pour élever les enfants, fait vraiment très peur.  On se croirait dans un livre de «sciences» trônant sur les tables d'un écolier dans les collèges des religieux des années 50.

Laissez-moi vous dire madame qu'en tant qu'homme, je ne suis pas du tout intéressé par le rôle réducteur que vous avez décidé de m'attribuer, en indiquant que ma nature est d'aller au front et d'aller chasser le mammouth pour vous.  Aucun intérêt!  Et je voudrais bien vous voir venir me dire que c'est parce que je n'accepte pas ma véritable nature!  Et je me sens également l'obligation de vous dire qu'en tant qu'homme, je suis également parfaitement capable de donner un sens à la vie et d'y mettre de la beauté.  Sachez que les équations dans la vie ne sont pas toutes aussi simplistes, et j'ai beaucoup de mal avec les conceptions arrêtées que vous véhiculez par rapport à des choses aussi importantes que "l'épanouissment personnel" et "l'équilibre de la vie".  Celles-ci pourraient parfaitement cadrer avec le discours malodorant et moyen-âgeux des religieux de tout acabit.

Alors madame, lorsque vous dites que c'en est assez, ce devrait en être assez pour vous, et non en même temps pour nous tous qui cohabitons avec vous dans cette société, dans laquelle nous nous battons depuis des années pour établir un nouvel équilibre en faisant en sorte que chaque être humain, homme ou femme, assume l'ensemble de la gamme de responsabilités, d'activités et de comportements possibles et accessibles à l'être humain.   Ce qui devrait être assez, c'est cette espèce de catégorisation excessive des comportements sexuels mâle et femelle qui a cours et dont cette société essaie péniblement de s'affranchir, parce qu'elle est la source de la majorité des problèmes qui sont notre lot.  Et des discours monolithiques tels que le vôtre ne viennent en rien aider cette pénible transition.

Madame, si vous n'avez pas la colonne vertébrale assez solide pour passer à travers les difficultés ordinaires de la vie, dites-vous bien que c'est votre problème, et non celui de toutes les femmes autour de vous.  Allez au gymnase...  Vous découvrirez probablement que vous en avez des muscles.  Évidemment, vous ne récupérerez pas ceux que les femmes ont perdus par atrophie au cours des derniers millénaires parce qu'elles ne s'en servent plus; mais ce sera du moins un bon début.

Jacques Allard, Montréal

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Lucidité

Il est rassurant et rafraichissant de constater que Mme Marcotte connaît bien la nature intrinsèque de l'homme et la femme. Depuis plusieurs millions d'années, l'humanité a survécu grâce aux spécificités appartenant à chaque sexe. Force est de constater que depuis 40 ans, les choses ont changé ,parlez-en aux psychologues, psychiatres, avocats, directeurs de banque, intervenants en service de garde  et aux policiers. Mme Marcotte, j'admire votre lucidité et j'espère que votre intervention sera  diffusée à  un grand nombre de personnes. Je vous salue et vous souhaite, de tout coeur, de trouver l'équilibre dans son état pur en gardant les choses simples.

Bruno Blouin, Laval

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Profond malaise

J'ai ressenti un profond malaise en lisant la position de Mme Marcotte.  Je me suis demandée d'où venait son besoin d'écrire son désarroi dans les pages de La Presse. Quelle étrange façon d'envisager la vie et la société que de nous ramener à l'ère des mammouths!  Rien n'empêche Mme Marcotte de faire ses choix de vie : c'est précisément à cela qu'ont servi les luttes des femmes.  Qu'elle profite donc de sa liberté de choix et qu'elle laisse les autres femmes faire les leurs.

Louise Valiquette

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Les hommes le pensent

Excellent article. C'est la première fois que je vois une femme dire tout haut ce que les hommes discutent entre eux. J'en suis venu à marier une Méditerranéenne afin de pouvoir enfin avoir ces vraies conversations.

Daniel Blanche

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Indépendance financière

Le problème c'est que sans indépendance financière, les femmes sont susceptibles d'être «paternisées» par leur conjoint et de perdre beaucoup de marges de manoeuvre au quotidien. Voilà pourquoi elles mettent tant d'énergie à travailler à l'extérieur en plus de prendre en charge «leurs» tâches ménagères et familiales.  L'argent est malheureusement encore ce qui mène le monde.

Madeleine Leblanc

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Ramener les femmes au foyer ? Non !

Une autre femme qui supplie à grands coups d'élans émotifs de ramener les femmes au foyer, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Quelle honte.

Que cette dame préférerait réchauffer son foyer pour son homme «parti à la chasse aux dollars», soit. C'est son choix, son opinion, mais lorsqu'elle commence à prétendre que les femmes sont faites pour ce rôle, je sens les poils m'hérisser tout le long de mon corps.

J'ai tellement lu de commentaires similaires à ceux-ci de femmes de part et d'autre du web. Tellement de femmes qui prétendent que nous, les femmes, sont biologiquement faites pour être femmes à la maison, que de le nier c'est nier notre nature profonde.

Quelle hypocrisie et quelle hérésie.

J'en suis venue à conclure qu'être femme au foyer, c'est définitivement «in» en 2012.

Quel pathétisme.

Si nous, les femmes, sommes faites pour être la maison, alors pourquoi étudier? Pourquoi aller à l'Université ou encore même au cégep? Quel intérêt puisque notre douceur et notre compassion nous relègue nécessairement au rang de reine du foyer? Est-ce cela que nous voulons enseignez à nos filles? Devons-nous maintenant exclure les femmes des toutes les facultés de médecine, de droit, d'ingénierie et autres parce que de toute façon, notre seul but dans la vie est de se trouver un mâle fort et pourvoyeur?

Nous sommes en 2012 et en 2012, la plupart des femmes veulent travailler et elles ne veulent surtout se faire dire qu'elles sont «faites» pour être au foyer auprès d'un "chasseur".

D'une mère qui travaille et qui est heureuse.

Rosanne Guillet

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Un couple, comme une entreprise

Gérer une vie de couple, c'est comme gérer une entreprise. La réussite repose sur un principe organisationnel incontournable: gérer l'équilibre. Et ça commence par l'équipe de la direction. Chacun mettant à profit ses compétences, ses intérêts, ses aptitudes, etc.

Si l'homme aime cuisiner, confiez-lui la tâche. Si la femme aime bricoler, confiez-lui l'entretien, etc. Autrement dit, il s'agit de respecter les préférences cérébrales de chaque partenaire. Car l'un n'empêche pas l'autre.

Si, par exemple, ni l'un ni l'autre n'aime faire le ménage, confiez-le à un sous-traitant.

Élémentaire, n'est-ce pas?

D. Ross, Saint-Lambert

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Les vraies choses

Que ça fait du bien de replacer les pièces du casse-tête et par une jeune femme qui n'a pas peur de «dire les vraies choses».

Victor Ross, Ste-Thérèse

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Plus qu'un tueur de mammouths

C'est très réducteur, comme témoignage... avec, comme d'habitude, un petit relent de blâme pour la première génération de féministes qui a tout déclenché. Cette dame -- qui me semble surtout déplorer son existence de femme sans amoureux -- n'a pas vécu l'époque de la grande noirceur, celle où une femme était contrainte de rester avec un mari ivrogne qui lui faisait un bébé à chaque année sous peine d'indigence et d'excommunication.

Ce n'est pas la faute du mouvement féminin si les hommes ont perdu pied. Hormis une petite minorité de YYY qui feraient effectivement mieux de devenir pourvoyeurs dans un grand domaine de chasse ou carrément soldats (bien encadrés par des officiers un peu roses pour éviter les catastrophes militaires, quand même), l'homme moderne est plus qu'un tueur de mammouths poilu.

La solution, c'est l'éducation. Un homme et une femme instruits, civilisés, sont capables de trouver leur propre équilibre, et ensemble par-dessus le marché. Et les progrès faits par les femmes sont une bonne chose pour le couple.

J'en suis persuadée.

Rose Desjardins



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Je suis d'accord et... profondément choquée

Je pense moi aussi que les cerveaux masculin et féminin sont différents, appréhendent le monde différemment et valorisent des aspects différents de l'organisation sociale, et qu'il faut respecter et même encourager cet état de fait. Là où je ne suis pas d'accord, c'est quand, à l'instar de Mme Marcotte, des gens affirment que « la femme n'est pas faite pour conquérir » et que les hommes ne sont pas faits pour « faire le ménage, vous préparer à souper ou vous payer une pension ». Attention!

Le monde n'a pas évolué depuis 40 ans au point de valoriser les tâches traditionnellement effectuées par les femmes et les emplois traditionnellement occupés par des femmes pour les rémunérer en conséquence. En 2012, pour une femme ne pas assurer son autonomie financière équivaut à s'assurer la pauvreté et la dépendance. La route est encore longue avant qu'une maman à la maison gagne sa vie aussi bien que les messieurs gros-bras-et-syndicats-combatifs de l'industrie de la construction...

Louise Dumoulin, Gatineau



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Ne pas retourner en arrière

Je suis une fière représentante de la femme postmoderne. J'étudie à l'université, j'aurai une carrière, je travaille, je me considère autonome d'idées et j'espère un jour avoir des enfants assez bien élevés.

La vie au 21e siècle me pèse parfois aussi. Je me sens étourdie par sa rapidité et par les opportunités quasi infinies qui semblent s'offrir à moi et à tous ceux de ma génération.

Et pourtant, bien que ma situation soit fort différente de celle de Mme Marcotte - que j'admire par ailleurs de soutenir ainsi toute une famille à elle seule - je ne crois pas que la solution au stress et aux épreuves du quotidien réside dans un retour aux valeurs patriarcales et un rejet des gains durement acquis par les féministes d'hier et d'aujourd'hui.

Je m'inquiète du discours pernicieux faisant appel à « l'ordre normal des choses » et à la nature qui aurait « fait », conçu l'homme et la femme pour qu'ils remplissent respectivement leur rôle. Loin de moi l'idée de nier les découvertes scientifiques qui nous en apprennent chaque jour plus sur le fonctionnement complexe du corps humain. Je tiens cependant à remettre en doute que la femme soit « naturellement » portée à devenir « les bras réconfortants » ou « la chaleur qui accueille à la maison », et de la même manière, que l'homme ait besoin, de par sa nature, de ressentir de la fierté « de se battre et se sacrifier pour nous protéger. »

Les notions de masculinité et féminité sont fluides et pas seulement ancrées dans les hormones, les rondeurs et les épaules carrées. Comme le soulignait Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient, » ce qui est tout aussi le cas pour l'homme. On nous éduque et on nous force dès notre naissance, en nous emmaillotant de bleu ou de rose, à nous ranger d'un côté ou de l'autre d'un axe, qui devrait plutôt être représenté comme un éventail, une gamme d'expressions identitaires aux nuances qui font leur beauté.

M'est avis qu'affirmer la différence entre l'homme et la femme, c'est créer un fossé, une fausse égalité, une complémentarité trompeuse qui mène très facilement à une hiérarchie des sexes. Accepter la vision de l'homme fort, de la femme au foyer; l'un qui se mêle à la vie publique, l'autre qui se retire dans la sphère du privé, c'est d'abord de reculer des décennies dans l'histoire des droits des femmes, alors qu'encore trop peu d'entre elles osent s'engager dans des domaines tels que la politique... Cela dit, c'est également promouvoir une conception oppressante du mâle alpha veillant sur sa meute. Un homme ne peut-il être fort lorsqu'il « fait couler un bain à sa femme » ? Doit-il vraiment « chasser » le mammouth pour prouver sa virilité ? En 2012, n'avons-nous pas passé à une autre étape que celle-là ?

De fait, les actes d'étudier, de gagner sa vie, de gâter son conjoint, d'élever ses enfants, de s'épanouir et d'être heureux ont-il seulement un sexe ? J'en doute.

Lochin Brouillard, étudiante en histoire à l'université McGill, Boucherville



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Une utopie

Bien que je comprenne qu'il est difficile de vivre seule avec toutes les responsabilités de mère avec un travail extérieur, vouloir voir en l'homme un preux chevalier sur son cheval blanc, est une utopie que nous combattons depuis des lustres.

Revenir aux "anciennes valeurs" est l'équivalent de revenir à cette époque pendant laquelle les hommes ont le pouvoir autant dans le foyer qu'à l'extérieur. Je pense à cette amie qui approche les 70 ans et qui est "prisonnière" d'un mariage avec un mari qui décide de tout parce que c'est lui qui apporte le pain sur la table. C'est le résultat de cet état qui fait de la femme une subordonnée. On ne peut se leurrer, l'argent et la possibilité d'en gagner donne du pouvoir.

Nous devons aller de l'avant et continuer de construire des rapports égalitaires entre hommes et femmes et cela n'est possible que si les femmes continuent de prendre leur place à côté des hommes et non derrière.

Andrée Besner, Brossard



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Tout le monde sort perdant

J'ai adoré le texte de Caroline Marcotte. Certains passages de l'article m'ont presque donné la larme à l'oeil. Le hasard a même voulu que le soir même, la SRC présente le film de Maurice Richard, nous projettant l'image de ces couples du passé dont plusieurs sont nostalgiques. Cela fait des années que je dis à qui veut bien l'entendre que les hommes et les femmes de ma génération (j'ai 41 ans) sont complètement perdus dans leur rôle respectif, et qu'en bout de ligne, tout le monde sort perdant.

Enfin, une Québécoise qui ose dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas.

Sylvain Legault, Gatineau

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L'amour au temps des mammouths

Débordée de par ses responsabilités d'étudiante et de mère de famille, Caroline Marcotte déplore que « l'équilibre naturel de la vie n'existe plus » suite aux luttes féministes. D'après elle, l'homme « est fait pour chasser le mammouth », alors qu'à la femme « on a fait don de la capacité de porter, nourrir et soigner les enfants ». Ce raisonnement grossier et sexiste est choquant et mérite d'être condamné aussi fermement que le racisme ou l'homophobie, deux autres discours discriminatoires qui s'appuient sur « l'ordre normal des choses » pour distinguer les bons des mauvais comportements.

Se désoler que l'émancipation des femmes ait accru leur charge de travail est une chose. Il est vrai que malgré leur entrée massive sur le marché de l'emploi, les femmes continuent de passer plus de temps que les hommes à s'occuper de la maisonnée. La solution logique à ce problème dit du double fardeau - combiner travail rémunéré et tâches domestiques - est évidemment de poursuivre sur le chemin de l'émancipation et de plaider pour un partage plus équitable des responsabilités entre les deux sexes.

C'est d'ailleurs ce vers quoi nous semblons nous diriger, lentement, mais sûrement. Selon Statistique Canada, en 1986, les jeunes femmes (20-29 ans) de la seconde vague du bébé-boum consacraient 1,2 heures de plus par jour que les jeunes hommes à accomplir des tâches domestiques. En 2010, cet écart avait fondu à 0,4 heure chez les jeunes de la génération Y (nés entre 1981 et 1990) et à cinq minutes dans le cas précis de celles et ceux ayant obtenu un diplôme d'études postsecondaires.

Amère, Mme Marcotte préfèrerait régler le problème du double fardeau en revenant à la hiérarchie sexuelle d'antan - les femmes à la maison et les hommes au boulot - sous prétexte qu'il s'agirait d'un « équilibre naturel ». Conçu pour « chasser le mammouth », l'homme serait mystérieusement incapable de cuisiner sa proie après l'avoir tuée, puis de nourrir sa progéniture. À l'inverse, comment s'attendre à ce que la femme pourvoit aux besoins matériels du foyer, alors qu'elle doit subir ses « hormones qui change[nt] [son] humeur aux trois jours »? Les nombreux hommes chefs cuisiniers et les nombreuses femmes médecins pourraient sans doute nous apporter quelques éléments de réponse...

Mme Marcotte a certes le droit d'exprimer sa préférence personnelle pour un homme qui n'apprécie guère faire « couler un bain à sa femme en lui massant les pieds ». Mais lorsqu'elle avance que « le problème de la société d'aujourd'hui » est que « la femme a tellement voulu d'espace, [qu']on a fini par lui donner », elle fait l'apologie du sexisme, une idéologie selon laquelle il est normal que les femmes aient moins d'autonomie que les hommes. Lorsqu'elle affirme qu'il n'est pas dans la « nature » de l'homme de « faire le ménage », « préparer à souper » ou « payer une pension », elle déresponsabilise la moitié de la société, une autre manifestation de sexisme.

Le racisme et l'homophobie sont deux autres discours discriminatoires qui s'appuient sur l'idée de nature pour dire aux gens ce qu'ils (et elles) peuvent faire - ou pas. Certaines personnes croient que les populations à la peau foncée sont naturellement plus fainéantes ou moins intelligentes et qu'il ne faudrait donc pas leur confier des tâches exigeantes. Pour d'autres, l'homosexualité est contre nature et il faudrait donc décourager les homosexuels d'exprimer leur amour. Ces opinions existent, mais il va sans dire que le racisme et l'homophobie n'ont pas leur place dans un débat public qui se respecte. Béni soit le jour où il en sera de même pour le sexisme.

Frédéric Julien, doctorant en science politique (Université d'Ottawa) et futur père de famille



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Avoir le choix

Chère Caroline, votre lettre m'a ébranlée, moi, une baby-boomer qui a contribué à créer ce nouveau monde où les hommes et les femmes sont égaux. Ma réflexion m'a fait réaliser que même avec cette égalité, il reste des choix individuels à faire en fonction de notre environnement, notre nature, nos goûts, nos ambitions, nos penchants, etc.

J'ignore les raisons qui ont fait de vous une mère seule de deux enfants, mais s'il ne s'agit pas d'une fatalité du destin, il y a sûrement une part de choix dans cette situation. C'est pourquoi il est si important de bien peser le pour et le contre quand il faut faire des choix, parce qu'après, il faut vivre avec, les assumer.

Quand on lit entre les lignes de votre lettre, on comprend que vous êtes épuisée et que vous aimeriez bien avoir un mec (chasseur de mammouths de surcroît) sur qui compter et à qui confier votre fardeau.

Je vous comprends et je compatis avec vous mais de grâce, ne nous faites pas reculer. Aujourd'hui une femme est libre de bâtir sa vie comme ça lui tente : être superwowen et s'organiser toute seule, ou partager sa vie, son travail, ses revenus à parts égales avec un conjoint, ou rester à la maison pour gérer la maisonnée et attendre le retour de son preux chevalier ou chasseur de mammouth.

Ce qui est formidable aujourd'hui, c'est qu'elle a le choix de vivre ce à quoi elle aspire et non ce que les autres ont décidé pour elle.

Je vous souhaite de trouver la sérénité.

France Massé

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Essais et erreurs

Je suis tout à fait d'accord avec l'article de Caroline Marcotte.

À force de vouloir tout faire comme les hommes, je crois que c'est normal qu'ils ne trouvent plus leurs place et que nous, les femmes, soyons fatiguées.

J'ose espérer que le balancier va se stabiliser près du milieu pour que notre espèce humaine trouve un équilibre.

Probablement que je ne verrai pas ceci de mon vivant, ayant présentement 55 ans.

Par contre, l'exemple que nous avons donné à nos enfants va peut-être leur faire réaliser autre chose.

Comme j'ai dis à mon fils de 25 ans: on ne veut pas reproduire les erreurs de nos parents, mais on fait nos propres erreurs.

Ainsi va la vie: essais et erreurs!

H. McCann

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Indépendantes, féministes et fières de l'être

Fières de notre indépendance, nous le sommes parce que des générations de femmes ont lutté avant nous pour nous donner cette liberté que vous trouvez «amère». Nous continuerons à revendiquer plus de justice sociale, de solidarité et de liberté pour un plus grand nombre d'individus tant et aussi longtemps que des clichés sexistes seront véhiculés dans la société. Nous sommes conscientes que la situation que vous vivez est réelle, concrète et vécue par des milliers de femmes au Québec. Nous la dénonçons totalement. Nous croyons néanmoins que les solutions que vous proposez ne sont pas créatrices de justice sociale.

À une argumentation préhistorique : les hommes, les mammouths, la chasse -quel argument moderne!- nous répliquons que la liberté est un effort collectif qui englobe et dépasse nos vies et tumultes individuels. La vie que vous menez a de quoi en épuiser plusieurs, effectivement. La question demeure : est-il possible d'étudier et de s'occuper seule de ses enfants? Si en plus vous devez travailler pour subvenir à vos besoins, la question demeure donc un enjeu hautement social, surtout en ce moment où les mouvements étudiants militent pour l'accès aux études post-secondaires pour toutes et tous. Choisir entre étudier, travailler à plein temps ou s'occuper de ses enfants ne devrait pas se poser et la solution n'est certainement pas dans une quelconque nature des femmes, ni dans un retour de ces dernières à leur foyer. Dans une société égalitaire où la répartition des tâches domestiques serait répartie équitablement, où il y aurait plus d'entraide communautaire, familiale, collective, nous croyons que la question ne se poserait plus.

Vos propos sur le fait que les hommes devraient se contenter de la place de pourvoyeurs est une insulte à tous ces hommes qui tentent, eux aussi, de dépasser les stéréotypes que vous réitérez, en s'occupant de leurs enfants avec un plaisir que vous ne semblez même pas imaginer. Oui, des hommes peuvent physiquement s'occuper des tâches domestiques et des enfants, tout comme des femmes peuvent aujourd'hui être soldates, mécaniciennes ou politiciennes, cela relève de la socialisation.

Si cette liberté ne vous épanouie pas individuellement, elle ne vous permet pas pour autant de dicter à l'ensemble des femmes que «l'ordre normal des choses» doit se trouver dans la maternité et dans l'hétérosexualité. L'ordre naturel auquel vous faites référence, à nos yeux, n'existe pas, les individus sont socialement construits afin de répondre aux stéréotypes historiques et culturels. Cette vision traditionnelle et monolithique de la famille ne met pas en lumière les différentes réalités vécues par les familles immigrantes, autochtones, les femmes célibataires -et heureuses de l'être- ou encore les homosexuelles. De plus, croyez-le ou non, il existe des femmes qui ne désirent pas enfanter et elles s'en portent très bien, en plus de contribuer activement à l'avancement de la société québécoise. Les rôles sociaux de sexe que vous décrivez, l'«homme-droit-et-carré» et la « femme-toute-en-rondeur», sont loin de représenter la majorité de la population, car les identités sexuelles sont beaucoup plus complexes dans la réalité et ne correspondent pas à la société dans laquelle nous évoluons. Nous avons heureusement la chance de ne plus avoir à tuer de mammouths pour nous nourrir, ni de construire de cabanes dans les arbres pour survivre.

«L'équilibre naturel» dont vous pleurez la disparition n'a jamais existé, car c'est un mythe que de catégoriser les êtres humains selon leurs hormones et organes génitaux. L'histoire nous a prouvé à maintes reprises que les femmes sont tout autant aptes à aller à l'université, à être avocates ou médecins, métiers que l'on croyait, il y a moins de 150 ans, incompatibles avec les hormones des femmes. Les critères de virilité et de féminité que vous décrivez dans votre lettre d'opinion sont dignes du 19e siècle : ils idéalisent les rôles sociaux et ne décrivent pas la complexité actuelle des êtres humains. Et non, «les femmes et les enfants d'abord», ce n'était pas du respect, c'était considérer les femmes comme des pourvoyeuses et des matrices, sans prendre en compte leur entièreté d'être humaine.

Notre réponse à votre article n'a pas pour intention de dire que la maternité est un mal en soi, mais nous croyons qu'il serait plus juste de nous questionner sur les impératifs économiques et sociaux qui imposent aux femmes un rythme si effréné. Une meilleure répartition des tâches et une reconnaissance sociale du travail invisible que produisent jour après jour les femmes dans le monde entier feraient peut-être que nous aurions un monde plus équilibré et plus juste. Il est important de mentionner que sans le travail acharné des féministes pionnières telles que Léa Roback, Marie Gérin Lajoie, Madeleine Parent, vous n'auriez pas accès à la citoyenneté, ni à l'éducation, ni à la propriété, bref à l'autonomie. Vous ne pourriez même pas vous plaindre d'une liberté à laquelle vous n'auriez même pas accès!

Les femmes, gâtez-vous et revendiquez une société plus juste, dans laquelle la division sexuelle des tâches est égalitaire. Gâtez-vous et prenez votre indépendance.

Marie-Anne Casselot, bachelière en philosophie de l'UQAM et militante féministe

Émilie Beauchesne, candidate à la maîtrise en science politique, UQAM

Marilyn Ouellet, candidate à la maîtrise en sociologie, UQAM

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En ce qui me concerne, je suis féministe dite "libérale". Ce qui veut dire, en gros, que je suis pour la liberté de CHOIX. Autant je suis d'accord avec la femme qui fait le CHOIX de rester au foyer (parce que ce que Caroline Marcotte a eu, et ce pourquoi les féministes se sont battues, c'est le CHOIX) autant je soutiens celle qui décide de faire carrière. Qu'elle choisisse, ou non, d'avoir des enfants.

Je déplore que les femmes aux foyer ou celles qui font carrière se sentent l'obligation d'imposer leurs vues aux autres ! Le pire ennemi du féministe, c'est décidément les femmes ! Comme disait Simone de Beauvoir : "La femme se charge elle-même de chaînes que l'homme ne souhaite pas lui voir porter."

Ce choix, que Caroline Marcotte a eu, elle le doit aux militantes féministes. Non seulement elle ne leur en est pas reconnaissante, mais ne plus, elle voudrait l'enlever, ce choix, à ces congénères ! Sous quel prétexte ? Celui qu'en dehors de la voie qu'elle aurait choisie pour elle-même, il n'y aurait point de salut ?

Quant au reste, le discours de Caroline Marcotte est totalement subjectif, en plus d'être réducteur et manichéen . Toute son argumentation se base sur sa vie personnelle. Tous les travailleurs, par exemple, ne font pas nécessairement 40 heures par semaine !

Si elle désire critiquer le mouvement féministe, le devoir qu'elle devrait faire serait d'étudier un peu plus en profondeur l'histoire du féminisme. Elle verrait sans doute que celui-ci ne se résume pas à quelques brassières brûlées, mais que des suffragettes aux "radicales" qui, malgré tous les maux dont on les accuse, nous ont fourni des recours contre le harcèlement sexuel, la palette est nuancée ! Plus nuancé que son propos, en tous les cas !

Michele Tremblay, Montréal

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L'amertume des femmes dites « modernes »

Un sentiment généralisé de pathétisme m'est resté imprégné suite à la lecture du texte de Mme Marcotte dans La Presse du 24 mars dernier. Je n'en reviens tout simplement pas qu'il y ait des femmes qui se croient « modernes » parce qu'elles conjuguent les études, le travail et élèvent des enfants en même temps, divorcent, tentent de se trouver un nouveau conjoint entre quelques sorties de filles, puis réalisent qu'elles ne pourront jamais contrôler un homme comme elles tentent de le faire avec leur propre vie. Ce sont ces mêmes femmes qui pensent ou qui ont pensé que les hommes sont des « toutous de salon qui fait couler un bain à sa femme en lui massant les pieds ». Bref, ces femmes qui ont fait des choix que les magazines féminins leur dictait, que leurs amies de filles jugeaient qu'elles auraient l'air « superwomen », maîtresse de leur vie.

Je suis en couple avec le même conjoint depuis près de 10 ans maintenant. Je suis instruite et c'est en grande partie ce qui me permet de prendre des décisions beaucoup plus éclairées sur mes choix de vie et leurs conséquences possibles. Nous n'avons pas d'enfant et n'en voulons pas non plus, par choix personnel. Il arrive à mon conjoint d'avoir le goût de me masser les pieds, de me faire couler un bain, de faire les repas. Il m'arrive de devoir réparer un robinet qui fuit, clouer des planches, ou fixer un luminaire. Et toujours pour les personnes influencées par les clichés réducteurs, et sans vouloir offenser les homosexuels, mon conjoint n'est aucunement et n'a ni l'attitude d'une « tapette », et je ne suis et n'ai ni l'attitude d'une « butch ». Toutefois, il n'a pas l'attitude d'un bûcheur de bois et je n'ai pas celle de Cendrillon.

Il y a autant de femmes exemplaires, telle ma mère, qui sont restées à la maison à élever ses enfants et aimer son conjoint que de femmes exemplaires qui sont sur le marché du travail avec ou sans enfant, avec ou sans conjoint(e). Certaines sont dans la sphère publique, d'autres dans l'ombre. Chacune à leur façon, elles font de leur mieux pour faire évoluer la société en fonction de ce qu'elles ont assumé de faire de leur vie, sans blâmer la société de ce qu'elles sont devenues aujourd'hui.

J'ai connu des hommes colériques, émotifs et sans contrôle d'eux-mêmes, et j'ai connu des femmes sachant contrôler leurs émotions et capables de dialoguer. Il y a des hommes qui sont aussi bien à la maison avec les enfants, toutefois ils restent encore dans l'ombre car ils ne correspondent pas au fameux cliché d'homme de Cro-Magnon.

Oui, il y a des femmes qui ont divorcé par « mode » et qui ont siphonné tout l'argent de leur ex-mari. Oui, il y a des maris qui ont méprisé leur femme restée à la maison à élever leurs enfants, et qui ont abusé de leur dépendance, de leur isolement et de leur naïveté par manque d'instruction et de vie sociale.

Une femme et un homme modernes sont ceux qui assument leur décision de choix de vie, et qui ne cherchent pas à blâmer la société pour les choix qu'ils ont faits dans lesquels ils ne ce sont jamais identifiés ou qu'ils ne s'identifient plus. Bref, ils ne cherchent pas non plus à se déculpabiliser en tentant de se redéfinir et s'identifier à d'autres clichés, tels que

prendre les hommes pour des chasseurs de mammouth qui aiment les femmes ignorantes et qui les attendent bien docilement à la maison avec une progéniture bien garnie.

La société d'aujourd'hui a permis de rendre accessible aux hommes et aux femmes davantage de choix de vie. Un homme peut désormais rester à la maison, et une femme avoir une carrière professionnelle. Toutefois, mesdames, ce n'est pas la société qui a à choisir à votre place. Si vous croyez être faite pour rester à la maison et vous occuper d'enfants, tant mieux! Toutefois, assumez-le mais n'embarquez pas toutes les femmes avec vous sous un faux prétexte réducteur qu'elles sont toutes comme vous pour une question d'hormones, et que les hommes sont tous des bûcherons parce que votre couple n'a pas fonctionné. Assumez-vous !

Julie Naud