On m'a sauvé la vie!

On m'a sauvé la vie!

Jean-Paul Fontaine, Longueuil

N'ayant subi qu'une seule hospitalisation pour une amygdalectomie 48 ans plus tôt, je jouissais jusqu'à l'an dernier d'une santé de fer. Le 15 mars 2011, à l'occasion de mon examen médical annuel, je décris des symptômes anodins à mon médecin. Elle me prescrit aussitôt des analyses diverses et un lavement baryté. Le 20 avril, tout est terminé et le verdict est sans appel: grosse tumeur dans l'angle hépatique du côlon, qui, cancéreuse ou pas, nécessite une chirurgie. Tout un coup de massue d'apprendre que l'on a une tumeur qui risque fort d'être cancéreuse.

Le 26 avril, mon chirurgien m'explique en cinq minutes la suite des choses et rédige une prescription pour des examens à l'hôpital Pierre-Boucher: analyses sanguines, ECG, coloscopie, tomodensitométrie et rendez-vous avec une pneumologue. En une semaine, ces examens sont terminés, les résultats suivent peu après et la demande d'hospitalisation est faite.

Le 1er juin, je suis opéré. Le chirurgien découvre une tumeur très agressive qui bloque presque le côlon et qui a migré en dehors de celui-ci pour se répandre sur les organes sous-jacents. Je n'échappe pas à une infection très grave qui nécessite une deuxième opération d'urgence le 14. Deux semaines plus tard, on déclare victoire: l'infection est jugulée et la plaie est en bonne voie de guérison.

Le 8 juillet, on me déclare guéri. Je n'ai pas de métastases, étant donné l'agressivité de la tumeur, on me conseille de me soumettre à une chimiothérapie préventive. Tout s'est bien déroulé: bien que l'on ne puisse le vérifier de manière tangible, le traitement devrait avoir tué les micrométastases susceptibles d'être présentes dans mon organisme et écarter le spectre d'une récidive.

Bref, l'an dernier à pareille date, j'avais le cancer sans le savoir et maintenant, je ne l'ai plus. Grâce à la compétence et à l'efficacité de tous les professionnels concernés, j'ai sans doute évité le pire, comme des métastases ou un cancer encore plus grave. Dans la pire hypothèse, mon pancréas aurait pu être atteint et je ne serais plus là pour en parler. On m'a sauvé la vie, quoi! J'envisage l'avenir avec optimisme et je compte bien ne pas retourner à l'hôpital avant un autre 48 ans, ce qui me mènerait tout de même à 120 ans!

Le «vidangeur» nouveau

Yves Deslauriers, Prévost

Ce matin, comme tous les matins du retraité que je suis, je me rendais à l'épicerie chercher mon journal, La Presse, mon compagnon du matin depuis près de 60 ans. En marchant, je me suis surpris à épier les gestes de l'éboueur qui faisait sa ronde. Lorsque mon regard a croisé le sien, nous nous sommes salués comme de bons vieux complices. Monsieur, collecteur d'ordures ménagères, était assis au volant de son camion, verres fumés accrochés à son visage et un sourire sûrement libérateur. Il aurait bien pu être vêtu d'un veston et d'une cravate. C'est drôle, mais je voulais par mon geste partager sa nouvelle gloire. Car il suffit d'avoir été confronté au décrochage scolaire pour regarder une facette pénible de l'abandon scolaire motivé par la démotivation. Quand, chaque jour, durant plus de dix ans, tu dois aller brosser bien malgré toi ton image de perdant, l'école devient pour toi un passage obligé dévalorisant et qu'en plus, on brandit à ta face ce vieux dicton: «Qui s'instruit s'enrichit.» Le principe idéaliste d'abolir les inégalités sociales ne devrait pas seulement s'adresser aux étudiants, mais aussi aux travailleurs plus vulnérables dans une société où le droit de posséder appartient aux plus forts. Après ce court détour, je reviens à mon éboueur et à son nouveau rôle. Plus question de courir derrière le camion à lever des poids ou à être confronté à des ordures entassées pêle-mêle, emblème du respect voué à ces travailleurs. L'éboueur nouvelle vague n'a plus à se salir les mains. Tout le monde a déjà entendu cette déclaration méprisante: «Fais-toi instruire si tu ne veux pas devenir "vidangeur"!» Quand je regarde celui qui m'assure d'un service indispensable, je lui lève mon chapeau pour saluer son nouveau rang, lui qui a grandi avec la technologie.

Merci de signer vous aussi!

Dave Harvey

Au Canada, le taux de don d'organes figure parmi les plus bas des pays industrialisés. Je m'inscrivais jusqu'à récemment parmi les 50% des gens n'ayant pas signé leur carte d'assurance-maladie ou qui n'ont pas fait part de leur volonté en la matière à leurs proches. Je ne l'avais pas fait, car j'entretenais un certain malaise avec le fait que des parties de moi me survivent dans le corps d'un autre. C'était purement irrationnel et inconscient de ma part.

Ma perception a complètement changé depuis qu'un proche a obtenu un diagnostic de maladie pulmonaire dégénérative trois mois avant le début de sa retraite. Après une certaine période de stabilité lui permettant de poursuivre ses activités et de voir naître cinq petits-enfants, depuis septembre dernier, c'est la chute libre.

Si bien qu'il est actuellement hospitalisé et, s'il n'y a pas un poumon pour lui à très court terme, il est condamné. C'est quelqu'un à qui je dois beaucoup et qui a toujours été très dévoué pour les autres et vous ne pouvez imaginer le sentiment d'impuissance qui habite en ce moment ma conjointe et moi, alors qu'il nous est impossible de lui venir en aide à notre tour.

C'est pourquoi je me permets de rappeler à la population l'importance du don d'organes. Pouvoir prévenir ou guérir tous les traumas et toutes les maladies serait encore bien mieux. Mais comme c'est impossible, à défaut de pouvoir survivre à un trauma, si notre triste sort peut néanmoins permettre de sauver ou améliorer substantiellement celui de quelqu'un d'autre...

LA SUITE DES CHOSES

Tsunami de solidarité

Le mardi 31 janvier, nous avons publié le texte du Dr Guillaume Langlois, intitulé «La grande illusion». Médecin de village depuis plus de trois ans, à la tête d'une clinique de plus de 3000 patients, l'aide promise n'était qu'une belle promesse et il se sentait impuissant face à l'échec de ses efforts. Or, depuis la publication de sa lettre, les choses ont vraiment bougé. Il nous transmet ce mot pour qu'on sache que les nouvelles sont bonnes et que ses projets avancent.

Pendant une fraction de seconde, un battement de cil, le temps s'est arrêté, mon monde s'est figé. Alors que je criais dans le vide depuis deux ans, que je prévenais de notre chute imminente, de notre échec inévitable, tout d'un coup, le matin de la parution de ma lettre dans votre journal, tous les regards se sont tournés vers moi. C'était comme si, pour la première fois, on m'entendait, comme si tout d'un coup le péril devenait réel, le danger véritable, comme si soudainement, j'avais retrouvé la voix.

Les médias se sont précipités, les gens ont écouté. Le matin du 30 janvier, à Sainte-Gertrude, la terre a tremblé, le village a été secoué.

À la télévision, c'est un médecin épuisé et déboussolé qu'on a présenté au bulletin de fin de journée. Finie la force intérieure, morte la tête d'affiche, détruite l'âme forte, l'esprit allumé. Pour la première fois, une faille visible de l'extérieur, pour la première fois, tout le monde savait.

Comme ce fut le cas dans les médias sociaux quelques jours plus tôt, rapidement, les mots d'encouragement ont fusé de toutes parts. Téléphones, fax, courriels, lettres manuscrites sont arrivés par centaines.

Une fraction de seconde, le tissu social s'est resserré. En un battement de cil, les gens d'affaires se sont regroupés. Le maire a appelé, des médias nous ont ralliés. Notre député a offert son aide, des dizaines de bénévoles d'aussi loin que Montréal se sont manifestés, notre conseil d'administration s'est transformé. Une vague insoupçonnée s'est levée, un tsunami de solidarité s'est déversé dans notre région, a dépassé les frontières de notre village, s'est propagé dans nos campagnes.

Notre clinique d'économie sociale pourra enfin voir le jour, contre tout espoir, après des années d'échecs répétés, de déceptions multiples. La vague qui a été créée a déjà déplacé des montagnes, renversé le courant, transformé notre manière de penser définitivement.

Du fond du coeur, je remercie tous ceux qui en ont fait partie, et tous ceux qui se joignent encore au mouvement. Merci d'avoir pris ma lettre au sérieux. Merci de votre soutien et de vos encouragements. La reconstruction a enfin commencé!

Guillaume Langlois, médecin de village



Courte hibernation


Le 19 décembre, nous avons publié la lettre de Mme Bourbonnais, infirmière à la retraite, dans notre page «À votre tour» sous le titre «Mettons-nous en hibernation». Son mari souffre depuis 2010 d'un problème pulmonaire chronique et elle nous relatait leur mésaventure à l'urgence où, après neuf heures d'attente, il n'avait jamais pu être examiné par un spécialiste. Le jour même de la publication de sa lettre, l'hôpital du Mont-Sinaï nous contactait pour obtenir les coordonnées de Mme Bourbonnais, afin de s'occuper de son conjoint. Mme Bourbonnais nous a transmis une lettre pour nous informer des événements survenus à la suite de la publication de sa lettre.

Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, l'hibernation fut de très courte durée. La journée de la parution de la lettre, nous avons reçu un appel de M. Michel Amar, directeur général de l'hôpital du Mont-Sinaï, spécialisé dans les soins pulmonaires.

D'une grande humanité, il a compris notre détresse et nous a offert un rendez-vous avec un pneumologue.

La recommandation du médecin: une hospitalisation pour permettre à mon conjoint de retrouver une certaine qualité de vie. Il a été hospitalisé le 27 janvier pour une durée de trois semaines.

Nous tenons à remercier tout le personnel du Mont-Sinaï pour la qualité des soins offerts, pour l'écoute et pour la présence constante.

L'état de mon conjoint s'est beaucoup amélioré et, au lieu d'hiberner, nous avons pu reprendre nos activités.

Nous serons toujours reconnaissants envers M. Amar d'avoir su détecter notre détresse.

Je suis cependant dubitative, et j'aimerais bien que vous répondiez à cette question: que feront les patients qui n'ont pas écrit de lettre? Devront-ils hiberner?

Lise Bourbonnais, Marieville