Se retrouver à l'urgence est une épreuve qui dépasse l'entendement.

Mon mari est récemment tombé de son lit dans le centre d'hébergement où il vit. Incapable de se relever, il a été trouvé en début de nuit au pied de son lit.

L'ambulance est venue le chercher le lendemain matin pour l'emmener à l'Hôtel-Dieu de Montréal. J'ai demandé à ce qu'il soit envoyé à l'hôpital Fleury qui est tout près. «Impossible, me répond l'ambulancier, il n'y a plus de place». J'ai donc suivi l'ambulance à reculons.

L'urgence de l'Hôtel-Dieu est un véritable micmac. Ça déborde, et dans les corridors, il y a des civières partout. Je ne peux pas me plaindre du personnel infirmier, il faut les voir courir! La surcharge de travail est stressante. Si tu as le malheur de poser deux fois la même question, l'impatience se fait sentir.

Après qu'on ait attendu deux heures pour avoir les résultats de la radiographie, le médecin arrive et nous apprend que mon mari a subi une belle fracture au fémur. Il doit donc être opéré. J'ai signé des papiers pour les soins qu'il doit recevoir.

Le soir même, l'infirmière me rappelle en me disant que je n'ai pas signé de consentement à l'opération et que mon mari ne peut être opéré sans cette signature! Pour éviter de retarder l'opération, j'y suis retournée le lendemain matin. Toujours à l'urgence, c'est par un autre couloir que j'ai trouvé la chambre de mon mari, couché sur une civière, à moitié conscient. Toujours à jeun, il attend la venue du chirurgien. L'infirmière attend elle aussi le médecin et me demande de l'attendre à mon tour. Je fais du sang de cochon. J'ai attendu deux heures puis j'ai insisté pour signer les papiers d'autorisation, et je suis repartie sans avoir vu le chirurgien.

Si j'étais magicienne, j'inviterais le ministre de la Santé, Yves Bolduc, à venir se rendre compte par lui-même de ce qui s'y passe. Pour que cette visite soit vraiment profitable, je le rendrais invisible et je le mettrais dans ma poche droite en lui disant: «Docteur, ouvrez grand les yeux, vous devez observer ce qui se passe ici!» Il verrait un personnel courir, des malades tassés, des chambres tellement petites, la minceur des matelas de civières, etc.

Et les infirmières pourraient aussi lui dire ce qui ne va pas. J'ai posé la question à l'une d'elles. Elle m'a dit: «Ici, c'est tellement lourd. L'urgence doit garder des malades qui, autrefois, se retrouvaient à l'étage. Les cas lourds se retrouvent donc à l'urgence.» J'ai chuchoté au Dr Bolduc dans ma poche, «avez-vous entendu ça, docteur? Que comptez-vous faire? Les problèmes d'urgence se règleront quand il y aura des meneurs conscients et intelligents qui s'engageront sérieusement afin de faire changer les choses.»

En attendant, nous les usagers, sommes souvent portés à mettre la faute sur le dos des infirmières. Voilà qui n'est pas juste! C'est plus qu'un métier, c'est une vocation! Et moi, je ne l'ai pas!

En plus, quand j'ai quitté l'hôpital, j'ai dû débourser 18,50$ pour le stationnement. C'est une honte! Quand donc l'administration mettra-t-elle un terme à cet abus? Un vrai scandale!

SOINS DE GRANDE QUALITÉ, ATMOSPHÈRE DÉTENDUE



Jean Delisle

L'auteur réside à Gatineau.

Non-fumeur, saine alimentation, exercice quotidien. Bon bilan de santé annuel. Jamais hospitalisé en 64 ans. Je me croyais plus ou moins immunisé contre l'un des pires fléaux du siècle: le cancer. Erreur.

Des tests sanguins sonnent l'alarme: la glande dissimulée sous ma vessie semble présenter une anomalie. Une biopsie confirme la présence de cellules proliférant de manière anarchique. Diagnostic: le chancre meurtrier a élu domicile dans ma prostate. Il faut extirper le mal.

La chirurgie est fixée au lendemain de la Saint-Valentin. Dès l'accueil, on vous bague, vous pare d'une somptueuse jaquette et vous allonge sur une civière.

Transféré sur l'étroite table d'opération et les bras en croix, vous entendez l'assistante du chirurgien compter les instruments chirurgicaux. «Il manque une lame de quatre pouces», constate-t-elle. Vous vous dites: «Mieux vaut entendre cela avant l'opération que dans la salle de réveil.»

Après quelques heures passées en salle de réveil et déjà bien branché (soluté, dispensateur de morphine à volonté, sonde reliée à la vessie, poire de drainage de la plaie), on me conduit à ma chambre.

La presse écrite et télévisée nous abreuve de reportages sur les conditions de travail pénibles des infirmiers et des infirmières. Je m'attendais donc à côtoyer des travailleurs épuisés, démotivés et à la mine renfrognée. Or, ce fut tout le contraire.

Ce que je dis ici s'applique au personnel du 5e étage nord de l'hôpital de Gatineau. Je peux attester y avoir reçu d'excellents soins de personnes souriantes, affables et décontractées. L'endroit n'avait rien d'un lieu sinistre hanté par des traîne-savates à l'humeur maussade.

Dès le lendemain de mon opération, on a commencé à me demander si j'avais eu des gaz, ce qui n'a pas manqué de m'intriguer. L'anesthésie générale endort aussi le système digestif. Manger avant qu'il ne se réveille bruyamment provoque des vomissements. Le dicton rabelaisien «Qui bien mange, bien pète» devient pour l'opéré: «Qui bien pète, bien mange.» Quand cela se produit, on est fier de vous, on vous félicite comme si vous veniez d'accoucher d'un chérubin. Un peu plus et on sortait les cigares! Des parents et amis sont venus tenir compagnie à mes urines qui s'accumulaient dans un sac transparent suspendu à mon lit. J'ai été étonné du nombre de maladies, de blessures et d'opérations qu'avaient subies mes visiteurs. Devant le récit de leurs souffrances et de leurs douleurs passées, oubliant mon état de convalescent, j'ai ressenti un vif sentiment de compassion à leur égard.

Un matin, une dame âgée se présente à mon chevet: «Voulez-vous communier?» me demande-t-elle. «Est-ce que cela aura un effet quelconque sur ma condition?» «Quand on a la foi, tout est possible», me répond-elle.

Je venais de faire une autre découverte: dans nos hôpitaux publics, que je croyais laïcs, on administre encore le placebo de la religion. Personnellement, pour soigner un cancer, je préfère miser sur les progrès de la science médicale qu'invoquer les saints ou m'adonner à des rites de sorcellerie. «Un seul médecin est plus utile que cent prêtres», aurait dit Thomas Paine.

En réduisant un hôpital à son urgence, on en vient à oublier que, dans l'ensemble, notre système ne nous sert pas si mal.

L'image la plus forte que je retiens de mon hospitalisation est celle d'un personnel médical soucieux d'offrir des soins de la plus haute qualité dans une atmosphère détendue. C'est la principale découverte que j'ai faite lorsqu'il m'a fallu accoucher de ma prostate par césarienne, le lendemain de la Saint-Valentin.