M. Charest, nous aimerions vous informer d'une pratique néfaste et malheureusement courante mise en place par vos gestionnaires du ministère de la Santé.

Lors d'une hospitalisation en juillet 2010, il nous est apparu évident que Mme Thérèse Chiasson, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, ne pourrait retourner à la maison. Nous avons demandé l'aide des services sociaux de l'hôpital pour lui trouver une résidence. Le travailleur social nous a expliqué que nous pouvions choisir un centre d'hébergement près de notre domicile, mais qu'en attendant qu'une place se libère, Mme Chiasson serait envoyée «en transit» dans une autre résidence.

Coup de chance, Mme Chiasson a été envoyée dans un centre d'hébergement tout près de sa famille.

Rapidement, elle y a créé des liens affectifs avec le personnel et les autres résidants. Elle y était heureuse et s'est intégrée rapidement à sa nouvelle vie. La maladie continuait à progresser lentement, mais Mme Chiasson participait avec plaisir aux nombreuses activités.

Après trois ou quatre mois, nous avons avisé la résidence que nous voulions que Mme Chiasson y reste en permanence. Nous avons été informés que cela était impossible puisque Mme Chiasson était «en transit» et qu'en plus, elle ne nécessitait pas trois heures de soins par jour (elle requérait environ 2 heures de soins, selon l'évaluation du travailleur social). Nous avons multiplié les appels et les demandes. Rien à faire. Pas important si elle était heureuse, ni ce que la famille veut pour son bien-être. Il était hors de question que Mme Chiasson reste au centre d'hébergement simplement parce qu'elle ne nécessitait pas trois heures de soins et plus par jour.

Après 11 mois de stabilité, Mme Chiasson a été forcée de déménager.

Cette décision prise par vos gestionnaires de la santé a été le début de la fin pour Mme Chiasson.

Quelques jours après son arrivée à son nouveau centre d'hébergement, Mme Chiasson pleurait et nous demandait de la ramener chez elle, c'est-à-dire à la résidence qui était devenue son environnement familier et sécurisant.

Qu'est-ce qu'on pouvait lui dire, M. Charest? Que quelqu'un, quelque part, assit derrière un ordinateur au ministère de la Santé, avait suivi un règlement ridicule et l'avait déménagé inutilement sans se soucier de son bien-être? Mme Chiasson a commencé à être de plus en plus triste et a chuté à trois reprises. Finalement, elle s'est fracturé le poignet et a dû être hospitalisée.

Une fois à l'hôpital, Mme Chiasson a tout simplement décidé d'arrêter de manger. Pour une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer, chaque changement ou déménagement est un choc émotionnel qui fait progresser la maladie. Nous avons tout essayé. Nourriture maison, bouffe du restaurant. Rien à faire. Chaque bouchée était recrachée.

Mme Chiasson est décédée le 14 octobre dernier. Non pas des suites de sa maladie. Elle s'est laissée mourir de chagrin, déprimée d'avoir été retirée de l'environnement qu'elle aimait.

Elle est triste cette histoire, M. Charest, parce que nous avons perdu un être cher. Mais elle est aussi banale puisque Mme Chiasson n'est pas un cas isolé.

Il est temps que vos dirigeants du ministère de la Santé mettent en place une politique adaptée aux besoins spécifiques des gens atteints de la maladie d'Alzheimer. Et peut-être devrait-on leur rappeler qu'ils ne gèrent pas un entrepôt de meubles usagés, mais qu'ils s'occupent d'aînés malades et fragiles. Au lieu de les aider, en les déménageant inutilement, ils contribuent à leur déclin.