LA GRANDE FÊTE DE LA PRINCESSE

LA GRANDE FÊTE DE LA PRINCESSE

C'est la période des nombreux bals de fin d'études - et des dépenses onéreuses - et je sens un sérieux désabusement de la part des gens. Mais il faut comprendre la signification d'un bal de fin d'études pour une jeune femme de 17 ans. La robe que l'on porte n'est pas seulement une robe, c'est la robe qui nous donne l'impression d'être la plus belle femme du monde. C'est celle qui allume une étincelle dans notre regard et qui nous fait relever la tête. Les sandales ne servent pas seulement à nous faire de belles jambes, elles servent à augmenter notre estime de soi. Le maquillage ne sert pas à ressembler à une star d'Hollywood, mais bien à cacher notre insécurité. Lors de notre bal de fin d'études, on ne cherche pas à être LA plus belle, on cherche à SE sentir belle. On essaie que, pour une fois, l'image que nous reflète le miroir nous fasse sourire. On espère que cette seule soirée efface tous les doutes que l'on a depuis cinq ans. Tout à coup, nos boutons qui semblent trop apparents, nos cheveux qui nous font rager et nos cuisses trop grosses qui nous font pleurer lorsqu'on magasine des pantalons disparaissent le temps d'une soirée. Après cinq ans à essayer d'apprivoiser un corps que l'on déteste, on veut seulement une petite soirée sans y penser. Avoir finalement le courage de regarder les gens dans les yeux, de relever la tête, de redresser les épaules et d'avoir enfin confiance en soi. Vous trouvez que ça coûte cher, un bal? Essayer de diviser le total par le nombre de jours et de soirs qu'une jeune fille s'est regardée dans le miroir et a souhaité voir autre chose. Je vous assure que ce n'est pas si dispendieux.

Amélie Beaumier est étudiante à la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal.

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VOUS SEREZ TOUJOURS MES CHERS ÉTUDIANTS

Au début de mon enseignement, dans les années 80, vous étiez des étudiants engagés presque à temps plein dans vos études. Vous étiez peut-être la moitié à travailler quelques heures par semaine. Il y avait de l'espace dans vos vies pour profiter pleinement de votre entrée dans l'univers de jeunes adultes. Vous aviez une vie sociale active avec vos amis et vous ne comptiez plus les partys qui s'enchaînaient les uns après les autres. L'expression à la mode était «c'est cool».

J'ai vu défiler sous mes yeux différents courants de pensée, mais surtout de modes : les casquettes, palettes en avant, en arrière. L'expression courante était: «Y'a rien là. 

Et puis est apparue la mode des baladeurs ou walkmans. Le premier que j'ai eu sur les oreilles, par simple curiosité, appartenait à nulle autre que Sylvie Paquette, auteure, compositrice et interprète de ses chansons. Pas étonnant qu'elle soit devenue ce qu'elle est.

Je vous ai vu avec les cheveux aux couleurs arc-en-ciel, bleus, verts, rouges, orange, jaunes, etc. L'expression courante devenait: «Yes man», même si nous étions une majorité de femmes...

Avec le temps, insidieusement, vos heures de travail à l'extérieur prenaient de plus en plus de place dans vos vies, au détriment de vos études. C'est à partir de cette période que j'ai dû apprendre à négocier entre les exigences de vos employeurs, votre difficulté à poser vos limites et nos exigences académiques. La valorisation du travail pendant les études allait en progressant.

J'ai vu apparaître simultanément la mode des camisoles à bedaine et le body piercing. Les camisoles servaient à exhiber un piercing au nombril. C'est aussi à cette époque que j'ai commencé à voir des langues sorties pour aussi épater la galerie avec son piercing sur la langue.

Nous sommes ensuite entrés dans l'ère technologique des moyens de communication. Ah! Les fameux téléphones cellulaires, qu'ils m'ont fait travailler fort pour gagner la bataille entre le déroulement normal des cours et des téléphones qui sonnent fréquemment. L'expression «genre» est omniprésente dans le langage actuel des étudiants.

Une autre lutte fondamentale fut celle de la qualité de votre français écrit. J'ai connu différentes vagues selon la méthode du français écrit enseignée dans les écoles secondaires. Je pense, entre autres, à la méthode par les sons, qui m'obligeait à lire les travaux à haute voix pour comprendre le sens de vos écrits.

Finalement, l'étincelle dans vos yeux a été ma plus belle source de joie pendant toutes mes belles années d'enseignement. Chers étudiants, j'ai eu le plaisir de vous découvrir à différentes époques et sachez que je garde de très bons souvenirs de vous. Sachez que je crois profondément en vous et que vous serez toujours, pour moi, mes chers étudiants. Longue vie à vous en travail social.

Michèle Rolland est professeure.

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MERCI MILLE FOIS!

Chers élèves, en ces temps où vous commencez à vider vos bureaux, j'aimerais vous rendre hommage et vous féliciter pour tout le boulot que vous avez accompli cette année dans mon cours de français.

Vous avez dévoré Hugo, Maupassant, Vian, Camus, adoré les chansons de Brel et Dédé Fortin, débattu avec énergie au sujet du gaz de schiste ou de la situation en Libye. Vous avez créé des dizaines de textes, lu près de 1500 pages, monté des courts métrages... Vous avez parcouru un long chemin qui, je l'espère, vous a fait grandir!

Même si la société vous perçoit bien souvent, à tort, comme des paresseux ou des bibittes à technologie, vous m'avez montré que, lorsqu'on vous met en contact avec des oeuvres classiques fortes qui vous parlent et que, comme en politique, on élève le débat, vous pouvez faire abstraction de tout ce monde ultrabranché et hyperactif qui vous entoure et réfléchir à votre identité, vous poser des questions et faire preuve d'une grande profondeur de pensée.

Plusieurs diront que le sarcasme et l'ironie semblent présentement votre moteur. Je suis convaincu du contraire. Vous êtes des romantiques, des sensibles, des rêveurs. Votre implication dans les activités scolaires et parascolaires me montre que vous attendez beaucoup de la vie. Il suffit de trouver les projets les plus stimulants pour faire ressurgir ce bon fond.

C'est avec émotion que je termine cette courte lettre, que je vois comme une dernière occasion de vous féliciter et de vous remercier pour cette merveilleuse année scolaire passée en votre compagnie. Vous resterez dans mes pensées pour toujours, et je souhaite fortement que brillera toujours en vous l'étincelle que j'ai perçue dans vos yeux, cette flamme qui m'a nourri et poussé vers un dépassement constant cette année.

Daniel Deschênes est enseignant de français au collège Jean-de-Brébeuf.