Le lendemain de l'Halloween ont commencé les publicités télévisées pour Noël. Le lendemain. Pas de répit pour la consommation des dernières bébelles, des derniers gadgets. Consommer le plus possible dès maintenant grâce à un crédit illimité ou presque, voilà l'inquiétante (ou désolante) réalité d'aujourd'hui.

Nous vivons à une époque étrange dans son rapport au temps. Rien ne sert de se lamenter sur les temps passés ou de sombrer dans la nostalgie. Le XXIe siècle est ce qu'il est, et on ne pourra pas le changer. Mais des individus pourraient vouloir se changer pour ne pas être totalement à la merci de cette ère qui est la nôtre. Nous vivons constamment dans l'urgence, dans une immédiateté nourrie par des médias omniprésents et omnifascinants. C'est une urgence artificiellement créée et entretenue, certes, mais dans la perception générale, c'est une urgence tout de même. Quelle était la crise de la semaine dernière? Du mois dernier? On ne sait pas et on ne veut pas le savoir! Je me contente de là, tout de suite. Je veux le dernier gadget. Pas demain. Aujourd'hui. Appris par texto sur mon portable ou par Twitter, oublié dès le «twit» suivant.

Notre rapport au temps a changé, et probablement pas pour le mieux. Il fut, croyez-le ou non, une époque où l'homme vivait avec le temps, conscient du passé, actif au présent et ouvert sur l'avenir, le sien et ceux de ses enfants. On voulait se souvenir pour mieux organiser le présent et apprivoiser l'avenir. Cela demandait réflexion, méditation même, car l'avenir est en partie ce que nous décidons d'en faire. L'avenir peut se modeler, si on le veut. Cela n'est plus et on a presque oublié qu'il n'y a pas toujours adéquation entre changement et progrès humain.

Qui sait, tout a peut-être commencé par ce vieil adage du siècle dernier voulant que «le temps, c'est de l'argent». Les nouvelles technologies de l'information sont venues river le clou dans le cercueil de la méditation et de la réflexion. L'irruption des jouets électroniques, sans lesquels vous n'existez pas, a fait le reste. En parallèle, les médias électroniques ont triomphé. Autrefois, on disait qu'une image valait mille mots. Aujourd'hui, l'image, dévalorisée et abusée, ne vaut pas plus que la suivante. Mille images ne valent plus un mot.

Et la publicité est venue consacrer, dans l'esprit populaire, l'ère de la consommation. On n'attend plus, on ne veut plus attendre. Je veux tout, tout de suite, je veux me satisfaire aujourd'hui, maintenant. Le passé? Inutile et encombrant. L'avenir? On s'en fout. Je consomme, donc je suis.

Marx a pu écrire que la religion était l'opium du peuple. On constate que la consommation abusive et incessante est maintenant la nouvelle religion mondiale. Tous sont soumis aux grands-messes permanentes des médias électroniques dont les contenus ne servent qu'à remplir le temps en vue de garder captif le téléspectateur et l'exposer à ce qui est important, la propagande commerciale. Il est difficile d'échapper à cet assaut de la publicité, à la télévision, dans le cellulaire et d'autres outils qui contribuent à la perte du sens du temps.

L'espérance de vie s'accroît en même temps que l'urgence de vivre. Quel paradoxe! Mais le sens du temps et une consommation maîtrisée, voilà qui s'apprend, tout comme une certaine simplicité volontaire. La vitesse et la frénésie qu'impliquent le je, me, moi, tout de suite ne pourront pas durer toujours. L'ère de la révulsion approche probablement chez beaucoup d'entre nous...