Je me demande si notre société ne se transforme pas en perroquet, reproduisant tout ce qui lui passe par les oreilles: «L'immigrant doit absolument s'adapter à nous ! C'est lui qui arrive chez nous ! Tant pis s'il ne le fait pas, c'est lui qui perd, pas nous!»

Je me demande si notre société ne se transforme pas en perroquet, reproduisant tout ce qui lui passe par les oreilles: «L'immigrant doit absolument s'adapter à nous ! C'est lui qui arrive chez nous ! Tant pis s'il ne le fait pas, c'est lui qui perd, pas nous!»

La consommation, l'appât du gain et le plaisir «ici et maintenant» nous préoccupent à un point tel que l'on se trouve souvent déconnecté de la réalité du monde qui nous entoure.

Nous est-il venu à l'esprit à quel point il est difficile pour un nouvel arrivant de s'adapter à sa nouvelle réalité? Que cette réalité ne ressemble en rien à celle que son imaginaire a joliment brodée?

Commençons par ce qui se passe aux bureaux d'immigration, à l'extérieur du pays. Ce qui est recherché lors de la sélection devient moins attrayant une fois l'élu rendu ici. On courtise ceux qui maîtrisent le français et, une fois ici, on leur reproche la méconnaissance de l'anglais... Les hautement qualifiés - sélectionnés pour faire la fierté de la province -, une fois sur le marché du travail, on leur apprend comment camoufler leurs diplômes... Et que dire des couples avec jeunes enfants, «véritable mine d'or qui peuplera le Québec», qui doivent finalement attendre au moins trois ans pour avoir une place à la garderie du quartier pour leurs enfants?

En dépit de tout ce chaos d'incohérence, on maintient la certitude que les immigrants devraient s'assimiler à notre propre mode de vie. Leurs rêves brisés et leurs deuils multiples ne sont pas de nos affaires! Les psychologues considèrent que tout changement majeur dans la vie d'un individu mérite un travail considérable pour que la personne puisse passer au travers... Combien d'immigrants remettent leurs deuils à plus tard, ne pouvant se permettre un tel luxe? Une autre priorité s'impose, la survie! Tout est à recommencer.

Le plus grand défi demeure «l'adaptation», qui ne se fait pas d'un clic. Le processus risque d'être très compliqué, vu que la société ne croit pas avoir la responsabilité ni le désir de tolérer les différences. Il n'est pas concevable qu'un nouvel arrivant se comporte différemment ou qu'il navigue sur une longueur d'onde inconnue, ou qu'il donne des réponses non familières lors d'une entrevue d'embauche... Il est mieux de se mettre bien en ligne dans une file d'attente, et surtout, ne pas se tenir trop proche en faisant la queue à la caisse d'un supermarché... «Ben là, c'est sûr qu'on ne le trouvera pas correct!»

Que réserve l'avenir à ces dizaines de milliers d'immigrants reçus chaque année s'ils n'arrivent pas à s'intégrer ? Et quelles seraient les conséquences sur l'économie et sur la santé collective de notre société? J'aurais peur de connaître la réponse...

Il est temps de croire à l'urgence d'intervenir. Déployer stratégies, moyens et ressources pour aider nos immigrants à apprivoiser leurs pertes et apprendre à gérer leur nouvelle réalité. Accueillons leurs différences. Aidons-les à se reconstruire une vie en continuité avec celle qu'ils menaient, sans enterrer leur passé, pour soi-disant s'adapter correctement. Ils auront sûrement besoin de nous pour s'approvisionner. On ne peut pas tout apporter dans une valise! Laissons-les déposer leurs bagages, reprendre leur souffle et s'adapter au décalage horaire.

Arrêtons de les bousculer en cherchant absolument à les faire « fitter » dans notre moule. Tout ce que l'on fait, malheureusement, c'est de les inciter à faire semblant et se déguiser en «immigrants politiquement corrects»...