Un bon matin, un peu avant 6h, un vieil érable est tombé dans ma rue. Nul ne connaissait son âge. Peut-être avait-il vu construire, en 1904, la maison de pierres qu'il a rafraîchie de son ombre pendant de si longues années? Fort heureusement, personne ne se trouvait dessous. Quelques heures plus tard, il aurait pu faucher un des nombreux groupes d'écoliers qui passent chaque jour à cet endroit.

Un bon matin, un peu avant 6h, un vieil érable est tombé dans ma rue. Nul ne connaissait son âge. Peut-être avait-il vu construire, en 1904, la maison de pierres qu'il a rafraîchie de son ombre pendant de si longues années? Fort heureusement, personne ne se trouvait dessous. Quelques heures plus tard, il aurait pu faucher un des nombreux groupes d'écoliers qui passent chaque jour à cet endroit.

L'arbre avait beaucoup souffert de la crise du verglas, m'a-t-on dit. L'un de ses troncs, immense, s'inclinait au-dessus de la rue; son écorce était toute vermoulue et, ces dernières années, nous avons vu mourir quelques-unes de ses branches.

Au printemps 2006, ma voisine a téléphoné à la Ville pour demander qu'on vienne l'émonder. Au printemps 2007, rien n'ayant été fait, j'ai moi-même téléphoné. Un fonctionnaire m'a répondu: «Mais, madame, il faut compter deux ans pour un émondage!» J'en suis restée bouche bée. Il m'a tout de même gratifiée d'un numéro de dossier; ma voisine avait, elle aussi, eu ce privilège l'année précédente.

Le temps a passé. Je regardais souvent avec inquiétude ces branches mortes dressées au-dessus de nous; l'une en particulier faisait un bon diamètre, et je me demandais à quel moment le vent ou la neige la ferait tomber. Lorsque la neige s'accumulait, j'évitais de garer ma voiture à cet endroit. La branche s'est affaissée d'elle-même un jour, entraînée par son propre poids. Par chance encore, personne ne se trouvait dessous. Aucune voiture non plus.

Un autre jour, c'est le vent qui a arraché une grosse branche et l'a fait tomber beaucoup plus loin dans la rue, encore une fois sans dommage.

Enfin, il y a deux ans, une branche brisée est tombée à cheval sur le fil électrique qui traverse la rue.

Au moment de la chute de l'érable, une de ses plus hautes branches était morte depuis plusieurs années.

J'ai fini par me demander sérieusement si la Ville n'avait pas opté pour l'émondage naturel. Pensons-y, quelle économie!

S'il y a un dieu pour les ivrognes, il y en a un aussi pour les irresponsables.

* * *

Derrière chez moi, tout au bout de la cour, un vieux garage tombe en ruine. Depuis mon balcon, je vois les trous dans la toiture. Un mur montre une courbure menaçante. Je n'ose penser aux dommages qui s'ensuivraient s'il s'écroulait. Au printemps 2009, j'ai avisé la Ville, photos à l'appui. On m'a attribué un numéro de dossier. L'automne suivant, n'ayant reçu aucune nouvelle, j'ai téléphoné de nouveau. J'ai appris que le dossier du garage avait changé de département. On m'a donc gentiment attribué un autre numéro de dossier. C'est tout.

Dormons en paix. La Ville veille.