J'aimerais poser une question bien simple : pourquoi allons-nous en Europe?

J'aimerais poser une question bien simple : pourquoi allons-nous en Europe?

Nous y allons en vacances, à tout le moins. Le reste de l'année, nous sommes ici, nous travaillons, allons à l'école, nous nous informons et nous nous exprimons. Ces temps-ci, le développement et la reconstruction de nos infrastructures sont au coeur de l'actualité, suscitant débats et controverses. Plus largement, ce sont nos villes et notre territoire qui se voient en métamorphose.

Chaque fois que j'entends des parties pressées d'avancer, d'évoluer, de rénover notre système, je me pose toujours la même question: pourquoi l'Europe nous intéresse-t-elle alors? C'est vrai, après tout, ce n'est qu'un ensemble de pays possédant langues, cultures et patrimoines distincts. C'est complexe, ça bouge lentement, c'est vieux et tout y coûte cher. En fait, il n'y a que du bon vin, des gens qui savent recevoir, des monuments historiques, mais surtout, une authenticité forte de plusieurs centaines d'années. Des villes à la campagne, l'harmonie règne. Rien de bien intéressant finalement.

Mais on aime ça y aller.

Chaque fois que j'entends des parties très pressées de faire les choses vite, vite, vite, je me dis que nous avons le pays, la ville, la banlieue que nous méritons. Tout est fait vite, vite, vite et par le plus bas soumissionnaire. On gruge tranquillement nos terres agricoles pour étendre des banlieues toujours insuffisantes. On peut bien vouloir sortir et voir autre chose, aussitôt qu'on en a l'occasion.

Le développement n'est pas une course contre la montre, c'est le cours des choses. Il ne faut donc pas tout bousculer au seul nom de l'efficacité. Après tout, le design, c'est gérer de multiples contraintes et plusieurs disciplines en vue d'un résultat, oui efficace, mais agréable aussi. Si on bouscule le processus pour gagner du temps, on en perdra inévitablement sur un projet de reconstruction.

Pensez au système autoroutier québécois, par exemple. Pour ne pas tourner en rond, il faut donc faire preuve de patience et savoir travailler en équipe. Vu la valeur du patrimoine, cette attitude est une norme en Europe. Ça peut être magistral ou fait en toute simplicité. Prenez en exemple la conversion d'une ancienne centrale électrique londonienne en musée d'art (Tate Modern) ou la manière mise de l'avant par Berlin pour souligner la lourde présence d'un mur tombé depuis 20 ans maintenant.

Pourquoi ne prenons-nous pas les moyens d'une société qui respecte et admire le travail bien fait? Pourquoi de petits pays comme la Belgique, les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark et la Suisse (pour n'en nommer qu'une partie) ne se gênent pas pour produire une architecture et des infrastructures à la fois dignes et efficaces? Les réponses ne sont certainement pas dans la démographie, car ce sont toutes des nations comparables au Québec.

Nous sommes les voisins de l'une des puissances économiques mondiales. Nous avons une population et une culture dynamiques. Nous avons un beau territoire, traversé par l'une des voies maritimes d'importance en Amérique. Ce que les autres peuvent faire, nous le pouvons aussi. Quiconque dit le contraire doit être bien triste.

On ne devrait pas aller en Europe afin d'admirer l'effort des autres. Nous devrions plutôt nous agiter.

Et être patient, pas immobile.